Grandes endémies parasitaires tropicales

Les approches globales marquent des points

Publié le 28/06/2010
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Tirant partie des tentatives d’éradications totales envisagées un moment dans le passé, et mettant l’accent sur une lutte antivectorielle massive mais indifférenciée, les nouvelles stratégies de « contrôle » s’orientent désormais vers des approches globales souvent beaucoup plus sophistiquées et prenant en compte chaque environnement. Explications.
Le vecteur de la bilharziose

Le vecteur de la bilharziose
Crédit photo : phanie

NOUS ÉVOQUERONS ici les grandes endémies parasitaires dans lesquelles les vecteurs jouent un rôle clé.

En bénéficiant de la grande expérience de deux éminents spécialistes, le Pr Jean-François Pays, professeur émérite à l’Hôpital Necker (Paris) et médecin consultant au Centre médical de l’Institut Pasteur de Paris et le Dr Pierre Carnevale, Directeur de recherche émérite à l’Institut de Recherche pour le Développement.

PALUDISME

Rappels

Les formes cliniques comprennent les accès palustres simples, le paludisme viscéral évolutif, la fièvre bilieuse hémoglobinurique, les néphropathies palustres et les accès palustres graves à Plasmodium falciparum.

Le vecteur et le cycle parasitaire

Le paludisme est transmis par la piqûre de moustiques femelles du genre anophèle. Introduits dans l’organisme, les parasites gagnent rapidement le foie où ils se multiplient avant de commencer la phase des cycles érythrocytaires. C’est à partir de ces derniers que les parasites se différencient en gamétocytes mâles et femelles qui pourront être prélevés par un ou plusieurs moustiques pour pérenniser la chaîne de transmission.

Si le moustique prend son « repas sanguin » sur un porteur de gamétocytes un cycle sporogonique peut s’enclencher. Pour Plasmodium falciparum, il s’écoule 12 jours à 25 °C et 23 jours à 20 °C entre l’ingestion de gamétocytes et la présence de sporozoïtes dans les glandes salivaires du moustique rendant la femelle infectante.

La lutte

« Si le paludisme a pu être éradiqué dans certaines régions, comme la Tunisie, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie, par une puissante lutte antivectorielle, associée à une élévation du niveau socio-économique et à une transformation des conditions de vie, il n’en est pas de même de la majeure partie des zones impaludées », souligne le Pr Jean-François Pays. En effet, l’usage intensif de DDT au cours des années cinquante - soixante n’a pas pu permettre d’atteindre les résultats escomptés, notamment du fait de l’émergence de résistances des anophèles.

Pour le Dr Pierre Carnevale, un contrôle du paludisme ne pourra être obtenu qu’en intervenant sur tous les paramètres en même temps : réduction de la longévité des moustiques (ne laissant pas au parasite le temps de devenir infectant), diminution de la fréquence des piqûres par des moustiquaires imprégnées et diminution de la taille du réservoir par traitement rapide et systématique de tous les cas de paludisme humain identifiés. Mesures associées à une élévation du niveau d’éducation, une amélioration des conditions de vie et une suppression des gîtes larvaires. Sans oublier d’y impliquer les pharmaciens locaux, notamment en ce qui concerne la lutte contre les contrefaçons des antipaludiques.

TRYPANOSOMOSES

Rappels

Dans une première phase de la trypanosomose africaine (maladie du sommeil), le patient a une fièvre associée à des céphalées intenses et à des adénopathies. Puis, apparaissent des signes neurologiques, parmi lesquels des troubles du sommeil, avec une somnolence diurne, une encéphalopathie, un coma et la mort survenant en quelques semaines.

La trypanosomose américaine, ou maladie de Chagas, se caractérise d’abord par une phase aiguë, avec l’apparition d’un chancre cutané et d’un œdème inflammatoire. Puis par des atteintes myocardiques, méningoencéphalitiques, des diarrhées, une splénomégalie pouvant se développer sur une vingtaine d’années.

Le vecteur et le cycle parasitaire

La trypanosomose africaine est transmise par une mouche piqueuse, une glossine ou mouche tsé-tsé. Le réservoir est constitué par les hommes et le bétail infectés.

La maladie de Chagas est inoculée par une réduve, sorte de grosse punaise hématophage. Le parasite, présent dans les déjections de l’insecte, pénètre dans l’organisme par grattage à la suite de la piqûre nocturne de la réduve.

La lutte

Après un retour préoccupant de la maladie du sommeil en Afrique il y a une dizaine d’années, la reprise de la méthode développée par le Dr Eugène Jamot, qui avait largement fait ses preuves dans les années vingt et trente (dépistage, traitement de masse et suivi par des équipes médicales mobiles) a permis de contrôler à nouveau la situation.

D’autre part, « le lâcher de mâles stériles est très efficace dans la lutte contre les glossines car leur taux de reproduction est très faible » indique le Dr Carnevale. On peut y ajouter les pièges à mouches : pièces de tissus de couleur « bleu électrique » imprégnés d’insecticide.

La maladie de Chagas, quant à elle, est en très forte régression, grâce à une lutte intensive contre les réduves avec les insecticides, une amélioration de l’habitat et de meilleurs traitements des malades.

« Tous les pays du cône sud sont pratiquement exempts de transmission, sauf la région du Chaco en Argentine et la région amazonienne au Brésil », précise le Pr Pays.

ONCHOCERCOSE

Rappels

Les manifestations de la maladie sont représentées par un prurit, des kystes se formant autour des vers et surtout par des atteintes oculaires à type de kératite sclérosante.

C’est la 2e cause de cécité dans le monde.

Le vecteur et le cycle parasitaire

L’infestation est réalisée par la piqûre d’une petite mouche dont la salive est infectée, la simulie, hôte intermédiaire et vecteur, l’homme étant l’hôte définitif.

La lutte

« Une quinzaine d’années de traitement de masse des populations par l’ivermectine, tarissant le réservoir humain, complété par l’emploi d’insecticide, a permis d’obtenir d’excellents résultats, notamment dans la basse vallée de la Volta qui était la zone la plus infectée », indique le Pr Pays.

› DIDIER RODDE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2762