L’augmentation toute relative de la marge en valeur -soit 8 000 euros en ce qui concerne le réseau CGP- ne suffit pas à assurer la rentabilité de l’officine. Pour preuve, constate Bastien Legrand, expert-comptable du cabinet FCC de Marcq-en-Baroeul (Nord) et président de CGP, l’excédent brut d’exploitation (EBE avant rémunération du titulaire et des cotisations TNS) est en repli de 10 000 euros et se hisse péniblement à 297 000 euros, au-dessus du niveau de 2019. Il gagne certes 24 000 euros, chez Fiducial, mais n’atteint que 279 000 euros, soit le niveau de 2021, tandis qu’il perd 20 000 euros en un an à 242 000 euros chez Rydge. Le poids croissant des charges externes 4,7 % en moyenne (voir page x) et des frais de personnel (5,6 % chez CGP, 4,9 % chez Rydge et 3,6 % chez Fiducial), (voir page 23) ont raison de la rentabilité de l’officine. Entamant ainsi sa capacité à rembourser l’emprunt, payer les impôts, financer les investissements et rémunérer le titulaire. En un mot, c’est la richesse produite par l’officine qui est attaquée. Le constat est sans appel : « en 2024, le pharmacien a vu son EBE diminuer et il y a fort à parier qu’en 2025 l’augmentation de la marge en valeur soit insuffisante pour compenser la hausse des charges. »
Les experts-comptables privilégient les comparaisons avec les bilans pré-Covid. En 2019, l’EBE se monte à 281 000 euros (chiffre CGP). « Il n’a donc gagné que 5 % en cinq ans alors même que l’inflation a atteint 20 % au cours de cette période », pointe Bastien Legrand. La démonstration n’est donc pas à faire : rapportée à l’inflation, la rentabilité de l’officine s’est érodée au cours des cinq dernières années. Mais cette dégradation est encore plus prégnante pour les petites officines, alerte l’expert-comptable. « Une pharmacie d’un chiffre d’affaires d’un million d’euros qui perd 10 à 12 points d’EBE aura de plus en plus de mal à contenir cette baisse de rentabilité et à mettre en place des relais pour capter une nouvelle marge. »
20 à 30 % des pharmacies ne progressent pas
Bertrand Cadillon, responsable du département Pharmacie chez Fiducial
Une érosion continue de l’EBE
Ces variations démontrent à quel point le pilotage de l’entreprise officinale est devenu complexe. Car, au-delà de la capacité à dégager une rentabilité, en fonction de son endettement, la pharmacie pourra ou non absorber une baisse de rémunération. Une rémunération qui jouera directement sur celle du titulaire. Bastien Legrand rappelle que dans une pharmacie d’un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros, la rémunération du titulaire atteindra 60 000 euros, dans une pharmacie d’un chiffre d’affaires d’un million d’euros, elle atteindra seulement 18 000 à 20 000 euros, soit 1 500 à 1 700 euros nets par mois. À bien des égards, le réseau se polarise. « Nous assistons de plus en plus à une différenciation entre officines, constate Bertrand Cadillon, responsable du département Pharmacie chez Fiducial, il ne faut pas oublier que 20 à 30 % des pharmacies ne progressent pas. » Cette fragilisation tant du côté du chiffre d’affaires, que de l’EBE, se ressent également sur le niveau des trésoreries. Les tendances des six premiers mois de l’année ne portent malheureusement pas à l’optimisme, comme le souligne Bastien Legrand. Les premières statistiques de son réseau font en effet état d’une croissance de marge insuffisante (4 336 euros) pour combler ne serait-ce que la hausse de 4 841 euros des charges de personnel. Celles-ci représentent aujourd’hui 38,26 % de la marge brute globale contre 37,38 % au premier semestre 2024. Il est d’ores et déjà clair, conclut l’expert-comptable, que si l’année se poursuit sur cette trajectoire, la marge sera insuffisante pour garantir la stabilité de l’EBE.
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