LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- À partir de quel âge un nourrisson peut-il bénéficier d’une prise en charge psychologique ?
CLOTHILDE ROBIN-AVEZOU.- Un nourrisson peut bénéficier d’une prise en charge psychologique dès ses premières heures de vie. Les parents sont souvent étonnés lorsque je leur dis que je suis psychologue pour bébé, « ah bon, un bébé ça peut avoir des problèmes ? »
Les parents étant surinformés par les médias sur ce qui les maladies et la puériculture, ils ne se font plus confiance et oublient de se poser les bonnes questions. Beaucoup aussi pensent qu’un bébé ne comprend pas et, comme je leur explique, le bébé n’a pas la sémantique mais il sent qu’il se passe quelque chose d’inhabituel dans son environnement familial et que cela perturbe ses parents et que du coup, lui ne comprenant pas ce qui se passe, le manifeste en général dans la sphère somatique et relationnelle.
Quels sont les principaux troubles ou manifestations qui justifient le recours au psychologue chez le très jeune enfant ?
Lorsque le bébé ne fait pas ses nuits, qu’il a un reflux important (et que toute exploration médicale a été pratiquée), pour une dépression, un trouble du contact, un événement de vie dans la famille difficile à verbaliser pour les parents (deuil, divorce, séparation, mère déprimée…), que l’allaitement se passe mal, que le bébé a des difficultés aux moments des séparations, qu’il a des otites à répétition, qu’il présente un eczéma, quand le sevrage est difficile et que le sein est devenu le doudou de l’enfant par exemple.
Quelles sont les principales techniques ou approches qui permettent de répondre à ces demandes ?
Un psychologue pour bébé va aider le bébé à mettre du sens à ce qu’il ressent, le parent étant dans la situation et ne pouvant pas forcément lui verbaliser de manière adéquate, le psychologue en alliance avec les parents va sous forme de verbalisations mettre en sens ce qu’il ressent d’inhabituel, de ce qui rend triste sa maman ou son papa par exemple.
Le psychologue pour bébé va murmurer à l’oreille du bébé, il met en mot ce qu’il peut ressentir. Un des pères du soin aux bébés est Donald Winnicott, il parlait aux bébés, tout en prenant soin de travailler en alliance avec les parents.
Un exemple de réussite manifeste… Et un d’échec insoluble ?
Pour qu’une prise en charge soit efficace pour le bébé, la condition initiale est que les deux parents ressentent le besoin de se faire aider par un professionnel et qu’un vrai travail d’alliance soit possible, si ce n’est pas le cas, je ne pourrais aider ni le bébé ni ses parents.
Partant de là, il est rare que la prise en charge ne fonctionne pas. Comme je le dis aux parents, je suis là pour les aider à un moment de la vie de leur bébé et pour les aider à comprendre comment appréhender les futurs événements de vie qui seront difficiles à traverser et à les verbaliser à leur enfant. Une fois que les parents retrouvent la confiance en leur capacité parentale, ils ont la clé pour traverser diverses situations.
Un cas d’échec ? Celui d’un enfant de 7 ans qui est venu pour passer un bilan, une fois le diagnostic de précocité mis de côté, j’ai proposé aux parents d’envisager pour leur enfant une prise en charge en psychothérapie. La psychothérapie n’a pas été possible car il n’était pas concevable pour les parents que leur fils ait besoin de cette prise en charge. Face aux résistances psychiques des parents, la psychothérapie n’a pas pu se faire.
Un exemple de prise en charge qui a bien fonctionné : j’ai reçu une maman de deux petites filles, âgées respectivement de 3 ans et de 3 mois, la plus jeune présentait un eczéma important. La maman me raconte que pendant la grossesse de cette dernière elle a perdu son père qui est décédé rapidement d’un cancer. Cette maman a vécu une grossesse endeuillée par la perte de son père, et n’a pas pu élaborer son processus de deuil, chargée d’émotions qu’elle ne pouvait maîtriser, sa petite fille se protégeait des angoisses de sa mère en faisant un eczéma qui mettait de la distance physiquement avec les angoisses de sa maman. Un travail de verbalisation a pu aider la petite fille à comprendre pourquoi sa maman était parfois triste et déprimée, et la maman, elle, a pu mettre en mots ses états émotionnels et entamer un travail psychique de deuil de son père.
Quelle place l’accueil des parents prend-il dans cette prise en charge ?
La place des parents dans ce type de consultations thérapeutiques est fondamentale, comme disait Winnicott, « un bébé seul, ça n’existe pas ». Le bébé qui ne va pas bien, nous manifeste dans la sphère somatique qu’il a un problème, à nous psychologue, en alliance avec les parents, de décoder ce que veut nous dire ce petit bébé. C’est tout un travail de narration qui est fait autour de cet enfant et avec les parents.
Bien souvent quelques consultations suffisent à soutenir les parents et le bébé, fréquemment, le parent en difficulté ressent le besoin après de faire une psychothérapie personnelle car il sent que la naissance de son bébé a réactivé des conflits psychiques insoupçonnés et qui se font jour au moment de la grossesse ou de la naissance.
Bien souvent, je reçois des mamans enceintes pour qui la grossesse est source d’un remaniement psychique assez douloureux et qui ont besoin d’élaborer psychiquement leur histoire infantile et familiale.
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