Autre indicateur de performance de l'officine, l’excédent brut d'exploitation (EBE) se consolide. Il a même tendance à se relever de 1 000 euros selon Fiducial, de 3 000 euros dans le réseau CGP et de 7 000 euros chez KPMG. Cette croissance est d’autant plus salutaire que l’EBE en euros permet au pharmacien de se rémunérer, de rembourser ses emprunts et de payer la fiscalité de son activité. L'EBE avant rémunération et cotisations sociales TNS (travailleurs non salariés) constitue un ratio qui permet par ailleurs de faire de vraies comparaisons sur la rémunération que peut générer une pharmacie en France en 2018.
Variant selon les cabinets, entre 228 300 et 282 000 euros, l'EBE augmente de 0,35 % à 1,07 %, pour atteindre entre 15,06 % et 15,37 % du chiffre d'affaires. Une hausse certes infime mais assez notoire pour être soulignée. Car, dans ce contexte à la hausse, l’EBE est un ratio clé qui, comme la marge brute, fait état d’un renforcement des finances officinales.
Dans cette remontada, les experts-comptables veulent cependant davantage voir un rattrapage après l’inflexion de l’EBE observée en 2015. Quoi qu’il en soit ce soubresaut est le bienvenu, alors que le réseau, d’année en année, fournit de nombreux efforts. Les trésoreries ont été progressivement assainies. Aujourd'hui, 27,37 % des officines sont dans le rouge, contre 30,85 % un an auparavant. Moins de 5 % présentent un découvert bancaire supérieur à 30 500 euros, elles étaient 6,30 % en 2016. C'est avec la même rigueur que les titulaires ont jugulé leurs frais de personnel (hors rémunération du titulaire) et les charges externes, à respectivement 11 % et 5 % du chiffre d’affaires.
Cependant, sur ce dernier volet, le plancher bas en termes d’économie semble être atteint, comme le relève Joël Lecoeur : « Afin de percevoir une rémunération acceptable, les titulaires ont serré les boulons, souvent au détriment de leur qualité de vie, notamment dans les petites officines ; ils ont ainsi réduit leur temps de congé pour éviter d’embaucher un remplaçant. » Un état de fait qui pourrait cependant décourager plus d’un jeune diplômé séduit par l’installation.
La course à la taille
Autre paramètre qui contribue à la consolidation de l’EBE, le taux de rendement calculé sur le ratio chiffre d’affaires/nombre d’emplois équivalent temps plein (ETP), y compris celui du titulaire. Là également, le plafond de verre semble être atteint en matière de productivité avec un chiffre d’affaires de 300 000 euros par personne préposée à la vente. « Ce ratio est stable depuis trois ans et démontre que les économies ont été faites sur les frais de personnels », analyse Joël Lecoeur, président du réseau CGP. Du reste, signe que ce ratio représente une constante pour la profession, dès qu’une officine s’en écarte, elle connaît des difficultés. « Le titulaire doit d’autant plus rester très vigilant qu’il ne dispose pas de marge de manœuvre », expose Philippe Becker, directeur du département pharmacie chez Fiducial, faisant référence aux nombreux cas d’officine en redressement qui ne présentent pas un ratio de productivité satisfaisant.
Aussi, l’éclaircie observée sur le paysage économique et financier de l’officine ne doit pas faire perdre de vue que rigueur et gestion stricte s’impose chaque jour à l’exercice du titulaire qui veut « rester dans les clous », observe Philippe Becker, qui ajoute « nous avons définitivement tourné le dos à l’ambiance d’il y a quinze ou vingt ans ». L’EBE est d’autant plus le cap sur lequel se fixe la trajectoire de l’officine qu’elle va servir de base à la rémunération du titulaire. Aujourd’hui, cette rémunération annuelle nette moyenne fluctue entre 42 100 euros dans le réseau CGP (soit 3 500 euros net mensuels), à 57 100 euros chez Fiducial et 52 800 euros, chez KPMG (voir encadré).
Une nouvelle fois, le critère taille entre en jeu. « On peut en effet s’interroger, expose Joël Lecoeur, sur le niveau de la rémunération pour les petites officines qui, subissant une baisse du chiffre, de la marge, et par conséquent de la rentabilité, peinent à tirer un niveau de rémunération correct pour leur titulaire. » En tout état de cause, la rémunération est directement corrélée à la taille de l’officine. Il cite ainsi le cas des officines enregistrant un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros et dont le titulaire ne perçoit que 1 500 euros mensuels ! Or, à l’heure actuelle, la capitalisation du fond n’est même plus un lot de consolation. Encore faudra-t-il que ce type d’officine puisse se vendre dans quelques années. Sans compter que, retour de bâton, le niveau de rémunération aura un impact indéniable sur la décision d'un potentiel acquéreur.
Vers un exercice groupé
Rien d’étonnant, donc, que ce facteur d’attractivité déterminant auprès des jeunes diplômés incite ces derniers à s’intéresser davantage à des officines d’un chiffre d’affaires de deux millions d’euros ou plus, quitte à opter pour l’exercice groupé. « Il sera intéressant d’observer à l’avenir l’intérêt qui sera désormais manifesté pour les petites officines », note Philippe Becker.
Les experts-comptables ont ainsi pleinement conscience que le tableau dressé par la publication de leurs chiffres annuels contribue à renforcer ces mouvements « Les résultats créent, involontairement, un appel d’air sur les plus grosses pharmacies », conviennent-ils, prédisant que le phénomène de regroupement ira en s’accélérant. Cette tendance est à observer tant sous l’aspect financier que sociologique, notamment à l’aune du ratio efforts/revenu.
Ce n’est un mystère pour aucun économiste et la pharmacie n’échappe pas à cette règle. Ainsi une officine de deux à quatre millions d’euros de chiffre d’affaires sera plus attractive parce qu’elle apportera davantage de sécurité financière, de qualité de vie et de revenus au regard du travail fourni. Une donne qui deviendra primordiale dans les années à venir, auprès d’un public rajeuni. Les candidats à l’installation pourront même aller plus loin et créer des structures plus importantes, de 8 ou 9 millions de chiffre d’affaires. Quitte à les créer par des regroupements. Ce phénomène, observé dans d’autres professions - biologistes, médecins, experts-comptables - n’épargnera pas le paysage officinal.
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