Prenez un dictionnaire Vidal de 1985 et comparez-le avec l’édition de 2018 (dernière édition papier). La prise de poids est indiscutable, témoignant d’un arsenal thérapeutique de plus en plus étoffé. Parmi ces médicaments apparus au cours des quatre dernières décennies, certains ont profondément modifié l’approche médicale, la stratégie de prise en charge et le pronostic.
Mais comment faisions-nous sans les IPP ?
Si des médicaments anciens comme le paracétamol, l’amoxicilline ou la cortisone conservent leur statut de traitement de référence en 2025, d’autres au contraire ont été totalement éclipsés par l’arrivée de nouvelles classes pharmacologiques, plus efficaces et mieux tolérées. L’arrivée des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et des statines, au cours des années quatre-vingt-dix, constitue ainsi un tournant dans la prise en charge de l’ulcère gastroduodénal et de l’hypercholestérolémie.
Diabète : un exemple d’innovation thérapeutique dynamique
Alors que la maladie diabétique gagne du terrain dans le monde, de nouvelles cibles pharmacologiques sont mises à profit, occasionnant parfois des effets de bord comme cela est observé avec les analogues du GLP1 (récepteurs glucagon like peptide 1). Initialement développées pour réduire la glycémie chez les patients diabétiques, les gliflozines (inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2) se sont imposées en diabétologie, mais également en cardiologie pour traiter l’insuffisance cardiaque chronique, et en néphrologie dans la maladie rénale chronique. Enfin, pour optimiser les traitements antidiabétiques et adapter les doses, d’importants progrès combinant technologie et médicaments ont été réalisés. Le système capteurs de glycémie/pompe à insuline a ainsi permis d’améliorer le contrôle de la maladie.
Quand des maladies disparaissent
L’infection par le VIH existe encore en 2025, mais elle est devenue au fil des années une pathologie chronique, grâce à la combinaison de thérapies orales permettant de neutraliser le virus. Pour freiner la circulation du virus, la course au vaccin a fait place à des stratégies différentes, comme la Prep (prophylaxie pré-exposition) qui s’appuie sur l’association emtricitabine/ténofovir disoproxil. En revanche pour d’autres infections comme l’hépatite C, l’espoir d’une éradication est réel. Avec la mise à disposition des antiviraux d’action directe au cours des années 2010, cette maladie hépatique peut désormais être guérie.
La thérapie ciblée offre de nouvelles perspectives
Symbole de l’innovation thérapeutique des vingt dernières années, la thérapie ciblée a révolutionné la prise en charge de pathologies lourdes dont le cancer. Conjuguée à un programme de dépistages organisés et à une amélioration du parcours de soins, cette nouvelle démarche pharmacologique a contribué à réduire la mortalité dans le domaine oncologique. Parmi les médicaments de thérapie ciblée, les anticorps monoclonaux s’illustrent particulièrement par leur impact positif sur l’évolution de nombreuses maladies. C’est le cas du nirsévimab (Beyfortus) utilisé en pédiatrie, pour lequel une récente étude démontre son efficacité à réduire le risque d’hospitalisation et de formes graves de bronchiolite chez les nouveau-nés.
Du traitement haut de gamme
Alors qu’il n’y avait rien pour traiter les maladies génétiques, les premiers médicaments issus de la thérapie génique sont désormais une réalité, à l’instar du Zolgensma dans le traitement de l’amyotrophie spinale. En février 2025, l’hôpital Necker annonçait un protocole de thérapie génique par aérosol pour un premier patient atteint de mucoviscidose. Concernant cette maladie d’ailleurs, les progrès thérapeutiques ont été spectaculaires avec l’arrivée des modulateurs de la protéine CFTR. Enfin, en oncologie, les CAR-T Cells (chimeric antigen receptor T-cells) constituent une option inédite de traitement basée sur la modification génétique des cellules T d’un individu pour les rendre plus performants. Un exemple concret de la thérapie personnalisée qui présume la médecine de demain.
« L’importance de l’accompagnement sur le terrain »
Quarante ans d’innovation thérapeutique vus par Antoine Dupuis, pharmacien et président de la Société française de pharmacie clinique (SFPC) : « sans l’accompagnement sur le terrain, les bénéfices des médicaments sont limités ».
« Même en disposant du meilleur des médicaments, le produit seul ne suffit pas à obtenir les bénéfices attendus. Pour en tirer les meilleurs résultats, il faut accompagner son utilisation », insiste Antoine Dupuis. Comme le « Quotidien du pharmacien », la SFPC est née dans les années quatre-vingt (1984). Depuis quatre décennies, elle promeut la démarche de pharmacie clinique. « En réalité, la pharmacie clinique est tout simplement de la pharmacie. L’accompagnement au bon usage, la prévention des complications, et la prise en compte des troubles annexes à une maladie… c’est le cœur du métier de pharmacien. »
En parallèle, un autre phénomène est venu bousculer la prise en charge thérapeutique, introduisant le principe du patient actif dans sa maladie. Plus que toute autre maladie, l’infection par le VIH illustre la prise de conscience qui s’est opérée. « On a eu rapidement des médicaments efficaces pour maîtriser le virus, mais on a également observé les problèmes associés que ce soit les résistances générées, les effets indésirables compromettant l’observance, ou les interactions avec d’autres médicaments. Il a donc fallu repenser l’accompagnement des patients, prendre en compte leur expérience, et former les professionnels de santé à ces nouveaux médicaments. »
Au fil des années, les luttes opposant les associations de patients, les firmes pharmaceutiques et les autorités sanitaires, ont laissé la place à des partenariats dont bénéficient l’innovation thérapeutique et les malades. En réponse à des médicaments de plus en plus complexes, l’accompagnement au bon usage est indispensable, à l’hôpital comme en pharmacie d’officine qui accueille de plus en plus de spécialités sorties de la réserve hospitalière. « Toute innovation doit nous conduire à modifier notre système de soin et à créer des cadres de prise en charge. L’antiobiorésistance nous montre l’écueil qui attend un médicament si son utilisation n’est pas encadrée ».
Article précédent
Quatre décennies de mutations technologiques
Article suivant
40 années de lutte pour défendre le modèle officinal à la française
40 années de petites et grandes révolutions de comptoir
Quatre décennies de mutations technologiques
40 années d’innovations thérapeutiques
40 années de lutte pour défendre le modèle officinal à la française
L’officine high-tech : entre promesses et défis technologiques
Dix personnalités du monde officinal imaginent la pharmacie millésime 2065
Dessine-moi la pharmacie de 2065
En France et en Europe
Vente en ligne de produits de santé : Amazon poursuit sa percée
Maladie rare
Un nouveau médicament contre la dystrophie musculaire de Duchenne
Traces d’alcool de nettoyage dans les bouteilles
HappyLab, Ainsifont, GSL, Stentil, Mediphysio : tous les lots de sérum physiologique sont rappelés
À savoir pour bien dispenser
Chikungunya : pas de vaccination chez les 65 ans et plus