À quel moment le digital peut-il venir en aide au pharmacien dans l’accomplissement de ses nouvelles missions ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord définir de quelles missions il s'agit. De ce point de vue, la vision à long terme de l’assurance-maladie avec d’abord les entretiens pharmaceutiques (EP) puis les bilans partagés de médication (BPM) représente un ensemble d’échéances qui peut structurer la stratégie des pharmaciens. Mais voilà, il est des circonstances qui bousculent l’ordre des choses et la crise sanitaire du Covid-19 est passée par là. « Aujourd’hui, les nouvelles missions, ce sont plutôt les tests antigéniques, considérés comme un service aux patients, chose qui n’aurait sans doute pas été possible il y a cinq ou dix ans » souligne Donatien Le Liepvre, directeur projets stratégiques du spécialiste de la téléconsultation Qare. « La crise a montré que les pharmaciens étaient à même de mener des missions de santé publique », ajoute-t-il. La question de savoir quand et pour quelle(s) mission(s) ne se pose plus dans un tel contexte, les réponses vont de soi. Et il faut que les prestataires s’adaptent. Ils réagissent, ainsi l’éditeur suisse Cloudsoft a-t-il conçu rapidement une fonctionnalité pour pouvoir facturer les tests Covid. Certains même prennent de l’avance, à l’instar de Pharmasoft qui lance ProVacc, un logiciel d’aide à la gestion des centres de vaccination contre le Covid-19.
L'impact indirect de la crise sanitaire
Mais les prestataires n’en oublient pas pour autant les BPM et les EP. Les pharmaciens non plus du reste, même si leur engagement vers ces nouvelles missions reste timide, bien en deçà des espérances de l’assurance-maladie. « Oui, il y a eu moins de BPM lancés qu’espéré, mais ça remonte actuellement », estime Donatien Le Liepvre. Il semble que la crise sanitaire ait indirectement joué en faveur de leur digitalisation. Parce que la troisième question importante après le quand et le pourquoi, est le comment. Comment utiliser le digital pour ces nouvelles missions ? Développer des outils adéquats ne suffit pas, il faut savoir entrer et s’imposer dans le quotidien des pharmaciens. Et quelques prestataires ont eu l’idée judicieuse de profiter de l’essor de la téléconsultation en général, et en pharmacie en particulier, pour s'engager dans le mouvement et combiner une stratégie de téléconsultation qui amènerait le pharmacien à proposer à leurs patients éligibles des EP ou BPM en téléconsultation.
C’est ainsi que deux start-up lyonnaises ont décidé de rendre leurs solutions interopérables - Bimédoc et Médéo -, la première spécialiste des BPM et la seconde de la téléconsultation. Dans le même esprit, Qare, a choisi de travailler avec Synapse Medicine et son produit de gestion des BPM. Pour Donatien Le Liepvre, il y a certes l’opportunité de proposer un BPM après une téléconsultation, mais le prestataire entend surtout aider les pharmaciens à réaliser ces bilans à distance. « Le premier entretien de BPM doit se faire avec la présence du patient, il faut en effet recueillir son consentement, mais pour le suivi, il est possible d’envisager d’assurer les entretiens à distance, explique le dirigeant, et cela avec la même méthode, avec l’avantage pour le patient de ne pas avoir à se déplacer et pour le pharmacien de le voir dans son environnement et notamment avec les boîtes de médicaments qu’il a à proximité. » Cette solution de Qare est actuellement en test et devrait être commercialisée dans le courant de l’année.
Associer des compétences différentes
L’idée d’associer des compétences complémentaires pour mener à bien les nouvelles missions fait ainsi son chemin chez les prestataires. L’autre intérêt pour Qare de s’associer avec Synapse Medicine est l’opportunité de proposer à ses clients une analyse pharmaceutique optimale afin de détecter les problèmes d’iatrogénie. Un souci partagé par Bimédoc qui a travaillé aussi de son côté sur un module d’analyse pharmaceutique basé notamment sur les données de l’ANSM complétée par d’autres bases, comme DDI Predictor. Pour Pierre Renaudin, directeur général de Bimédoc, « digitaliser la réalisation des BPM n’est pas suffisant, il faut envisager la gestion des BPM dans son ensemble, la facturation, la planification, ce qu’il faut faire, quand faut-il le faire, ce qu’il reste à faire… Avec comme particularité le fait de partager les informations au sein d’une équipe. » Le dirigeant estime en effet naturel le lien entre les BPM des patients, par définition âgés (plus de 65 ans) et polymédiqués qui à un moment donné de leur vie risquent d’être hospitalisés, et les prescriptions hospitalières qui en résultent, ce qui n’a rien d’évident (voir encadré). « Il faut une messagerie organisationnelle, de telle sorte que les messages émanant de la pharmacie hospitalière ne soient pas destinés au seul titulaire mais à l’ensemble de l’équipe , poursuit Pierre Renaudin. Tout le monde peut ainsi recevoir l’alerte pour prévenir que tel patient sortant de l’hôpital va passer à la pharmacie. » Des échanges facilités et sécurisés, pour faciliter les entretiens à la pharmacie. Tout le défi des prestataires est de réaliser des solutions à la fois suffisamment ouvertes vers l’extérieur pour faciliter ces échanges et suffisamment fermées pour en assurer la sécurité.
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