Le remboursable en question

Médicament remboursable : indispensable, mais plus suffisant

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Publié le 31/10/2016
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Représentant les trois quarts de l’activité, le médicament remboursable reste un pilier indispensable pour l’économie des officines. Pourtant, le chiffre d’affaires de ce secteur est en baisse constante, face aux baisses de prix successives. On peut donc se poser la question de savoir si le médicament remboursable est encore l’avenir des pharmacies. Les représentants des syndicats professionnels ont un avis parfois nuancé, comme l’a montré le débat organisé à la Journée de l’économie de l’officine.

Alors que, en moyenne, les ventes de médicaments remboursables constituent 75 % de l’activité des pharmacies, ce secteur officinal traditionnel tire l’économie officinale vers le bas, comme le prouvent les statistiques des cabinets et groupements d’expertise-comptable spécialisés dans la profession (voir page 10). La raison principale : les baisses de prix décidées dans les lois de financement de la Sécurité sociale qui se sont succédé ces dernières années. Il est vrai que les derniers chiffres publiés par IMS Pharmastat*, notamment, sont plutôt alarmants : depuis le début de 2016, on enregistre une chute de 0,84 % des ventes d’unités sur le médicament remboursable. Le chiffre d’affaires des officines a quant à lui baissé de 1 %, et la marge, avec les honoraires, a baissé de 1,8 %.

Cette situation ne devrait malheureusement pas changer à l’avenir puisqu’il est prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2017, une nouvelle économie de 1,4 milliard d’euros sur le médicament et les dispositifs médicaux. Comme le souligne Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), il faut donc « se détacher du prix et des volumes des médicaments. Ce n’est plus un marché en croissance, et il ne sert à rien d’argumenter quand on subit des baisses de prix comme on en a subi depuis deux ans ».

Un constat partagé par Philippe Gaertner. Pour le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), « il n’y a pas de croissance à attendre sur la dispensation du médicament, parce que ni les prix ni les volumes ne vont augmenter. On le voit en particulier dans les chiffres des pharmacies rurales et des officines de quartier, qui subissent fortement l’impact de la baisse des prix industriels ciblée sur certains produits ».

Jean-Luc Fournival, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), partage lui aussi cet avis, mais sur des bases différentes. Pour lui, ce sont surtout les contraintes de la convention pharmaceutique qui sont à l’origine des difficultés des officines. « Depuis cinq ou six ans, les chiffres d’affaires et les marges baissent constamment. Mais quand on creuse les chiffres, on s’aperçoit que 60 % des officines qui sont dans le champ conventionnel et qui ne font que du médicament sont des officines qui souffrent. Au contraire, 30 % des officines qui ouvrent le champ conventionnel et qui vont plus loin dans leur activité sont des officines qui résistent », affirme Jean-Luc Fournival.

 

La raison d’être du pharmacien

Mais attention : pour les représentants de la profession, devenir moins dépendant du prix et des volumes du médicament remboursable ne signifie pas qu’il faille renoncer à ce secteur d’activité traditionnel des officines, bien au contraire. La raison d’être de la pharmacie, affirment les responsables syndicaux, c’est d’abord le médicament. « C’est la première mission du pharmacien. La seconde, en tant que professionnel de santé, c’est d’accompagner le médicament. Celui-ci doit rester l’essence même de la pharmacie d’officine, mais il faut développer toutes les activités qui sont autour. De ce point de vue, les entretiens pharmaceutiques, l’observance, sont des éléments majeurs pour le pharmacien », souligne Philippe Gaertner.

Gilles Bonnefond insiste pour sa part sur la mission du pharmacien vis-à-vis des patients : se détacher de l’activité sur le médicament remboursable serait « une stratégie suicidaire ». En effet, si la profession a des règles d’installation, un monopole et des règles déontologiques, c’est bien parce que la mission du pharmacien est de mettre le médicament à la disposition de la population dans des conditions de prise en charge correctes, afin de permettre un bon accès aux soins, explique, en substance, le président de l’USPO.

Pour autant, ce n’est pas parce que le médicament reste au cœur du métier que les pharmaciens ne doivent pas développer de nouvelles activités afin de trouver de nouveaux relais de croissance. Mais sans tomber dans l’excès : « Nous n’avons pas vocation à devenir des hards discounteurs et à concurrencer les petites et moyennes surfaces commerciales », prévient Gilles Bonnefond. « En revanche, être des spécialistes du médicament ne nous empêche pas de nous occuper du maintien à domicile des patients ou de la parapharmacie, par exemple. Ces activités sont complémentaires à celles du médicament. En outre, l’activité de parapharmacie est importante parce qu’elle permet d’équilibrer les comptes des officines », ajoute encore le président de l’USPO. Globalement, « l’activité de services doit aussi être développée, parce qu’elle correspond à une attente des patients, au-delà de l’acte de dispensation ».

Au final, développer de nouvelles activités, et notamment de nouveaux services, pour contrer la diminution de l’activité sur le médicament remboursable, tout le monde semble d’accord. Mais de quelles activités et de quels services parle-t-on ? Et, surtout, avec quelle rémunération ? C’est un autre débat.

* Chiffres IMS sur 14 000 officines.

François Sabarly

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3299