L’intégration continue de technologies avancées modifie lentement mais sûrement le fonctionnement des pharmacies. Sur le papier, ces innovations promettent de faciliter les tâches quotidiennes des pharmaciens et d’améliorer l’expérience des patients. Mais leur mise en œuvre soulève encore de nombreuses questions pratiques, éthiques et financières.
La téléconsultation progresse
Pour Florian Gérard, directeur marketing et communication chez Wellpharma (La Coopérative Welcoop), la direction est claire : l’officine sera toujours plus digitale. « Avec des bornes d’orientation, une robotisation croissante de la dispensation et une téléconsultation encore plus développée – notamment pour faire face aux déserts médicaux », détaille-t-il.
Une tendance déjà bien engagée : en 2024, 1,6 million de téléconsultations ont été réalisées en pharmacie, soit une hausse de 76,4 % en deux ans (source NèreS). Si l’usage progresse, il suscite toutefois des critiques : rentabilité faible pour les officines, surcharge de travail non compensée, prescriptions parfois inégales et délais d’attente rallongés, au risque de générer de l’insatisfaction chez les patients. Mais dans l’ensemble, l’utilité du service est reconnue.
Une interconnexion encore en chantier
Autre levier majeur de transformation : l’interopérabilité des outils numériques. La deuxième vague du programme Ségur du numérique promet une meilleure communication entre les LGO, les messageries sécurisées de santé (MSSanté), le Dossier médical partagé (DMP) ou encore l’ordonnance numérique, tout en renforçant la sécurité. Objectif : fluidifier le parcours de soins, faciliter et sécuriser l’accès aux données de santé. Les promesses sont là. Toutefois, ce chantier a pris du retard. Les discussions autour du périmètre et des modalités de déploiement sont toujours en cours, avec une mise en œuvre prévue entre 2026 et 2027.
Automatisation : vers une officine plus efficiente
Face à la difficulté de recrutement et aux exigences de productivité croissantes, la robotisation et l’automatisation devraient encore progresser, « car il est indispensable de réorganiser les processus de travail et de rechercher des gains d’efficience et d’efficacité », analyse Hélène Charrondière, fondatrice de Health Analytica.
La robotique pourrait bien devenir un levier de premier ordre dans le réassort, la dispensation, et l’accueil, selon Sereivan Tan, président de l’entreprise Robotech&Co.
IA et IA générative : un potentiel prometteur mais encore limité
L’intelligence artificielle, et en particulier l’IA générative (GenAI), suscite également un intérêt croissant. « L’IA va permettre de prévoir les fluctuations de la demande, d’anticiper les ruptures et d’ajuster les commandes en temps réel. Le gain de temps sera considérable ! » s’enthousiasme Florian Gérard. Elle est d’ailleurs déjà intégrée dans certaines solutions métiers.
L’IA va permettre de prévoir les fluctuations de la demande, d’anticiper les ruptures et d’ajuster les commandes en temps réel. Le gain de temps sera considérable !
Florian Gérard, directeur marketing et communication chez Wellpharma
Un exemple concret : id.genius développé par Equasens et Posos. Cet outil, utilisé dans 8 400 pharmacies françaises, s’appuie sur une base de données médicamenteuses certifiée par la HAS et des technologies de traitement du langage naturel. Il permet la saisie automatisée des prescriptions papier ou numériques, propose des alternatives en cas de rupture, détecte les interactions médicamenteuses et préremplit les étiquettes de posologie. Quant à l’IA générative, elle pourrait demain produire des contenus pédagogiques adaptés aux patients, assurer des permanences téléphoniques via des callbots, ou encore générer des rapports d’aide à la décision. Des solutions émergent déjà, comme les assistants de WeBotit ou les cabines médicales augmentées à l’IA de Tessan.
Mais cette catégorie d’IA reste encore relativement immature et sujette à des erreurs (ou “hallucinations”) et nécessite une validation humaine, particulièrement dans le domaine sensible de la santé. Par ailleurs, elle soulève des questions en matière de protection des données personnelles et de conformité réglementaire qui ne manqueront pas d’agiter les débats à l’avenir. Rappelons que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose des contraintes strictes quant au stockage, à la transmission et à l’utilisation des données sensibles. Toute faille dans la sécurité des systèmes peut avoir de graves conséquences, tant pour les patients que pour les entreprises qui les exploitent. De fait, « la maîtrise de ces technologies obligera les professionnels de la pharmacie à investir massivement dans la formation du personnel », prévient Sereivan Tan. À la fois pour profiter pleinement de leurs avantages et généraliser les bonnes pratiques.
Certaines officines, notamment celles situées dans des zones rurales ou avec moins de moyens financiers, risquent de ne pas pouvoir accéder aux dernières innovations technologiques, ce qui pourrait accentuer les disparités en matière de qualité de service et d'efficacité et freiner la transformation numérique du secteur.
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