UN ENTRETIEN AVEC JEAN LAMARCHE, PRÉSIDENT DE CROIX VERTE & RUBAN ROUGE

« Ne faîtes pas la morale aux toxicomanes »

Publié le 27/02/2012
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L’accueil du toxicomane à l’officine, Jean Lamarche connaît. Il y a même consacré un ouvrage*. Le président de Croix Verte & Ruban Rouge a résumé pour « Le Quotidien » les mots-clés de ce dialogue singulier. Ce qu’il convient de dire ou au contraire les expressions ou attitudes à proscrire. Discrétion, tact et discernement sont de mise pour une prise en charge mesurée et efficace.
Jean Lamarche :  Le toxicomane substitué n'est pas un patient lambda »

Jean Lamarche : Le toxicomane substitué n'est pas un patient lambda »
Crédit photo : dr

LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- En quoi l’accueil du toxicomane est-il radicalement différent de celui du client lambda ?

JEAN LAMARCHE.- Comme tout ce qui fait tache dans la société la toxicomanie se cache, aussi la discrétion est-elle obligatoire. Dans un premier temps, il ne faut poser que des questions neutres et dont nous avons absolument besoin pour traiter l’ordonnance : adresse, par exemple, ou prise simultanée d’autres médicaments.

Si le patient revient, des liens se créeront. Parfois plus étroits même qu’avec des clients basiques. Il faut en outre montrer que sa présence nous convient et qu’il ne regrettera pas le choix de sa pharmacie, et bien sûr en parler à toute l’équipe.

Par contre il faut lui dire que s’il souhaite revenir régulièrement, une prise de contact téléphonique sera effectuée avec son prescripteur pour savoir la conduite à tenir en cas de survenue de dépannage.

Quelle position le pharmacien doit-il adopter lorsqu’il est confronté à une demande de spécialités hors prescription et/ou hors AMM ?

Le hors AMM est admis par la loi et même par la sécurité sociale qui reconnaît son existence. Le pharmacien peut refuser. Il lui suffit pour cela d’invoquer le hors AMM, mais la plupart du temps il ne refusera que s’il juge qu’il y a danger pour l’utilisateur (dose maximale dépassée, contre-indication, âge, produit dopant, risque de détournement…). Bien sûr dans ce cas, il n’y a pas de remboursement possible.

Quels sont les mots ou les expressions qu’il faut absolument éviter dans le face à face avec le toxicomane ?

Il faut éviter le jugement et même la simple morale. Les « Ce n’est pas bien », « c’est dangereux pour la santé », « c’est mal »...

Il faut surtout dire bonjour Monsieur, Madame ou Mademoiselle, sourire et demander « comment allez-vous ? »

Il convient aussi de savoir répondre à toute question, et de ne jamais fuir une réponse.

Un toxicomane substitué n’est pas tout à fait un patient lambda car il a plus besoin d’un pharmacien que n’importe qui d’autre puisqu’il aura tendance à surconsommer. Dans le meilleur des cas, il pourra aussi détourner le médicament, mais c’est une autre histoire…

* L’accueil du toxicomane à l’officine par Jean Lamarche. Éditions Masson, 2002. 143 pages.
› PROPOS RECUEILLIS PAR DIDIER DOUKHAN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2901