Interview de David Syr – Le comportement humain, cette inconnue

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Publié le 03/04/2025

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De nombreux paramètres entrent en ligne dans l’appréhension du phénomène des ruptures de médicaments, rappelle David Syr, directeur général de GERS Data. Parmi eux, le comportemental.

Le Quotidien du pharmacien.- Peut-on en chiffrer les retentissements des ruptures sur l’économie officinale ?
David Syr.- Il est difficile d’en mesurer les conséquences sur la non-observance mais aussi sur ce qui a pu être potentiellement délivré sur les conseils du pharmacien pour compenser la pénurie. Cependant, il y a aussi l’aléa de la non-disponibilité/rupture de certains génériques qui peut avoir des effets économiques sur l’officine, car les pharmaciens sont obligés d’accepter d’autres fournisseurs. Au-delà du manque à gagner, il faudrait aussi pouvoir estimer, face à cette distribution anormale du médicament, le marathon effectué par le patient pour se le procurer. Il faut alors tenir compte de paramètres qui font entrer en jeu la nature humaine : à quel moment le patient va-t-il rediriger son flux de passage à sa pharmacie ? Quelle est la capacité du pharmacien à se prémunir pour mieux suivre ses patients et quels sont les impacts sur les allocations des autres ? De manière plus globale, cela pose la question de la distribution du médicament. Doit-il être équitablement réparti sur le réseau ou faut-il tenir compte des flux naturels des pharmacies pour réallouer la volumétrie ? Cela demande une analyse du comportement humain qui relève de la fameuse théorie des jeux, ou dilemme du prisonnier.

Les statistiques de la DREES, portant sur les ventes aux pharmacies, dédouanent-elles les pharmaciens soupçonnés de constituer des stocks ?
Il y a tellement de natures de ruptures possibles, et la propagation de ses ruptures : ruptures au niveau de l’industriel mais du stock chez le grossiste, des ruptures chez les grossistes mais encore des disponibilités en pharmacie. La disponibilité peut revenir à la normale avant que le patient souffre de ruptures. Tout le monde œuvre pour une prise en charge de la population, mais comment gérer la peur de manquer ? Nous en avons eu dernièrement un exemple avec la crainte des tensions fortes sur les vaccins grippe ce qui a contribué avec le pic à relancer la vaccination. Nous revenons aux difficultés qu’il y a à gérer le comportemental, l’humain, ses bonnes intentions et ses conséquences.

Les ruptures étant multifactorielles, faut-il s’y habituer ?
S’habituer, non, vivre avec sûrement. Accepter que dans notre pays, on ne puisse plus traiter certaines pathologies est inaudible. En revanche, il faut apprendre à vivre avec le phénomène de tensions. Car l’enjeu est de voir si la chaîne du médicament est capable d’approvisionner une demande mondiale qui s’intensifie. L’amélioration de l’espérance de vie sur tous les continents, passera par une prise en charge de la santé et soigner. J’en reviens à la théorie des jeux. Tout le dilemme est de savoir prendre en compte ces modèles. Les pharmaciens de stations balnéaires par exemple le connaissent à leur échelle, ils doivent chaque année composer avec les fluctuations entre la saison estivale et la saison morte, si l’on distribue les volumes de médicaments sous tension de manière identique sur tout le réseau, alors certains auront du stock et d’autres déjà pas assez. L’IA va permettre d’aller plus loin, plus vite dans le traitement de la donnée. Elle va aider à raisonner les comportements individuels et parfois erratiques. Mais la question reste de savoir qui va utiliser l’IA et qui va prompter.

Propos recueillis par Marie Bonte