L’évolution du métier qui pousse le pharmacien à devenir toujours plus un professionnel de santé ravit Christian Grenier. Le président de Federgy s’inquiète néanmoins que certains confrères soient encore loin de la ligne de départ.
« À la dernière réunion intersyndicale, constate-t-il, on avait l’impression que les pharmaciens, les étudiants, la répartition et les groupements savaient où devait aller la profession, mais quand on se retourne, on constate qu’il y en a qui sont loin derrière nous par rapport à l’idée qu’on se fait de la pharmacie de demain. » Pourtant, il y a urgence, d’autant que le changement d’approche du métier doit se faire en profondeur et touche à la fois au pharmacien en tant que professionnel de santé, à la pharmacie en tant que commerce et aux prestations de services adaptés au parcours de soins. « Rappelez-vous avant on vendait des petites boîtes, ensuite on les délivrait, puis on les dispensait, éventuellement on les substituait. Aujourd’hui on ne parle plus d’actes, on parle d’un pharmacien qui intervient dans le parcours de soins, qui va passer de plus en plus de temps en face-à-face avec le patient, qui va devoir augmenter ses compétences, entrer en coordination avec les autres professionnels de santé… et va devoir se dégager du temps pour cela », souligne Christian Grenier.
Il va surtout devoir faire sa révolution numérique. Car c’est le constat mis en avant par le président de Federgy, le numérique « bouleverse absolument tous les métiers et n’épargne personne ». Et cela va vite : « On en est à la 3e révolution du numérique. » On est déjà loin de l’envoi du premier mail en 1971. Désormais ce sont 500 millions de tweets et 300 milliards de mails qui sont envoyés chaque jour. « Dans la coordination des soins, le pharmacien va entrer dans des réseaux sécurisés et tout le monde va être interconnecté, y compris le SAMU ou l’ambulance. Parce que le patient doit avoir un parcours de soins fluide et simple, avec des professionnels de santé en coordination qui partagent les données, leur savoir, pour un accompagnement efficient. »
Enjeu extraordinaire
Pour Christian Grenier, le pharmacien n’a pas d’autre choix, le numérique devient incontournable aussi bien pour le professionnel de santé que pour le commerçant. Car « les GAFAM* mettent la pression » en permettant au consommateur d’avoir accès à leurs produits 24/24h et 7/7j. « Le concurrent de demain n’est autre que l’e-commerce, le pharmacien a donc l’obligation de se mettre au numérique, aussi bien B to B que B to C. » Et il doit en tirer avantage. Car la vente en ligne lui permet non seulement de proposer les produits dont il dispose à l’officine, mais aussi et surtout ceux qu’il n’a pas. « Ça veut dire qu’une petite officine rurale peut proposer à la vente en ligne 300 000 produits et reprendre la conquête du MAD (maintien à domicile). Pour que cela fonctionne, il nous faut une logistique sans faille qui nous apporte la totalité des produits, qu’il s’agisse de médicaments, d’un fauteuil roulant ou d’un lit médicalisé », ajoute Christian Grenier. À ses yeux, la réussite d’Amazon repose sur deux piliers, le numérique et la logistique. Deux piliers que le pharmacien peut s’approprier en plus de ses autres atouts que sont le professionnalisme, la proximité et le maillage. Et là encore, il y a urgence selon Federgy. « En deux ans, Apple, qui n’a rien à voir avec les montres, est devenu le premier fabricant de montres devant la Suisse. Qu’est-ce qui va se passer, selon vous, le jour où ces gens s’attaqueront à la pharmacie ? »
C’est pourquoi, au-delà de l’appel des syndicats de pharmaciens encourageant vivement les confrères à s’emparer des nouvelles missions, Federgy appelle à ce que tout le monde se lance dans cette évolution – de professionnel de santé, de prestations et services, et numérique – pour devenir « l’Amazon de la santé ». Christian Grenier prévient : « Répartiteurs, laboratoires, groupements et pharmaciens, nous devons tous bouger ensemble, sinon le système s’écroule car nous sommes tous liés. C’est un enjeu extraordinaire pour la profession qui ne devrait pas faire 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais trois fois ce chiffre ! »
* Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
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