Vaccination dans les pharmacies

Des débuts prometteurs pour l'expérimentation

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Publié le 04/01/2018
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En Auvergne-Rhône-Alpes et en Nouvelle-Aquitaine, les pharmaciens sont désormais autorisés à vacciner contre la grippe dans le cadre d’une expérimentation menée sur 3 ans. Une opération qui rencontre un franc succès, avec déjà plus de 100 000 personnes vaccinées en officine.
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Crédit photo : S. TOUBON

Depuis le 6 octobre 2017, la vaccination contre la grippe par les pharmaciens est autorisée dans deux régions françaises, l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine, pour une expérimentation prévue sur 3 ans.

« Les premiers bilans sont très encourageants : plus de 130 000 personnes ont été vaccinées par plus de 4 000 pharmaciens autorisés selon les données du 7 décembre », s’est félicité la présidente de l’Ordre national des pharmaciens, Carine Wolf-Thal. « Ceci montre un véritable élan pour cet acte en officine », s’est félicité Agnès Buzyn, ministre de la Santé, en indiquant que cette forte mobilisation « encourageait à étendre l’expérimentation à d’autres régions ». Comme les textes précisent que ce test peut concerner quatre régions maximum, on peut donc prévoir une extension à deux régions supplémentaires lors de la prochaine campagne de vaccination en 2018-2019.

Améliorer la couverture vaccinale

Rappelons que l’expérimentation a un objectif très précis : celui d’augmenter la couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de plus de 65 ans, qui n’était que de 48 % l’année dernière. « Sur les 12 millions de bons envoyés, seulement la moitié est utilisée, c’est peu », déplore le Dr Anne Mosnier, médecin et épidémiologiste. Il reste donc à couvrir les 6 millions restants, un enjeu qui devrait suffire à lui seul à éteindre la concurrence qui oppose parfois les infirmiers et les médecins aux pharmaciens. Pour Anne Mosnier, « les officinaux doivent être identifiés comme le troisième pilier contribuant à une meilleure couverture vaccinale, et qui agissent, de par leur proximité et leur disponibilité, en complémentarité des autres professionnels de santé ».

Sur le terrain, les pharmaciens participants sont satisfaits de cette expérimentation qui valorise leur image de professionnel de santé. « La vaccination offre l’opportunité d’ouvrir le dialogue sur la santé du patient, d’aborder des pathologies annexes. En clair, cela nous permet de nous positionner face au patient en tant que professionnel de santé, orienté vers les nouvelles missions, particulièrement dans la prévention », se félicite Vincent Riera, titulaire à Gardonne (Dordogne).

Des conditions à remplir

Pour participer à l’expérimentation, le pharmacien doit être titulaire ou adjoint en officine dans les régions concernées, être volontaire et avoir réalisé une formation validante, théorique et pratique, sur la vaccination. Une fois son dossier validé par l'ARS, il peut vacciner les adultes ciblés par les recommandations en vigueur sauf en cas de primo-vaccination et excepté les femmes enceintes, les personnes à risque particulier et les personnes sous anticoagulants (sauf celles sous antiagrégants plaquettaires). Cependant, l’interdiction de prise en charge des primo-vaccinés est une contrainte mal comprise des officinaux, qui estiment que ces personnes sont justement la cible que peut toucher spécifiquement le pharmacien. « C’est en vaccinant les personnes qui ne l’ont jamais été que nous pourrons améliorer la couverture vaccinale », estime Arnaud Dufraisse, pharmacien en Dordogne.

Agnès Buzyn explique « qu’il est normal de fixer un cadre à une expérimentation, surtout au début, de façon à limiter les risques, notamment d’une manifestation allergique avec un vaccin antigrippal ». Mais « nous allons entendre ceux qui ont participé à l’expérimentation et rien n’empêchera de modifier certaines modalités les années suivantes », ajoute la ministre.

Aujourd’hui, en pratique, le pharmacien accrédité peut vacciner après avoir vérifié à l’aide d’un questionnaire si la personne est bien éligible à la vaccination en pharmacie, et après avoir recueilli son consentement écrit. Il garde ensuite le patient 15 minutes en observation. « Ce délai, non exigé pour les autres professionnels de santé qui vaccinent, est une aberration », critique Alain Guilleminot, président de l’UTIP. Enfin, le pharmacien remet au patient une attestation de vaccination et une copie de son formulaire de consentement, et il informe le médecin traitant du patient, si le patient a donné son accord.

Des réfractaires

Certains pharmaciens des régions concernées ont décidé de ne pas participer à l’expérimentation, surtout par crainte de gêner les médecins et les infirmières, revendiquant le fameux « à chacun son métier ! ». D’autres estiment que la rémunération n’est pas à la hauteur des efforts fournis : « l’honoraire proposé est dérisoire ! », s’insurge ainsi un pharmacien de Limoges. La rémunération est de 4,50 euros par personne vaccinée bénéficiant d’une prescription médicale, et de 6,30 euros par personne ayant un bon de vaccination émis par l’assurance-maladie. De plus, chaque pharmacien participant à l’expérimentation et ayant réalisé au mois 5 vaccinations au sein de cette officine recevra 100 euros de dédommagement. La rémunération sera versée à la fin de chaque campagne de vaccination contre la grippe.

Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3399
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