Inflation, médicaments chers, baisse des volumes…

Chiffre d’affaires : un composite de plus en plus complexe à analyser

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Publié le 09/10/2025

Au fil des ans, le chiffre d’affaires, en tant qu’indicateur économique de l’officine, a perdu de son pouvoir évocateur. Artificiellement dopé par les médicaments chers en ce qui concerne les produits de TVA à 2,1 %, ou encore par le rattrapage de l’inflation sur les prix des produits de TVA à 20 %, il ne signifie plus grand-chose aujourd’hui. Si ce n’est une certaine dynamique de l’activité au comptoir.

chiffre d'affaires

Le chiffre d’affaires – hors médicaments chers – n’évolue plus que de 3 %
Crédit photo : Capucine Henry/PHANIE

Les tableaux de bord de l’officine ne retrouveront de sitôt les progressions à deux chiffres qu’ils ont connues en 2022. Mais après un tassement en 2023 (entre 1,68 % et 3,90 %, selon les cabinets comptables), le chiffre d’affaires repart à nouveau à la hausse en 2024. Soit un regain de vigueur de 4,40 % chez Rydge, de 5,03 % chez CGP et même de 7,80 % chez Fiducial (voir encadré). « Il est à noter, tient à souligner Bertrand Cadillon, responsable du département Pharmacie chez Fiducial, que le chiffre d’affaires de l’officine a augmenté de 30 % sur les cinq dernières années. » Mais derrière cette progression spectaculaire se cachent, ou plutôt s’imbriquent, plusieurs facteurs qui rendent l’analyse complexe.

Un réalignement des prix

La dynamique a été ainsi portée l’année dernière par une nouvelle politique de prix sur les produits de TVA à 20 %, comme le décrit Bastien Legrand, expert-comptable, dirigeant du cabinet FCC à Marcq-en-Baroeul (Nord) et président du réseau CGP. Ainsi, une hausse des prix a été opérée en 2024 par les pharmaciens, en rattrapage des années précédentes. Un phénomène qui selon lui se traduit par la hausse de la part des produits de TVA à 20 % dans le chiffre d’affaires global : 13,60 % en 2024, contre 10, 67 % un an plus tôt. De fait, décrit-il, dans la période post-Covid, en 2023, alors qu’ils subissaient une réduction de leur marge liée à l’inflation des prix d’achat, les pharmaciens n’ont pas répercuté immédiatement cette hausse aux clients. « D’une part, ils ont mis un certain temps à se rendre compte de la détérioration de leur marge et d’autre part, ils ne voulaient pas donner une image de prix forts dans un contexte inflationniste. Le positionnement prix était crucial pour le pharmacien. » En 2024, les pharmaciens n’ont pas eu d’autre choix que de se réaligner mécaniquement, ce qui a influé sur le chiffre d’affaires des produits de TVA à 20 %. Une hausse qui résulte donc davantage d’une composante prix que d’une augmentation des volumes. « Ce segment a vu son chiffre d’affaires progresser de 7 % en 2024, soit plus que la moyenne du chiffre d’affaires », renchérit Bertrand Cadillon. Quant aux volumes, difficile dans ces conditions d’en déceler la part exacte dans l’évolution de l’activité officinale en général. Alors que les activités liées au Covid (taux de TVA 0%) se réduisent désormais à la portion congrue (entre 0,42 % et 0,60 % du chiffre d’affaires contre 0,57 % à 1,90 %, un an auparavant), le médicament remboursé (taux de TVA à 2,1 %) maintient sa part. Il représente entre 72,26 % du chiffre d’affaires chez CGP, 74,30 % chez Fiducial et 75,40 % chez Rydge. « Les honoraires continuent eux-aussi de progresser, sous l’influence de l’avenant 1 à la convention pharmaceutique », relève l’expert-comptable. « Cette progression est-elle suffisante ? L’avenir nous le dira. »

Si la baisse de la fréquentation de l’officine peut constituer une vraie question, comme en convient Bertrand Cadillon, le poids des volumes dans l’évolution du chiffre d’affaires doit être scruté attentivement. Or en dépit de la convention médicale signée le 4 juin 2024 et qui prévoit – entre autres- une réduction de la polymédication et une baisse des prescriptions d’analgésiques de palier 2 et des IPP, ils tendent à se maintenir. Mieux même, les volumes prescrits progressent, constate formellement Bastien Legrand. Il en veut pour preuve de cette tendance les chiffres du premier semestre 2025 qui font état d’une hausse des honoraires à l’ordonnance, « contrairement à 2024 où on avait un tassement ». L’effet volume doit sans aucun doute peser dans la progression du chiffre d’affaires, analyse Bertrand Cadillon, car sur la même période l’économie officinale a subi une nouvelle baisse des prix du médicament. Mais un autre facteur vient cependant brouiller la lecture des cartes. Le phénomène La poussée exercée par les médicaments chers (plus de 150 euros) dont le chiffre d’affaires a, à nouveau, augmenté de 10 % en 2024, selon Bertrand Cadillon. Les produits dont le prix excède 1 930 euros connaissent des progressions similaires et constituent 24 % du chiffre d’affaires. Un chiffre d’affaires désormais détenu à 43 % par des produits d’un prix supérieur à 470 euros !

Cette tendance n’est pas nouvelle. Mais d’année en année, la prépondérance des médicaments chers dans l’activité n’est pas sans inquiéter les titulaires qui y voient un poids à la fois pour leur trésorerie et pour la rentabilité de leur entreprise. Car elle constitue un paramètre de plus à intégrer au pilotage d’une économie officinale de plus en plus complexe.

 

17 % des pharmacies étudiées

Les différences pouvant intervenir entre les chiffres communiqués par les trois cabinets comptables résultent de l’assiette utilisée, des clôtures des bilans étudiés et des typologies de pharmacies clientes de chacun des trois réseaux. Ainsi, sur ce panel de 3 229 officines, soit 17 % des pharmacies françaises, 1 853 étaient suivies par un expert-comptable CGP, 876 par un expert-comptable Rydge (anciennement KPMG) et 500 par Fiducial. Ce dernier réseau a basé ses données sur des bilans clôturés entre juin et décembre 2024 tandis que Rydge englobait l’année calendaire et CGP la période de mars à septembre 2024.

2025 : une première radioscopie du chiffre d’affaires

Comme il a achevé 2024, le chiffre d’affaires se comporte de manière identique au premier semestre 2025 avec un hausse de 4,68 %, selon les données communiquées par le réseau CGP à l’occasion de la « Journée de l’économie de l’officine ». Le segment de TVA à 2,1 % progresse de 5,73 %, celui de TVA à 20 % de 4,63 % et les produits de TVA à 5,5 % connaissent une hausse de 3,24 % de leurs ventes. Les vaccins et tests sont en augmentation de 22 % par rapport à la même période de 2024 et rapportent en moyenne 2 756 euros à l’officine. Les médicaments dont le prix excède 150 euros, mais proportionnellement peu générateurs de marge, connaissent une croissance de 9 % de leurs ventes, à 372 281 euros. Ceux d’un prix supérieur à 1930 euros voient leur chiffre d’affaires augmenter de 0,66 % , à 162 577 euros. Dans ce contexte, le chiffre d’affaires -hors médicaments chers- n’évolue plus que de 3 % pour atteindre en moyenne, 927 430 euros.

 

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien