Face à des patients toujours plus connectés, les groupements ont pris la mesure de cette attente. Chez Totum Pharmaciens, la logique est claire : s’adapter aux nouveaux usages tout en restant fidèle à la mission de santé publique. « Un tiers de nos adhérents dispose déjà d’une boutique en ligne, et nous visons 50 à 65 % à moyen terme », indique Grégoire Vergniaud, directeur de la communication. « Le numérique doit rester un levier de drive-to-store : on commande en ligne, mais on revient chercher son produit, on échange, on renforce la relation. »
Totum expérimente également le click & drive dans certaines zones périurbaines. « Ce service répond à des besoins de rapidité, notamment pour les parents ou les actifs. Il complète, sans la remplacer, l’expérience du comptoir. »
Au-delà de la transaction, l’enjeu est d’ancrer des routines : dépôt d’ordonnance, confirmation de disponibilité, créneaux de retrait. Totum a généralisé pour ses adhérents la page pharmacie (coordonnées, services, prise de RDV, envoi d’ordonnance) et propose un accompagnement à la visibilité locale (fiches Google, avis, contenus santé), afin que le parcours en ligne oriente naturellement vers l’officine.
Une intégration progressive dans le parcours patient
Chez Giphar, le click & collect s’inscrit dans une stratégie globale de simplification des parcours. « C’est une réponse à l’évolution des attentes : plus de praticité, moins d’attente, mais toujours du conseil », explique Mélanie Dieu, responsable marketing digital.
L’efficacité de l’outil repose sur son intégration dans le quotidien officinal. « Nous avons interconnecté notre plateforme avec les logiciels de gestion officinale pour éviter les doubles saisies, détaille Rodolphe Sallio, DSI du groupe. L’objectif est que la commande en ligne s’inscrive naturellement dans le flux de travail. »
Résultat : les pharmacies qui l’utilisent activement observent une hausse de fréquentation et une meilleure fidélisation. « Le patient retrouve la réactivité du digital tout en bénéficiant d’un accompagnement humain », souligne Mélanie Dieu.
Côté back-office, Giphar capitalise sur ses outils métier (commandes, intranet, contenus) pour standardiser les process et dégager du temps utile. L’enjeu n’est pas de « faire de l’e-commerce », mais de fluidifier l’accueil : préparer les paniers, anticiper les questions, planifier les rendez-vous, mieux gérer les pics.
Ce qui change au comptoir
Le click & collect recompose les temps de la relation. Une partie du tri s’opère en amont : la demande est qualifiée, l’article réservé, l’échange au comptoir se concentre sur le conseil (posologie, interactions, bon usage). Cette séquence rassure les patients pressés, tout en redonnant de la valeur au moment présentiel. Elle nourrit aussi la fidélité : confirmation par SMS, avis post-retrait, rappels de renouvellement. Plusieurs réseaux constatent que ces micro-interactions numériques génèrent des visites additionnelles (achat complémentaire, prise de RDV, adhésion au programme).
Des freins encore nombreux
Le dispositif n’est pourtant pas généralisé. « Le click & collect n’est actif que dans une partie du réseau, environ 10 % aujourd’hui », reconnaît Thierry Miquel, directeur des systèmes d’information de Giropharm. « Certains pharmaciens jugent le service coûteux ou peu demandé. »
Les obstacles sont à la fois techniques et organisationnels : disponibilité des stocks en temps réel, temps de préparation, répartition des tâches en équipe. « Beaucoup de titulaires voient encore la vente en ligne comme une contrainte. Or, c’est un prolongement du comptoir, pas une rupture. »
Giropharm mise sur la pédagogie et l’appropriation : formations, modèles de pages, messagerie sécurisée, prise de RDV (déjà adoptée par une part significative du réseau), et accompagnement au référencement local. « Lorsqu’il est bien utilisé, le click & collect fluidifie le travail en officine et améliore la gestion du flux », insiste Thierry Miquel. Dans les faits, le module est souvent activé d’abord pour la para et l’OTC, avec des paniers préparés, puis élargi selon la maturité de l’équipe.
La mutualisation, un levier de démocratisation
Pour Olivier Verdure, directeur de Pharmonweb, prestataire technique spécialisé dans le digital officinal, la clé du succès réside dans la mutualisation. « Les pharmacies veulent proposer du click & collect, du conseil et du contenu santé sans supporter seules les coûts de développement », explique-t-il.
Pharmonweb équipe aujourd’hui plus de 2 000 officines et une soixantaine de groupements. Ses modules connectés permettent d’activer rapidement commande, paiement sécurisé et gestion du stock, avec interconnexions LGO et scénarios de retrait. « Notre rôle est de démocratiser le numérique officinal. Mutualiser, c’est réduire les coûts, harmoniser les pratiques et préserver la cohérence du réseau. »
Cette approche collaborative favorise une montée en puissance maîtrisée : mêmes briques, mêmes standards d’ergonomie, mêmes indicateurs (taux de complétion d’ordonnance, délais de retrait, avis post-achat). À la clé, des gains concrets : moins d’allers-retours inutiles, moins d’attente, plus de satisfaction.
Conditions de succès : visibilité, équipes, mesure
Trois facteurs ressortent des retours de terrain. La visibilité locale, d’abord : sans fiche Google à jour, sans avis traités, sans contenus utiles, le module reste invisible. L’appropriation en équipe, ensuite : il faut des routines (créneaux de préparation, message type, emplacement dédiée au retrait) et un responsable identifié. La mesure, enfin : suivre quelques KPI* simples (demandes reçues, paniers préparés, retraits dans les 24 h, avis) pour ajuster l’organisation et prouver la valeur.
Beaucoup de réseaux accompagnent désormais ces trois volets de façon structurée : templates de communication, formations courtes, tutoriels, et tableaux de bord partagés.
Vers une pharmacie fluide et connectée
Tous s’accordent : ces outils ne remplacent pas la relation officinale, ils la prolongent. « Le numérique doit renforcer la proximité, pas la diluer », insiste Grégoire Vergniaud. À mesure que les usages se structurent, la frontière entre site web et officine s’estompe. Le patient cherche d’abord la simplicité : savoir si un produit est disponible, le réserver, le récupérer quand il le souhaite — puis retrouver, au comptoir, la réassurance et le conseil.
« La pharmacie de demain ne sera pas 100 % connectée, conclut Mélanie Dieu. Elle sera surtout fluide : capable d’offrir la rapidité du web, la sécurité du soin et la chaleur du contact humain. »
* Key Performance Indicators
Article précédent
Les patients attendent conseil et services
Article suivant
Le droit français à l’épreuve des plateformes européennes
Vente en ligne : pourquoi les groupements et enseignes sont à convertir
Ma Pharmacie en France : une plateforme qui monte en puissance
« Le numérique doit prolonger la pharmacie physique, et non la remplacer »
Vente en ligne ? Pas sans ma Société de regroupement à l’achat
Info/Intox : ce qu’il faut savoir sur le site Internet de l’officine
Patients connectés : la nouvelle donne du e-commerce officinal
Les patients attendent conseil et services
Click & Collect / Click & Drive : capter l’énergie de nouveaux flux
Le droit français à l’épreuve des plateformes européennes
Vente en ligne ? Pas sans ma Société de regroupement à l’achat
ELSIE SANTÉ
PHARM UPP
TEAM PHARMA