Christian Rose est à la tête du département en charge des enjeux environnementaux, du transport et de la logistique à la Confédération des grossistes de France (CGF). Une organisation qui regroupe 31 fédérations et rassemble 150 000 entreprises employant près d'un million de salariés des secteurs du stockage, de la distribution et du transport. Un poste qui lui a notamment permis d'observer de près le fonctionnement de différents secteurs, et notamment celui de la répartition pharmaceutique.
« Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai essayé de comprendre comment fonctionnaient les supply chain (ou chaînes logistiques) des différents secteurs représentés au sein de la confédération, dont la répartition pharmaceutique, explique Christian Rose. L'objectif était d'identifier l'existence de points forts ou de points faibles qui, en étant comblés, pourraient faire l'objet de gisement de productivité non exploitée. C'est une démarche que j'ai menée avec un œil de logisticien et avec 3 mots-clés en tête : consolidation, massification, optimisation. Derrière ces mots, il y a un triple enjeu : être performant au niveau économique, donc pouvoir maîtriser ses coûts et si possible les réduire ; être performant sur le plan commercial et en matière de services apportés aux clients, en l'occurrence les officines ; et enfin maîtriser l'enjeu environnemental avec les questions énergétiques et la lutte contre le réchauffement climatique », détaille-t-il.
En faisant ce travail, Christian Rose a pu se rendre compte de la solidité de la chaîne logistique des répartiteurs pharmaceutiques. « Elle est très robuste, très performante, et la qualité de service est au rendez-vous », confirme le responsable de la CGF. « Ceci dit, on peut toujours se demander si l'on peut faire mieux, notamment grâce au digital, au numérique et à l'intelligence artificielle. On peut se demander ce qu'ils pourraient apporter au secteur et comment les utiliser pour être encore meilleur dans les dimensions environnementales, économiques et sur le service client. »
Les infinies possibilités de l'intelligence artificielle
C'est notamment avec l'intelligence artificielle que Christian Rose voit de nombreuses possibilités d'améliorations. « Son domaine d'excellence dans la supply chain concerne tout ce qui touche à la prédiction, la prédictibilité des événements. Il y a deux niveaux, expose-t-il. Le premier consiste à connaître en temps normal la survenance d'un événement de manière à s'y adapter, c'est typiquement le rôle que joue un GPS sur une voiture. Le second niveau c'est avoir connaissance de l'événement avant sa survenance de manière à anticiper les enseignements à en tirer et la conduite à tenir. » Christian Rose cite ensuite trois exemples, plus au moins éloignés du secteur de la répartition pharmaceutique, pour expliquer comment l'intelligence artificielle est utilisée de manière concrète.
« Dans l'industrie, on utilise des outils pour prédire à quel moment la maintenance d'un appareil devra être assurée. Dans l'agriculture, les exploitants ont recours à des sondes pour maîtriser l'arrosage de leurs cultures dans le temps et dans l'espace. Dans le domaine des véhicules de transport, tous les industriels connaissent le dispositif d'estimation des temps d'arrivée des véhicules. En connaissant l'heure d'arrivée, on peut mobiliser les ressources au bon moment pour pouvoir se coller à l'arrivée des marchandises. Si on se rapproche encore plus du secteur de la répartition pharmaceutique, l'intelligence artificielle est employée pour tout ce qui touche à la gestion des commandes », liste Christian Rose.
L'intelligence artificielle pour anticiper les besoins et les commandes des pharmaciens
De fait, l'intelligence artificielle se retrouve de manière très concrète dans nos vies, rappelle-t-il. « Si on a une cafetière à dosettes et un abonnement pour commander les dosettes en question, on reçoit un mail pour nous prévenir de la date à laquelle la commande devra être renouvelée. On voit aussi, aux États-Unis, le réfrigérateur connecté d'Amazon, qui sait à l'instant T à quel moment il faudra penser à changer sa plaquette de beurre. Enfin, si on prend l'exemple de la GMS, les magasins sont depuis très longtemps dans une logique de stock avancé avec un pilotage des commandes effectué quasiment depuis les sorties en caisse. Cela permet au fournisseur de faire une précommande avant même que la commande du distributeur ne lui parvienne. » Autant d'applications dans la vie réelle qui font imaginer à Christian Rose de nouvelles perspectives pour la répartition pharmaceutique. « Aujourd'hui, nous sommes dans le domaine de la prédictibilité, de l'anticipation. La question que l'on peut se poser est donc la suivante : ne peut-on pas imaginer demain que, grâce à l'intelligence artificielle, le médicament soit dans l'officine avant même que le patient n'y entre ? »
Une idée qui pourrait peut-être devenir réalité bien plus vite qu'on ne l'imagine. « Quand on parle de révolution numérique à l'officine cela concerne tous ceux qui sont en interaction quotidienne avec les pharmaciens, c’est-à-dire la répartition, explique en préalable Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique. Depuis longtemps, l'officine travaille avec des logiciels métier, avec l'informatique ; c'est pareil pour la répartition pharmaceutique. Dans nos interactions, dans l'échange de datas transactionnelles, avec d'un côté laboratoires et de l’autre des officinaux, cela se traite avec des protocoles standardisés. Demain le rôle de la répartition sera peut-être, non plus d'attendre la commande du pharmacien mais de réapprovisionner le pharmacien avec les médicaments des patients qui arriveront le lendemain », imagine-t-il également.
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