Depuis plusieurs mois, l'inflation persistante pousse les producteurs et les distributeurs dans leurs retranchements. Quand les uns brandissent la nécessité d'absorber l'augmentation des coûts de production, les autres souhaitent préserver une marge convenable et limiter l'impact négatif d'une hausse des prix auprès des consommateurs.
Une aubaine pour les industriels ?
Que l'inflation entraîne une augmentation mécanique des coûts de production et logiquement, des prix d'achat, soit ! Pour les groupements, l'enjeu de la négociation est surtout de veiller à contenir cette hausse, quitte à dénoncer les partenaires qui ne jouent pas le jeu. « L’inflation est une aubaine dont certains industriels se saisissent pour augmenter leur prix. En outre, d'autres revoient leurs politiques de vente pour valoriser leur portefeuille avant de le revendre », déplore Laurent Filoche, président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UGDPO). Alors que tous les fabricants font face à une augmentation des coûts de production, Laurent Filoche s'interroge : « sur les marques propres développées par les enseignes, on observe une hausse des prix mais largement moindre à celle pratiquée par les industriels commercialisant des marques leaders. Ce qui prouve que ces derniers profitent de la situation, sans se soucier ni des pharmaciens ni des patients ». Pour leur défense, les industriels soulignent que sans un réajustement raisonnable des prix de vente, la survie des produits qu'ils développent et des emplois associés est menacée. Ils rappellent également que la négociation ne porte pas uniquement sur un prix, mais sur l'ensemble des services déployés pour valoriser le produit auprès des consommateurs, dont la formation et l'accompagnement des équipes officinales ou les campagnes de communication.
« Il est important de ne pas briser la confiance entre le fournisseur, le groupement et le pharmacien. Autrement dit, l’inflation pousse à réinventer le contrat entre ces trois acteurs pour aboutir à une répartition de la valeur », arbitre David Syr, directeur adjoint du Gers-Data.
Un cadre législatif qui divise.
Chez Federgy, on pointe du doigt un autre élément venant perturber les négociations commerciales portées par les groupements. « Les laboratoires jouent un double jeu en proposant des conditions de vente en direct plus intéressantes aux pharmaciens adhérents, court-circuitant ainsi les négociations établies avec les groupements. En appliquant l'adage " diviser pour mieux régner ", ils affaiblissent et les groupements, et le réseau officinal », observe son président Alain Grollaud. Ce dernier dénonce par ailleurs un cadre législatif défavorable au réseau officinal et regrette la marche arrière des parlementaires dans le cadre de la Loi sur les relations commerciales : « L’amendement que nous soutenions a récemment été retoqué en Commission paritaire mixte : il prévoyait un alignement des conditions commerciales pour loger la pharmacie à la même enseigne que la grande distribution (GMS), pour les produits de grande consommation (hygiène et dispositifs médicaux). Finalement, la clôture des négociations reste fixée au 1er mars pour le réseau officinal alors que cette date est avancée au 15 janvier pour la GMS. » Pour Alain Grollaud, ce décalage pénalise le réseau officinal : « l’inflation ne fait que mettre en exergue une distorsion qui existe depuis des années et que nous aurions voulu gommer pour négocier à armes égales avec les industriels, au même niveau que la GMS. »
Les leviers pour rééquilibrer les négociations.
Pour rétablir un équilibre des forces, des groupements tel que le réseau Lafayette n'hésitent pas à jouer la carte du déréférencement et du contournement par les marques propres et les me-too. « Parmi les leviers dont nous disposons, nos marques exclusives sont notre arme principale pour challenger les laboratoires puisque nous proposons des produits de qualité équivalente voire supérieure, à des prix moins élevés, tout en étant un vecteur de marge substantiel. En moyenne, nos marques exclusives représentent 5 % du CA para d’une Pharmacie Lafayette, et leurs prix sont restés stables en 2023 », explique Pascal Fontaine, directeur commercial de l'enseigne Pharmacie Lafayette. Un choix risqué, qui doit tenir compte de la politique du groupement et du profil de ses pharmaciens adhérents. « Les marques leaders apportent du flux dans l’officine lorsqu’elles communiquent directement auprès du public. Plus qu’hier, la négociation, le partenariat intégreront d’autres items que la seule remise », prévient David Syr.
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