Selon les résultats d’un sondage dévoilé par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) le 8 mars lors du salon PharmagoraPlus, 75 % des pharmaciens connaissent des problèmes de trésorerie aujourd’hui. La situation économique des pharmacies d’officine est préoccupante, à tel point que plus de 4 pharmaciens sur 10 envisagent de vendre leur établissement d’ici à 2030. Insatisfait par l’avenant 1 à la convention pharmaceutique, qu’il a d’ailleurs refusé de signer, le président de l’USPO estime que ce constat et le mal-être ressenti par de nombreux pharmaciens doivent conduire à l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations.
Signé au mois de juin 2024 par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) uniquement, l’avenant 1 à la convention pharmaceutique ne permet pas « des revalorisations suffisantes pour améliorer la situation économique des officines ». C’est en tout cas l’avis de 97 % des pharmaciens interrogés par l’USPO dans le cadre d’un sondage lancé le 18 février et portant sur la situation économique et les conditions d’exercice des officinaux. Globalement, « 87 % des sondés estiment qu’un nouvel avenant est urgent pour assurer la pérennité du réseau officinal ». Des chiffres équivoques pour l’USPO, qui souligne que 3 100 pharmaciens, à la tête d’officines de toute taille et installés sur l’ensemble du territoire, ont répondu à cette consultation. Parmi les répondants, seulement 62 % des pharmaciens déclarent appartenir à un syndicat (65 % adhérents à l’USPO et 33 % à la FSPF).
Les conclusions du sondage mettent en lumière les difficultés économiques actuelles des officinaux. 75 % des sondés jugent leur niveau de trésorerie « moyenne » (37 %), voire « inquiétante » (38 %). Entre 2022 et aujourd’hui, un pharmacien sur deux affirme que son niveau de trésorerie et sa rentabilité « se sont nettement dégradés ». Un dernier point confirmé par les chiffres donnés par le cabinet d’experts-comptables CGP. Ces contraintes économiques poussent de nombreux pharmaciens à renoncer à des investissements qui seraient pourtant bien utiles pour moderniser leur équipement et proposer de nouveaux services. Ainsi, 53 % des pharmaciens interrogés affirment avoir renoncé à investir dans leur officine en 2024 « faute de moyens suffisants ». Des problématiques financières qui ont aussi des répercussions sur le recrutement et la fidélisation du personnel. « Les ressources humaines restent un vrai problème pour 84 % des officinaux », résume l’USPO. Elles s’ajoutent à d’autres difficultés qui perdurent. En premier lieu, les pénuries de médicaments. Si des améliorations ont tout de même été notées ces derniers mois, notamment sur les médicaments de l’hiver (comme l’amoxicilline), « plus d’un pharmacien sur deux juge que les pénuries se sont encore dégradées depuis un an », comme on a pu le voir encore récemment avec l’exemple de la quétiapine. Les lourdeurs administratives et autres indus pèsent aussi sur le quotidien. 44 % des sondés jugent ces surcharges administratives « insoutenables » et 51 % les trouvent « trop lourdes et chronophages ». Les démarches administratives sont d’ailleurs perçues comme la principale source d’indus par les pharmaciens.
Logiquement, ce contexte global incite des pharmaciens à se poser des questions quant à leur avenir. « Plus de 4 pharmaciens sur 10 pensent vendre leur officine d’ici à 2030 », alerte l’USPO. 5 % des officinaux interrogés pensent même fermer définitivement leur officine et 2 % redoutent d’être placés en procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire…) dans les 5 ans à venir. Dans ce marasme ambiant, des officinaux voient néanmoins toujours leur profession comme un métier d’avenir. 10 % pensent par exemple que le pharmacien d’officine sera un acteur majeur du système de santé dans les 5 prochaines années.
Des témoignages édifiants
Au vu de ces chiffres, il est temps de réagir, estime le président de l’USPO. Pierre-Olivier Variot milite pour l’ouverture de nouvelles négociations afin d’aboutir à un avenant 2, qui serait plus favorable économiquement pour les pharmaciens. Un souhait déjà formulé à l’assurance-maladie et que le président de l’USPO va soumettre dans les prochains jours à Yannick Neuder, ministre délégué à la Santé, dans un courrier officiel. « Ce ne sont pas les 20 000 euros offerts sur trois ans à quelques pharmacies dans les territoires fragiles qui vont changer quoi que ce soit. Nous avons lancé un appel en témoignages en ligne (pharmaciens en galère : la profession s’exprime) pour permettre aux pharmaciens de raconter leur quotidien, leurs problèmes, leurs inquiétudes pour l’avenir… Nous avons reçu des courriers extrêmement forts. Certaines réactions n’ont même pas pu être publiées car les mots employés étaient trop violents », explique Pierre-Olivier Variot.
La plupart de ces témoignages ont été réunis dans un document que le président de l’USPO a remis en main propre à Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de l’assurance-maladie. Des réactions, parfois anonymisées, qui proviennent de pharmaciens de tous horizons et de tous âges. « Aujourd’hui, je compte les années qu’il me reste à travailler et je rêve du jour où je passerai la main si je trouve une personne assez folle pour me racheter mon officine », confie Frédérique, titulaire en Bretagne. « J’ai 68 ans et je travaille encore car ma pharmacie est devenue invendable », abonde Daniel, installé dans la Haute-Vienne. Le manque de reconnaissance de la part des décideurs envers la profession revient aussi souvent dans les écrits. « Sans notre travail, l’assurance-maladie serait déficitaire de milliards supplémentaires car ce ne sont pas les prescripteurs qui leur permettent de faire des économies », tient à souligner Sandrine, officinale en Île-de-France. Les pharmaciens qui ont accepté de témoigner demandent un choc de simplification, notamment au niveau administratif, de vraies mesures contre les ruptures, moins de taxes et d’impôts, des honoraires mieux revalorisés, des solutions pour mieux gérer le tiers payant, des moyens pour faire plus en matière de prévention… Surtout, ils voudraient que les autorités compétentes prennent la mesure de toute la fatigue, de tout le stress, que ces problèmes génèrent. « Je n’ai que 40 ans, 8 ans en tant que titulaire et je suis déjà fatiguée par ce métier que j’aimais tant », regrette Yasmine, pharmacienne près de Paris. Autant de témoignages qui sont désormais entre les mains de l’assurance-maladie.
Une idée de l’assurance-maladie
Médicaments, pansements : quelle est cette expérimentation contre le gaspillage ?
A la Une
Révision de la grille des salaires : ce qui va changer
Expérimentation
Vaccination du voyageur chez Wellpharma
Mécénat Chirurgie Cardiaque
Challenge cœurs actifs, le tour du monde de Pharmactiv