« À la recherche du temps perdu » : un titre qui convient bien à l’activité du pharmacien, et auquel on pourrait ajouter « à la recherche de leviers actionnables » pour améliorer la performance financière et commerciale. À ce sujet, l’optimisation de la gestion des stocks et des commandes constitue « un enjeu clé », selon Hélène Charrondière, fondatrice et dirigeante de Health Analytica, société spécialisée dans les études de marché sur l'innovation en santé.
« C’est un levier évident de la performance financière et commerciale, et de la maîtrise des charges externes qui représentent environ 5 % du CA (moyenne nationale). » D’autant plus dans un contexte marqué par « une baisse tendancielle du taux de marge brute », alors que « les pharmacies travaillent en moyenne avec une centaine de fournisseurs (entre 70 et 150 selon leur volume d’activité), lesquels ont développé leurs propres systèmes d’information, réseaux commerciaux… Il s’agit donc d’une gestion chronophage qui nécessite un pilotage rigoureux », développe Hélène Charrondière.
Dans ce contexte, « l’enjeu est de réduire le temps et les ressources humaines alloués à la passation des commandes, à la gestion de la facturation, des litiges et des stocks », ajoute Hélène Charrondière. Des outils sont ainsi à disposition des pharmaciens pour mieux maîtriser leurs structures de coûts d’exploitation et le poids des achats dans leurs charges externes et dans leur activité en général. « Les solutions numériques doivent notamment permettre d’assurer la gestion prédictive des commandes, de suivre en temps réel l’avancement des livraisons et de recevoir des alertes sur les tensions et ruptures de stocks », ajoute l’experte. Des solutions numériques d’optimisation des achats et des stocks, et d’automatisation partielle ou totale des commandes, sont proposées par les éditeurs, avec des degrés d’automatisation variables.
Mini-maxi dynamiques
Historiquement, les LGO ont toujours embarqué des briques d’automatisation. « Leur processus de commande a été bâti sur la mécanique des mini/maxi. À l’époque, un pharmacien déterminait le nombre de boîtes minimum et maximum dans son tiroir et, lorsqu’il arrivait au minimum, les fiches permettaient de repasser commande. Quand les LGO sont arrivés sur le marché, ils ont dupliqué ce processus », raconte Pierre Montigny, directeur commercial et du développement chez Winpharma.
Basiquement, le processus de commande de la pharmacie dans un logiciel est le suivant : pour un produit, on détermine un minimum et un maximum. Quand, informatiquement, le minimum est atteint, le pharmacien reçoit une proposition de commande générée pour compléter à hauteur du maximum. Le pharmacien peut reprendre la main et adapter la commande, ou la valider si elle est effectivement en accord avec ses besoins.
D’après l’expérience de Pierre Montigny, une fois que le pharmacien a entré son min/maxi, il est rare qu’il passe en revue chaque jour l’ensemble de ses produits et gammes pour s’assurer que les niveaux enregistrés correspondent bien à son besoin de service. « Les variations saisonnières, la durée de vie des produits et l’activité de l’officine influencent le besoin de stockage. Ainsi, si j’ajuste mes seuils de commande (mini-maxi) au 1er janvier en fonction des produits les plus importants, il est probable qu’au 31 décembre, une partie significative de ces produits ne corresponde plus aux besoins réels », décrit Pierre Montigny.
Un manque de précision qui peut occasionner du surstock, donc une immobilisation de trésorerie, un risque de péremption, de rupture et, in fine, une dégradation du service client. C’est pourquoi « les éditeurs ont ajouté des couches d’automatisation ici et là pour optimiser et même permettre l’envoi de certaines commandes automatiquement », développe Pierre Montigny.
La chasse aux facteurs
Les LGO modernes intègrent désormais des variables pour une gestion plus intelligente et automatisée des commandes et achats, avec des subtilités d’un logiciel à l’autre. « Les mini-maxi sont désormais dynamiques, calculés en temps réel à chaque vente, en fonction de formules prenant en compte plusieurs facteurs », décrit Stéphane Zemour, responsable commercial chez Pharmaland.
Certains intègrent des fonctionnalités et algorithmes avancés, capables de prendre en compte une multitude de paramètres, allant de l’historique des ventes à l’ajustement dynamique des stocks, en fonction des tendances de consommation, de la saisonnalité, de la disponibilité chez les partenaires, des périodes de forte demande, des ruptures ou encore des délais de livraison. Autant de facteurs qui influent sur la vie de l’officine.
Pharmagest, éditeur du logiciel id., explique par exemple que dans son LGO id., « la gestion de vos achats s’adapte à votre fonctionnement, à votre activité, et ajuste automatiquement les commandes en fonction de vos ventes, y compris pour les produits saisonniers », peut-on lire sur le site de l’éditeur. Le logiciel intègre les catalogues des fournisseurs, du groupement du pharmacien, des laboratoires et des centrales d’achat et embarque des commandes automatiques et planifiées. Il calcule « automatiquement et en permanence » les mini/maxi de commande, au regard des seuils de rupture dans la pharmacie et du surstockage, en tenant compte des ventes, des habitudes de commande, et « déclenche automatiquement vos commandes de réassort ».
