Malgré une légère évolution en valeur

Une marge trop faible pour supporter le poids croissant des charges

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Publié le 09/10/2025

Après une année 2023 en involution, la marge brute -ou rémunération officinale- en valeurs a renoué avec la croissance l’an passé. Mais pas assez cependant pour couvrir la hausse des charges externes et les frais de personnels qui, eux, marquent une hausse bien nette.

Le taux de marge

Le taux de marge tourne désormais autour des 29 %
Crédit photo : Capucine Henry/PHANIE

Il faudra désormais composer avec cette nouvelle donnée : sauf miracle, ramené au chiffre d’affaires, le taux de marge restera sous le seuil des 30 %. Les statistiques des trois cabinets comptables pour l’exercice 2024 viennent confirmer ce qu’elles attestaient déjà en 2023. Le taux de marge n’atteint plus que 29,30 %, voire 28,30 % dans le réseau des pharmacies suivies par Rydge. Pire même ce taux s’est infléchi. Certes, un taux de marge ne reflète en rien la rentabilité d’une entreprise. Cependant, la croissance du chiffre d’affaires est bien insuffisante pour combler le delta. Pour preuve, les experts-comptables ne relèvent en valeur que des augmentations de la marge brute de 5,70 points (Fiducial) ou de 1,17 point (CGP). « Cela ne compense en rien l’inflation. On peut même parler de déflation de la marge », ne manque pas de souligner, Emmanuel Leroy, responsable national du réseau Professions de Santé chez Rydge. Son réseau note même pour la deuxième année consécutive une variation négative (1,10 %). Soit un solde négatif de 7 000 euros. Les pharmacies suivies par CGP s’en tirent à peine mieux et engrangent 8 000 euros de plus qu’en 2023 tandis que celles du réseau Fiducial enregistrent 36 000 euros de marge supplémentaire. Rien en tout cas qui permette d’entrevoir un avenir radieux.

L’expert-comptable voit dans cette très nette dégradation de la marge l’effet mécanique de la poussée des médicaments chers. « Les produits dont le prix excède 1 930 euros composent 24 % du chiffre d’affaires, un chiffre d’affaires détenu par ailleurs à 43 % par les médicaments d’un prix supérieur à 470 euros », rappelle-t-il. À l’avenir, les titulaires devront-ils voir dans l’incapacité de la croissance organique du chiffre d’affaires à compenser la faiblesse du taux de marge la raison d’un irrévocable décrochage de leur marge en valeur ? Sans doute. Sauf à trouver des relais de croissance, comme le suggère Emmanuel Leroy. L’expert-comptable met l’accent sur le segment de TVA à 0 % qui n’est plus aujourd’hui synonyme de missions Covid, mais bien de nouvelles missions, comme les TROD et la vaccination. « Les pharmaciens ont tout intérêt à s’améliorer dans ce segment. Tout comme il leur est conseillé de développer le segment de la TVA à 20 %, elle ne représente que 60 000 euros de marge aujourd’hui. »

Des marges de manœuvre existent certes, mais convient-il, c’est sur le médicament que se réalise la majeure partie de la marge actuellement. Un constat d’autant plus amer si la menace de la baisse des remises génériques perdure après le moratoire de trois mois annoncé par Sébastien Lecornu, premier ministre, le 24 septembre. Le cas échéant, les prochains bilans en subiraient effectivement les effets immédiats sur une économie qui se détériore d’année en année. Ainsi, au cours des six premiers mois de cette année, le taux de marge s’est en effet à nouveau replié à 28,11 % du chiffre d’affaires, contre 29,07 % un an auparavant ( chiffres CGP), ne dégageant en valeur qu’une progression de marge brute globale de 4 336 euros. Il en faudrait bien davantage pour ne serait-ce que compenser la hausse des charges externes et l’augmentation des frais de personnel.

Certes, la marge frémit. Mais pas suffisamment pour garantir la rentabilité de l’officine face à des charges externes qui repartent à la hausse. Elles accusent une hausse de 6 % en moyenne après une année de tassement en 2023 qui avait suivi une flambée à deux chiffres un an auparavant. Toutefois, comme le rappelle Emmanuel Leroy, responsable national du réseau Professions de Santé chez Rydge, « il ne faut pas oublier que ces hausses de frais en énergie, télécoms, maintenance, assurances, honoraires, loyer et groupements, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas lié à l’achat de médicaments, se superposent d’année en année ». Autre facteur à prendre en considération, l’inflation même si elle a été plus faible l’année dernière que les années précédentes. Autre constat de l’expert-comptable, « les officines qui ont progressé en marge sont également celles qui ont vu leurs charges augmenter car elles ont continué à investir ». Sont-elles par conséquent pénalisées par cette stratégie ? Pas forcément. Car a contrario, note Emmanuel Leroy, celles qui n’ont pas vu leurs charges augmenter dans les mêmes proportions ne sont pas parvenues à investir. « Ce qui n’est pas forcément un message positif. » Car ces charges en hausse reflètent également des investissements dans de nouvelles technologies, dans la PDA, les étiquettes électroniques, « autant de mesures qui permettent de gagner des heures de personnel et un confort d’exercice ». Sur les quelque 7 000 euros de charges externes supplémentaires constatées chaque année, une grosse part revient en effet aux leasings.

 

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien