Trois pharmaciens sur quatre considèrent le virage numérique en santé appliqué à l’officine comme « un progrès nécessaire »*. Celui-ci s’invite progressivement en pharmacie, alors que les éditeurs de logiciels de gestion d’officine portent les derniers ajustements visant à proposer un outil adapté tel que défini dans le cahier des charges du Ségur du numérique en santé (du nom de l'avenue de Ségur, dans le 7e arrondissement de Paris, où se situe le ministère de la Santé).
Ce fameux Ségur n’est autre que la mise en application du volet numérique du plan « Ma Santé 2022 » dont le maître d’œuvre est la délégation ministérielle du numérique en santé (DNS). Xavier Vitry, directeur de projet de la DNS et interlocuteur dédié aux pharmaciens, rappelle l’objectif premier : « permettre l’interconnexion en rendant les logiciels des professionnels de santé interopérables autour de Mon espace santé et redonner au patient ses données de santé pour qu’il en soit acteur et responsable ».
Vaste chantier que la DNS a décidé d’attaquer « à petits pas, mais rapides ». C’est ainsi que l’espace numérique en santé – appelé « Mon espace santé » et pierre angulaire du projet – a pu voir le jour en février dernier, automatiquement créé pour chaque Français, sauf en cas d’opposition formalisée. Ce carnet de santé numérique, disponible sur le Web et via une appli mobile, reprend les informations du dossier médical partagé (DMP) et comprend une messagerie sécurisée, un agenda dédié aux rendez-vous de santé et, à venir, un bouquet d’applis validées par le ministère de la Santé.
Interopérabilité
« On considère que pour être acteur de sa santé, il faut avoir la possibilité d’accéder à ses informations santé, même si ensuite chacun est libre d’utiliser ou pas son espace numérique en santé. Chacun a, dès lors, la capacité de gérer et partager ses données de santé avec les professionnels de santé de son choix », précise Xavier Vitry. Avant cela, c’est aussi au Ségur du numérique que l’on doit la e-CPS dont le déploiement général est tombé à pic, en avril 2020, pour la gestion de la crise du Covid. On lui doit également l’appli carte Vitale sur Smartphone, dont l’expérimentation commencée en 2019 se poursuit, la création de l’identité nationale de santé, ou INS, en cours de déploiement, les messageries de santé sécurisées…
Mais pour pouvoir utiliser l’ensemble de ces outils et échanger en toute sécurité avec d’autres professionnels de santé et avec ses patients, il faut avant tout avoir un logiciel métier adapté et interopérable. Cette étape essentielle a quasiment abouti aujourd’hui. « Nous en sommes à la phase de référencement, précise Xavier Vitry, dont la date butoir a été légèrement ajustée pour permettre aux éditeurs de logiciels engagés dans le Ségur – et d’ailleurs il faut souligner que tous les éditeurs sur le marché officinal se sont engagés – de finir le travail et de bénéficier des financements dits Ségur. »
Calendrier ajusté
Résultat : les éditeurs peuvent déposer leur demande de référencement jusqu’au 28 avril prochain (au lieu du 31 mars), les pharmaciens doivent signer un bon de commande auprès de leur éditeur d’ici au 15 mars prochain (et non plus au 18 décembre 2022). Mais Xavier Vitry recommande fortement de ne pas attendre le dernier moment. « Tous les bons de commande passés depuis le 19 juin dernier sont réputés valables, donc n’attendez pas si votre éditeur de logiciel vous propose de signer un bon de commande Ségur. Si les près de 21 000 officines attendent la date butoir, on part tous au carton collectif. »
Ce bon de commande répond au système de « tiers payant » mis en place par l’État. En effet, la mise à niveau des logiciels aux exigences Ségur est financée par l’État sans avance de frais. Le principe est que le pharmacien passe commande (bon de commande faisant foi), l’éditeur installe le nouveau logiciel métier et accompagne l’équipe officinale, le pharmacien confirme que le travail a été réalisé, ce qui déclenche le paiement de l’éditeur par les services de l’État. Le coût ? En moyenne 750 euros par officine.
Vagues successives
« Ce qui est inclus dans le financement Ségur c’est le développement de la licence, l’installation et l’accompagnement des professionnels de santé. Ce qui n’est pas prévu en revanche dans ce financement c’est la remise à niveau de matériels obsolètes et les messageries de santé sécurisées », indique Xavier Vitry. Un coût modeste, selon Denis Supplisson, vice-président de la Fédération des éditeurs d’informatique médicale et paramédicale ambulatoire (FEIMA) au regard de la prestation apportée. Car les logiciels revus et corrigés vont intégrer Pro Santé Connect, ce serveur d’authentification des professionnels de santé, les messageries de santé sécurisée, ou encore la future ordonnance électronique.
« La première vague du Ségur visait à alimenter le DMP, donc permettre à tous les professionnels de pousser de l’information vers le patient, précise Xavier Vitry. Avec la deuxième vague, les professionnels de santé pourront bénéficier des documents poussés par d’autres professionnels. Ce n’est qu’un début, il y aura d’autres vagues. » Car la DNS poursuit sans interruption sa stratégie de « petits pas, mais rapides », d’où l’idée de « vagues successives » avec « de nouvelles versions et des adaptations » selon un calendrier serré, « plutôt que d’attendre le grand soir du logiciel pour avoir un outil parfait ». La base est posée.
Surtout, ce nouveau logiciel métier prend la forme tant espérée par la profession, passant d’un outil conçu avant tout pour la facturation à une stratégie centrée sur le patient. Indispensable à l’heure où les missions de santé publique du pharmacien se multiplient – dépistage, vaccination, entretiens d’accompagnement – et qu’elles exigent une communication sécurisée avec les autres professionnels de santé.
* D’après une enquête Call-Médi-Call pour « Le Quotidien du pharmacien » menée du 12 juillet au 5 septembre dernier auprès de 1 066 pharmacies (voir page 26).
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