Avec la suspension pendant au minimum 3 mois de l’arrêté abaissant le plafond des remises commerciales sur les médicaments génériques, les représentants de la profession ont obtenu un sursis. Une fois le nouveau texte publié au « Journal officiel », les officinaux pourront de nouveau bénéficier d’un taux de remise pouvant aller jusqu’à 40 %, mais, dans les faits, les laboratoires accepteront-ils de revoir les contrats à la hausse ?
La suspension de l’arrêté du 4 août suffit-elle pour crier victoire ? Si le plafond maximal de remise commerciale sur les génériques autorisé par la loi va repasser à 40 %, rien n’oblige les génériqueurs à accepter de revenir aux contrats qui étaient en vigueur avant la date d’exécution de l’arrêté, soit le 1er septembre. « Nous sommes dans une situation problématique, observe Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Conformément à ce qui était prévu par l’arrêté du 4 août, les laboratoires ont intégré ce taux maximum de remise à 30 % dans leurs conditions particulières de vente (CPV). La suspension de l’arrêté va donc réintroduire ce taux à 40 %, mais on ne reviendra pas pour autant aux conditions qui étaient en cours avant la publication de ce texte. Pourquoi ? Parce qu’entre-temps, le Comité économique des produits de santé (CEPS) a acté des baisses de prix sur de nombreux groupes génériques à partir du 1er octobre », rappelle-t-il. La donne a donc changé même si ces baisses de prix qui concernent précisément 52 groupes génériques étaient attendues.
Dans les faits, de nombreux génériqueurs ont clairement affirmé auprès des groupements qu’ils ne reviendraient pas au taux de 40 % qu’ils concédaient dans certains cas avant le 1er septembre. « Nous avons déjà reçu des fins de non-recevoir de la part de plusieurs d’entre eux, qui nous ont indiqué qu’ils maintiendraient ce taux à 30 % dans leurs CGV. En raison des baisses de prix récemment actées par le CEPS », explique Laurent Filoche, qui cite notamment l’exemple du rivaroxaban. « Cette molécule va subir une baisse de prix de près de 40 %, le fabricant ne va pas vouloir remettre un taux de remise à 40 % désormais, même si cela est légalement possible, car il redoute un impact massif sur ses ventes, ce que l’on peut comprendre. En résumé, même avec cette suspension de l’arrêté, l’impact économique sera donc majeur pour les officinaux », avertit Laurent Filoche.
De son côté, Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), appelle ses confrères à ne pas se laisser faire lorsqu’ils auront à négocier avec les génériqueurs. « Certains laboratoires disent qu’ils ne reverront pas le taux des plafonds de remise à la hausse, mais ce n’est pas le cas de tous, certains ont bien décidé de le remonter, tient-il à souligner. Si certains d’entre eux décident de changer leurs conditions de vente, il ne faut pas hésiter alors à se tourner vers d’autres partenaires », conseille-t-il. Pierre-Olivier Variot le sait, un élément majeur limite tout de même la marge de manœuvre des pharmaciens. « À cause des ruptures, il n’est pas toujours possible de se tourner vers un autre laboratoire, mais, puisque nous sommes dans une période où nous devons négocier, les pharmaciens doivent le faire si les laboratoires avec qui ils travaillent ont décidé de ne plus respecter leurs engagements », clame-t-il.
Impossible aujourd’hui de savoir sur quoi va concrètement déboucher cette période transitoire qui s’ouvre. « Le protocole d’accord obtenu avec le Premier ministre suspend les effets de cet arrêté, un autre texte sera publié d’ici deux à trois jours pour une entrée en vigueur au 1er octobre », précise Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). La suspension va durer au minimum pendant 3 mois, le temps de réfléchir et de travailler, avec notamment le lancement d’une mission flash menée par l’IGAS/IGF et qui doit « faire la lumière sur l'ensemble des marges de distribution autour, notamment, des génériques et aboutir à des préconisations pour peut-être modifier la rémunération du réseau », résume-t-il. « Ces trois mois risquent de ne pas suffire », concède Philippe Besset, d’autant plus que nous n’avons pas aujourd’hui de ministre de la Santé opérationnel, dans l’attente de la constitution du nouveau gouvernement. « Il est donc possible que le plafond de remise sur les génériques à 40 % perdure au-delà de ces trois mois », pressent-il.
Comme ce fut le cas cet été, avant la publication de l’arrêté du 4 août, des officinaux peuvent donc se demander s’il ne serait pas pertinent de prendre certaines décisions durant cette période de transition, avant le retour, toujours possible, de plafonds moins avantageux. Idée qui peut notamment être tentante : constituer des stocks plus importants durant les prochaines semaines pour anticiper. Une stratégie cependant déconseillée par les représentants de la profession. « Ce serait suicidaire », affirme sans détour Pierre-Olivier Variot. « Non, l’idée de surstocker n’est pas bonne car le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) risque fort d’acter de nouvelles baisses de prix sur les génériques. Il ne faudrait donc pas se retrouver avec des stocks trop importants », abonde Laurent Filoche.
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