Même sur prescription médicale, les préparations magistrales réalisées pour pallier les ruptures de stock ne seront désormais remboursées que sous deux conditions : l’existence d’une recommandation de l’ANSM et la publication d’un arrêté de prix. Conséquences : les préparatoires envisagent de ne plus produire des préparations de sertraline, pour commencer.
La prise en charge des préparations magistrales réalisées en cas de ruptures d’approvisionnement des spécialités équivalentes était le sujet d’une réunion spéciale, le 22 avril, organisée à l’initiative des autorités de santé, où étaient présents la direction générale de la santé (DGS), la direction de la Sécurité sociale (DSS), la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et les représentants des pharmaciens et des acteurs de la préparation pharmaceutique. Car si la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 prévoit bien la réalisation de préparation magistrale pour faire face à la rupture de stock d'un médicament, en l’absence de décret d’application, on rembourse comment ? Réponse unilatérale de la DSS et la DGS : ces préparations ne seront désormais remboursées que sous deux conditions, la publication d’une recommandation de l’ANSM et la publication d’un arrêté fixant leur prix. Y compris pour les patients présentant une prescription médicale.
« Par conséquent, les patients ne seront donc plus remboursés pour leur traitement même s’ils présentent une ordonnance du prescripteur », alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Selon la DGS et la DSS, le texte de loi écrase tous les autres textes et toute prise en charge possible de préparation magistrale en cas de pénurie », rapporte Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission Métier pharmacien de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Les conditions exigées n’ont été réunies qu’une seule fois en plus d’un an : pour la quétiapine. Ce que cela a montré, c’est que ces procédures ont pris du temps : près de 8 jours entre la publication de la recommandation de l’ANSM, déjà tardive au regard des pharmaciens sur le terrain, et la publication de l’arrêté de prix.
Les conséquences sur la sertraline, en rupture depuis des semaines, sont immédiates. Dans l’attente de recommandations plus musclées de l’ANSM, les pharmaciens se reportent sur des préparations magistrales : depuis le 1er avril, la pharmacie Delpech à Paris a ainsi réalisé plus de 1 200 préparations de sertraline, tous dosages confondus, soit 40 000 gélules. C’est 20 % de la production nationale, rapporte le titulaire, Fabien Bruno, qui lui aussi conteste l’interprétation des autorités. « Si le médecin prescrit une préparation magistrale de sertraline, et que le pharmacien réalise une préparation magistrale en l’absence de spécialité disponible, il n’y aura pas de prise en charge de cette préparation : cette dernière sera donc intégralement à la charge du patient », démontre Pierre-Olivier Variot qui s’inquiète déjà du sort de certains patients sous anti-psychotiques. Le pharmacien qui facture en PMR s’expose à un risque d’indus.
« Ce que l’on veut, c’est de ne surtout pas exposer les pharmaciens aux indus, poursuit Lucie Bourdy-Dubois. Mais il faut absolument qu’il y ait une réactivité plus importante pour prendre en charge les préparations et donc pour sortir l’arrêté de prix. » Et là, les pharmaciens n’ont obtenu aucune garantie.
Pour les sous-traitants des préparations magistrales, le message est clair : « On pourrait très bien continuer et dire aux pharmaciens qu’on est sûr de nous, et que l’on ira se battre contre les caisses pour la prise en charge des préparations magistrales prescrites par un médecin pour remplacer un médicament en rupture. Mais aujourd’hui, vu que l’on n’accepte pas du tout la manière de présenter les choses, pour ne pas mettre les pharmaciens en difficulté, on arrête la production de sertraline », explique Fabien Bruno. Les préparatoires vont se retrouver avec 40 kg de sertraline sur les bras, ce qui représente 40 000 euros. « Et dans l’absolu, poursuit le sous-traitant, on est en train de dresser une liste de toutes les molécules que l’on fait en préparation pour pallier des ruptures et certainement que la semaine prochaine, on arrêtera aussi de produire toutes les préparations visant à remplacer une spécialité en rupture qui ne seront pas remboursées. »
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