Chez Smart RX aussi, les degrés d’automatisation varient selon le choix de l’officine. Elle repose sur plusieurs critères pour déterminer un besoin de réapprovisionnement : la demande prévisionnelle pour chaque produit, le stock réel, le stock minimum et le stock maximum défini par la pharmacie, les commandes en cours, les délais de livraison des fournisseurs et la valeur unitaire des produits.
Concernant les commandes aux grossistes : « Il est possible d'automatiser entièrement le processus, sans intervention humaine. Toutefois, selon le choix du pharmacien, une validation par un responsable des achats ou par le titulaire de la pharmacie peut être nécessaire avant l’envoi de la commande. De plus, un système de rappel automatique peut être mis en place pour alerter le préparateur afin qu’il prépare et envoie la commande. » Dans le cadre d’une commande répartiteur automatisée, le module s’appuie sur l'algorithme de Wilson et sur une segmentation du stock en six classes de rotation (jour, semaine, mois, trimestre, semestre, annuel) afin de générer des propositions de commandes en fonction des besoins réels et de l’optimum de commande, en tenant compte du prix ou de la saisonnalité, par exemple. « Si un produit est en rupture chez le grossiste principal et déclaré en rupture dans la "réponse à commande", la commande bascule automatiquement vers un autre fournisseur défini en amont. »
Dans le cadre d’une commande laboratoire, par défaut, les alertes de produits à réapprovisionner apparaissent automatiquement. « Le module d’achat intégré au logiciel Smart RX identifie les produits dont les stocks sont inférieurs au seuil minimum et propose la commande correspondante, facilitant ainsi le réapprovisionnement. » Les seuils peuvent être modifiés manuellement si besoin pour mieux répondre aux besoins spécifiques. Le pharmacien peut toutefois utiliser plusieurs méthodes pour automatiser ses commandes : la saisonnalité, où il peut générer une commande en comparant les données d’une période avec celles des trois années précédentes pour la même période. Où la méthode arithmétique, qui analyse les données des 12 dernières semaines, pour en déterminer une tendance sur les 12 prochaines semaines.
Tout automatiser, ou presque
De son côté, Winpharma a adopté une autre stratégie avec sa solution d’automatisation des commandes winAutopilote. Intégré au LGO Winpharma, ce système met en place une automatisation complète de la chaîne de commande et remplace le processus de mini/maxi par un algorithme hébergé chez le pharmacien. Cet algorithme autoapprenant se nourrit, pour produire ses commandes, des informations propres à l’officine et à son marché, de ses schémas d’achat, de l’évolution du tarif d’un produit, des données épidémiologiques, de la typologie de patientèle à l’officine, de la saisonnalité…
Un médicament contre les allergies, par exemple, sera automatiquement placé en gestion de stock pendant le printemps et en « gérant promis » hors saison.
L’algorithme va déterminer le besoin de service, construire et générer automatiquement les commandes aux grossistes répartiteurs, via les plateformes de groupements ou les laboratoires, et les transmettre automatiquement au prestataire. Les produits à risque peuvent être isolés dans une commande annexe qui peut être progressivement automatisée.
Avant d’en arriver à cette automatisation de bout en bout, un certain nombre d’arbitrages doivent être réalisés au moment de programmer l’algorithme. Les spécificités de la pharmacie sont prises en compte lors d’un audit et seront appliquées pendant l’installation et les tests, afin de vérifier l’efficience des premières commandes automatisées.
Pierre Montigny conseille d’interférer le moins possible avec l’algorithme une fois celui-ci convenablement programmé, au risque d’en compromettre l’efficacité. Toutefois, comme avec les autres systèmes, « winAutopilote ne se substitue pas au pharmacien pour le choix de ses fournisseurs, et c’est lui qui détermine les règles du jeu de l’algorithme ». Un tableau de bord à disposition permet de visualiser l’ensemble des commandes et des envois et de reprendre la main tout comme de gérer manuellement les commandes ou certains produits/médicaments si souhaité. Cet outil permet en théorie d’automatiser de 85 à 90 % la génération, l’envoi et la réception des commandes, et de faire gagner jusqu’à huit heures par semaine à l’équipe officinale, tandis que le nombre de tickets promis est divisé par deux en moyenne à en croire Winpharma.
Gestion automatique des génériques
winAutopilote autorise une gestion automatique des génériques. En cas de rupture de l’un d’eux, le switch générique winAutopilote sélectionne automatiquement une alternative selon une hiérarchie définie de génériqueur n°1, 2 ou 3. Si une rupture est constatée lors de la commande prioritaire chez le laboratoire n°1, un basculement automatique est opéré sur l’alternative n° 2 et le cas échéant, n° 3. Le basculement vers le laboratoire n°1 est automatique dès que les génériques y sont de nouveau disponibles. Et ce, afin de respecter les choix stratégiques du pharmacien et de limiter l’accumulation de stocks hétérogènes. Ce type de fonctionnalité n’est pas propre à Winpharma. Pharmaland définit également les génériqueurs préférés des officines, par ordre de priorité, de manière que le système commence par le premier choix par défaut, puis s’adapte en fonction des disponibilités.
L. B.
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