Tensions d’approvisionnement

Sertraline : faut-il renoncer aux préparations magistrales à cause des conditions tarifaires ?

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Publié le 15/05/2025
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Crédit photo : ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Les conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 13 mai pour la dispensation des préparations magistrales de sertraline ont fortement irrité la profession. Dans un communiqué, les représentants des pharmaciens préparatoires annoncent même leur volonté de ne pas les réaliser, mettant en avant des « risques économiques ».

Pour faire face aux tensions d’approvisionnement actuellement observées avec la sertraline, les pharmaciens sont désormais autorisés à dispenser des préparations magistrales de ce principe actif en cas de non-disponibilité des spécialités Zoloft ou génériques, sans qu’une nouvelle prescription soit nécessaire, Les tarifs fixés par l’arrêté sont toutefois bien éloignés de ce qu’espéraient les officines réalisant des préparations magistrales. « On espérait entre 20 et 23 euros pour la rémunération des frais de réalisation de la préparation magistrale, ce qui aurait donc donné un prix de vente au public situé entre 22 et 25 euros, explique ainsi Fabien Bruno, propriétaire de la pharmacie préparatrice Delpech à Paris. On ne va pas produire à perte. Personne ne va produire et des milliers de patients n'auront pas leur traitement », se désole-t-il.

Une rémunération de 14 euros pour les frais de réalisation de la préparation magistrale de 7 gélules de sertraline 25 mg, de 15,49 euros pour 28 gélules de sertraline 25 mg, et de 15,66 euros pour 28 gélules de sertraline 50 mg… Des tarifs qui ne passent pas. Dans un communiqué commun, le Syndicat national de la préparation pharmaceutique (SN2P) et les Pharmaciens préparatoires de France (PREF) ont manifesté leur colère contre ces prix décidés, selon eux, « dans la précipitation et sans concertation suffisante ». Les pharmaciens préparatoires se trouvent en effet face à un dilemme, résumé ainsi par le SN2P et le PREF : « Avons-nous encore le droit de refuser une fabrication de préparation de rupture lorsqu’elle met en péril notre équilibre économique ? Jusqu’où s’étend notre devoir de santé publique lorsque les conditions imposées ne couvrent ni les coûts réels, ni les risques supportés ? » Les deux instances ont tranché et adopté la position suivante : ne pas produire les préparations magistrales de sertraline pour le moment. Le SN2P et le PREF expliquent ne pas pouvoir « engager leurs équipes dans la fabrication de la préparation magistrale de sertraline aux conditions tarifaires imposées, compte tenu des risques économiques, des charges réglementaires et de la non-reconnaissance du travail fourni ». Elles se disent en revanche « ouvertes à une véritable reprise des discussions dans un cadre équilibré, transparent, et juridiquement sécurisé ».

Du côté des syndicats de pharmaciens titulaires, on s’accorde également pour dire que les tarifs sont problématiques. « Ces tarifs ne permettent pas d'assurer une marge suffisante aux laboratoires de préparations magistrales », analyse Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Étant donné que l'industriel n'est pas en mesure de faire, puisqu'il y a des ruptures, et que nos confrères façonniers ne peuvent pas fabriquer parce qu'économiquement ce n'est pas rentable, c'est juste impossible. Voilà un gros souci. » Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) est lui aussi en désaccord complet avec les tarifs qui ont été décidés par l’assurance-maladie. « Nous sommes très contrariés par la rémunération de l’acte de dispensation, qui est à la fois incohérent et indigent », dénonce-t-il. Des tarifs de dispensation qui vont de 1,72 à 1,98 euro selon la préparation. Pour lui, cependant, impossible d’imaginer que les personnes qui ont besoin de ces traitements puissent faire les frais de cette situation. « La prise en charge des patients doit toujours être une priorité », conclut-il.


Source : lequotidiendupharmacien.fr