Les ruptures et les risques de ruptures en médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), soit 10 000 présentations sur 17 000 commercialisées, sont à la baisse, selon les statistiques publiées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) le 27 mars. Ce constat résulte d’une comparaison entre les deux ans passés et les années antérieures, soit entre le fameux hiver 2022-2023 (800 ruptures simultanées) et 2020.
Un niveau en retrait par rapport au pic mais encore élevé
Cet hiver 2022-2023, l’état des stocks était dans une situation catastrophique, du jamais vu de mémoire de pharmaciens : 8 millions de boîtes manquantes par mois*. « Au pic de criticité, entre 6,5 % et 10 % des boîtes de MITM ont manqué », relève la DREES. L’augmentation constante des ruptures observée lors de la pandémie a connu son apogée en 2022, année au cours de laquelle la barre des 1 500 déclarations a été franchie. Depuis, cette cote d’alerte n’a plus été atteinte. De fait, après un tassement en 2023, un net fléchissement a été enregistré l’année dernière, le nombre de nouvelles déclarations passant sous le seuil du millier. « Fin 2024, environ 400 produits venaient encore à manquer, un niveau certes en retrait par rapport au pic mais encore élevé », alerte l’étude. Quant aux risques de ruptures que les fabricants sont obligés de signaler depuis 2020, ils ont aussi reculé pour la première fois l’année dernière. Selon Gladys Baudet, data scientist à la sous-direction observation de la santé (DREES), « la moitié des laboratoires disaient avoir plus de 2 mois de réserve contre 1,3 mois fin 2022 ». Autre signe positif, le marché semble être en capacité de désamorcer, ou tout au moins d’amortir, les tensions (voir page 5). En effet, comme le révèle la DREES, « les déclarations de ruptures de stocks ne sont pas systématiquement suivies d’un effondrement des ventes. En moyenne pendant un épisode, les ventes aux pharmacies ont baissé de 11 % pour une rupture de stock, et de 7 % pour un risque de rupture ».
Ruptures et risques de rupture, ces deux phénomènes qui impactent gravement l’exercice officinal au quotidien vont-ils poursuivre leur décrue ? Ou au contraire se maintenir à un niveau somme toute encore élevé ? Si elle se veut rassurante sur le reflux constaté, l’étude de la DREES pointe plusieurs signaux inquiétants. Ainsi après avoir concerné un tiers du marché au pic entre 2023 et 2024, puis connu une décroissance en 2024, les risques de rupture repartent à la hausse. Deuxième enseignement de l’étude, toutes les classes de médicaments ont été touchées par le passé par les ruptures et cette menace demeure sur l’ensemble des MITM. « Toutes les classes thérapeutiques sont affectées par des épisodes de baisses des ventes drastiques », confirme l’étude selon laquelle, dans le top 3, le système cardiovasculaire tient le haut du pavé avec une part de 29 %, suivi par le système nerveux (21 %) et par les anti-infectieux à usage systémique (14 %). Autre enseignement, alors que dans un contexte marqué par la sortie de l’épidémie et de l’invasion de l’Ukraine, les difficultés en approvisionnement en matières premières avaient été incriminées – comme dans d’autres secteurs d’activité - pour expliquer les tensions et ruptures, elles ne seraient finalement responsables que pour 10 % du phénomène. Les risques de ruptures et les ruptures sont multifactorielles, conclut la DREES reprenant un constat déjà relayé par le passé.
Des alternatives en hausse
Néanmoins, si l’étude de la DREES tente d’objectiver le phénomène, le ressenti effectif des officinaux relativise l’amélioration de la situation. Les résultats d’un sondage de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dévoilés le 8 mars, ne faisaient-ils pas état de 55 % des pharmaciens attestant une détérioration de la situation, voire une aggravation, depuis début 2024 ? « Pour les molécules de l’hiver cela va mieux, nous avons pu notamment mettre fin au contingentement pour l’amoxicilline. Pour le reste, les ruptures ne cessent de s’aggraver. Si je regarde dans ma pharmacie, à la mi-mars, je n’ai pas de Pyostacine ni de sertraline. Trulicity, Tercian ou Praluent sont aussi en rupture, pour ne citer qu’eux », a déclaré Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO
Aussi, cet apaisement tout relatif dont témoigne le plateau observé par la DREES au deuxième semestre 2024 ne doit pas faire oublier le scandale que les ruptures de stock constituent pour des patients en perte de chance thérapeutique et pour les pharmaciens, consacrant de précieuses heures de travail à dénicher la boîte manquante ou le produit alternatif. Au sujet des alternatives thérapeutiques justement, la DREES relève, dans ce domaine également, une nette amélioration. « Au 31 décembre 2024, cinq alternatives thérapeutiques aux ruptures de stocks étaient disponibles contre quatre au moment du pic en 2023. »
Le Leem (Les entreprises du médicament) n’a pas tardé à réagir à cette étude. Il estime que la baisse de 22 % des déclarations de risques de rupture et ruptures entre 2023 et 2024 est le résultat des efforts déployés conjointement par l’administration, les industriels et les distributeurs « que ce soit à travers le plan de lutte contre les pénuries de 2023, la signature de la Charte d’engagement des acteurs de la chaîne du médicament (en cours d’opérationnalisation) ou encore le déploiement de l’outil de suivi TRACStocks (1 698 références) permettant, sous l’égide de l’agence du médicament, la mise en place anticipée de mesures appropriées ». En référence aux données publiées le 25 mars par l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM), le Leem estime positif le bilan du plan hivernal : « Au 20 mars, plusieurs mesures restrictives ont été levées en raison de l’amélioration de la disponibilité des médicaments et de la stabilisation de la production. L’un des symboles des pénuries passées, l’amoxicilline, bénéficie désormais d’un approvisionnement régulier couvrant les besoins des patients. » « Toutefois, la lutte contre les pénuries ne peut être gagnée que par une approche française et européenne coordonnée et des mesures structurelles adaptées », déclare Thierry Hulot, président du Leem.
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