Produits de maquillage, de parfumerie, de soin ou d’hygiène et solaires, faciles à revendre, sont les plus prisés des voleurs, surtout s’ils sont de marque haut de gamme et onéreux. Mais les compléments alimentaires, les laits en poudre, les pansements et les médicaments proposés en libre-service ne sont pas épargnés. Le phénomène n’est pas nouveau. En 2010, près de 75 % des officines déclaraient déjà un montant de démarque inconnue supérieure à 1,5 % de leur chiffre d’affaires annuel (étude BVA Healthcare) mais, depuis quelques années, les vols à l’étalage en officine sont en hausse constante. Aujourd’hui, ils représentent au moins 2 %, parfois plus de 3 % du CA annuel. Soit en moyenne entre 20 000 et 50 000 euros voire 100 000 euros selon la taille et l’implantation des pharmacies.
Les techniques utilisées sont connues : boîtes ouvertes, produits glissés dans les poches, le soutien-gorge, le slip, un sac ou dissimulés dans une poussette, sac doublé d’aluminium… Il n’empêche, le pharmacien, accaparé par les différentes tâches qui lui incombent, se sent impuissant. Si une mise en place stratégique des produits reste indispensable pour ne pas faciliter les vols rapides ou opportunistes, elle ne suffit pas et force est de recourir à des dispositifs antivols.
Rapport coût/efficacité
Faire appel à un vigile - auprès d’une agence de sécurité professionnelle agréée - peut être pertinent quand la pharmacie est importante et se situe dans une zone à risque, pour réduire les vols et, en même temps, les agressions verbales et physiques. Mais si la présence d’un agent de prévention et de sécurité est très dissuasive, elle coûte cher - au moins 20 euros HT l’heure, variable selon les zones géographiques - et n’évite pas totalement les vols. Certaines pharmacies adoptent ainsi une approche hybride, plus efficace, combinant technologie et présence humaine, mais il faut que ce choix soit rentable…
Les portiques utilisent désormais la technologie acoustomagnétique
Solution beaucoup plus répandue, les portiques placés à l’entrée de la pharmacie sont proposés par plusieurs sociétés comme AES, Rubex Pharma, Proebo/Promoplast, Mobil M, Idisec et Lease Protect France. Discrets tout en restant visibles, ces dispositifs utilisent, pour les pharmacies, la technologie acoustomagnétique car l’efficacité des portiques à radiofréquence (moins coûteux) est perturbée en présence de liquide et d’emballage ou d’objet métallique. Faciles à installer, sur tout type de sol, les portiques acoustomagnétiques, composés de deux panneaux verticaux qui contiennent des détecteurs émettant et recevant des signaux électromagnétiques, existent en plusieurs tailles et peuvent couvrir de larges passages. Des étiquettes antivols (200 à 250 euros les 5 000), adhésives apposées sur les produits ou insérables dans les boîtes, ou bien des araignées de cerclage s’ils sont volumineux ou de valeur, réagissent aux fréquences générées par les portiques et déclenchent une alarme en cas de vol. Selon les installateurs, la démarque inconnue diminuerait les vols de 85-90 % en moyenne. À noter, les portiques de dernière génération intègrent des fonctionnalités intéressantes comme la détection de sacs en aluminium et de brouilleurs. Le prix de ces packs antivols (avec table de désactivation) varie en fonction des modèles et des marques mais pour équiper une pharmacie, il faut compter entre 3 500 et 15 000 euros selon sa configuration. Il est cependant possible de les louer, de 50 à 80 euros HT par mois.
La vidéosurveillance couplée à l’IA
Déjà très utilisées dans les pharmacies, les caméras de surveillance visibles ont un effet dissuasif mais, pour être vraiment protégé contre les vols, le pharmacien devrait avoir un œil fixé en permanence sur les écrans de surveillance. D’où l’intérêt de l’intelligence artificielle (IA) qui vient aujourd’hui booster la vidéosurveillance. Grâce à des algorithmes sophistiqués, l’IA est en effet capable d’analyser en temps réel les flux vidéo des différentes caméras installées et de repérer automatiquement les comportements et les gestes suspects liés au vol à l’étalage. Une alerte est alors envoyée immédiatement sur un écran, une tablette ou un smartphone sous la forme d’une vidéo courte montrant le geste suspect et l’individu en cause. Le pharmacien qui la reçoit peut ainsi réagir sur-le-champ, prendre le voleur sur le fait et lui demander, preuve à l’appui, de restituer les produits « subtilisés par inadvertance »… Les vidéos, également consultables à distance et a posteriori, sont conservées jusqu’à 30 jours (plus en cas de procédure judiciaire). L’installation est simple : le logiciel se greffe sur les caméras de surveillance, nouvelles ou existantes. D’un point de vue légal, l’IA n’enregistre que les gestes et n’utilise pas la reconnaissance faciale ; les données connectées le sont uniquement à des fins de vidéoprotection. Il faut néanmoins faire une déclaration à la CNIL, déposer une demande d’autorisation en préfecture et avertir les clients par affichage d’un panneau clair et lisible indiquant qu’ils sont filmés.
Conscients de l’intérêt de cette avancée, de plus en plus de pharmaciens sont séduits par la vidéosurveillance couplée à l’IA. Mais elle a un coût. À l’installation du système (au moins 1 000 euros), assurée par des sociétés comme Veesion, Securitas Technology ou AES, et à l’abonnement de maintenance (250 à 300 euros/mois) s’ajoutent les caméras. À la pharmacie Ré La Blanche de Saint-Martin de Ré, qui compte 16 caméras reliées à l’IA et bientôt 22 pour supprimer les angles morts, Emmanuelle Vernis conseille « de prévoir d’emblée 12 caméras à 8 millions de pixels minimum pour une bonne efficacité. C’est coûteux mais rentable dans le temps que j’estime ici à 5 ans ».
En Charente-Maritime, une amende de 300 euros
C’est actuellement le seul département à avoir promulgué une loi instituant une amende forfaitaire de 300 euros pour vol à étalage - pas seulement en pharmacie - pris sur le fait et constaté par les gendarmes. Mais cette mesure devrait être étendue au niveau national. Jusqu’ici, le vol à étalage n’était pas sanctionné… « L’IA nous aide bien. À Ré, c’est assez facile, dès que le voleur est intercepté - ou sa plaque de voiture photographiée par exemple -, on appelle les gendarmes qui viennent tout de suite faire le constat. La personne paie ou rend le produit et règle l’amende dans tous les cas. En ville, comme à La Rochelle, par exemple, c’est plus difficile car les gendarmes ne peuvent pas se déplacer rapidement… », explique la titulaire rétaise.
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