À peine nommé, le gouvernement Lecornu 2 dégaine le 14 octobre un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 particulièrement dur, qui reprend les pistes du gouvernement Bayrou, où tous les acteurs seront concernés par « un juste partage de l’effort ». Pour l’assurance-maladie, il s’agit d’économiser 7,1 milliards d’euros, incluant des baisses de prix d’un montant total de 1,4 milliard d'euros sur les médicaments, dont 0,2 milliard d'euros sur les médicaments génériques et 0,2 milliard d'euros sur les dispositifs médicaux.
Schizophrénie sur les biosimilaires et les génériques
Alors que d’un côté, le gouvernement veut augmenter les taux de substitution des génériques, hybrides et biosimilaires, de l’autre, pour le remboursement, il restreint le champ en ne référençant que certains médicaments au sein des groupes substituables pour faire baisser les prix, au nom de la lutte contre les pénuries de médicaments et de l’environnement.
Pour améliorer la pénétration des médicaments biosimilaires et hybrides substituables, il est prévu de mettre en place le principe du tiers-payant contre biosimilaires et hybrides
En effet, pour améliorer la pénétration des médicaments biosimilaires et hybrides substituables, il est prévu de mettre en place le principe du tiers-payant contre biosimilaires et hybrides, tel qu’il existe pour les génériques, avec les mêmes exclusions. Il est également prévu de supprimer l’obligation de prescrire les médicaments biosimilaires en nom de marque en plus de la dénomination commune internationale. Pour forcer la substitution des génériques et hybrides récalcitrants, le gouvernement prévoit aussi d’accélérer la mise sous tarif forfaitaire de responsabilité. Tout cela devrait permettre d’économiser 2,8 millions d’euros par point de pénétration gagné. Sur l’hypothèse d’une augmentation générale de 10 points de substitution, l’économie se monte à 27,7 millions d’euros, en tenant seulement compte des groupes génériques actuellement substituables.
Dans une autre logique, déjà très décriée, le gouvernement ressort du tiroir le référencement sélectif des médicaments matures, une mesure qui consiste à ne rembourser que certains médicaments, sélectionnés sur appel d’offres. Le gouvernement Borne avait déjà tenté de faire passer cette idée en 2023, avant de se confronter à la levée de boucliers des syndicats des pharmaciens et des industriels. Il s’agit ici de mener une expérimentation de 5 ans maximum, avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) au centre du jeu. Les médicaments sélectionnés ne pourront pas être référencés plus de deux ans. Pour une même référence, le marché sera attribué à un petit nombre de laboratoires.
Les groupes génériques, hybrides et biosimilaires soumis à cette mesure ne sont pas encore définis mais seront « déterminés en tenant compte notamment des volumes, de la dépense remboursée, de l’évolution de ces derniers, de leur impact environnemental, du nombre d’acteurs présents et des éventuels antécédents ou risques de tension ou de rupture d’approvisionnement », est-il précisé en annexe. Ensuite, la sélection des médicaments eux-mêmes sera effectuée en fonction des garanties d’approvisionnement apportées par les industriels, « au regard notamment de la diversité et de la sécurité des sources d’approvisionnement, ainsi que des conditions tarifaires proposées au regard de l’objectif d’efficience des dépenses d’assurance maladie. Elle peut également tenir compte de l’impact environnemental des spécialités ainsi que des objectifs de développement durable dans leur dimension économique et sociale. »
En échange, l’industriel s’engage à fournir des quantités minimales sur le marché français et à garantir une couverture suffisante pendant l’intégralité de la période de référencement, sous peine de sanctions financières (jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France), auxquelles s’ajoutent les surcoûts supportés par l’assurance-maladie.
Le gouvernement estime ainsi économiser 13 millions d’euros. Cerise sur le gâteau, la mesure pourrait s’étendre à des groupes jugés thérapeutiquement équivalents hors médicaments génériques et biosimilaires (par exemple : des statines, des inhibiteurs de pompes à protons…).
Revoilà le pharmacien collecteur de franchises
Comme le gouvernement Bayrou avant lui, le gouvernement Lecornu entend doubler le montant des franchises médicales et des participations forfaitaires. La franchise sur les boîtes de médicaments et les actes paramédicaux s’élèvera à 2 euros. Et ce n'est pas tout : une franchise de 0,50 euro sera créée sur les dispositifs médicaux, jusqu'ici exemptés. La franchise sur les transports sanitaires s’élèvera à 8 euros. La participation forfaitaire sur les actes médicaux s’élèvera à 4 euros. Une franchise de 1 euro sera appliquée aux consultations dentaires, elles aussi exemptées jusqu'ici. Les plafonds annuels doubleraient aussi, passant chacun de 50 à 100 euros par patient, pour un plafond global de 350 euros.
L’idée de confier le paiement de ces participations directement par l’assuré aux professionnels de santé n’est pas abandonnée. Il y a même un calendrier : « en commençant par les pharmaciens et les médecins », est-il noté dans les annexes accompagnant le PLFSS.
La mesure s’appliquerait par décret et il est prévu qu'elle entre en vigueur le 1er janvier 2027. Économies réalisées : 2,3 milliards d’euros
Politique vaccinale : une couverture grippe et rougeole obligatoire pour les professionnels de santé libéraux
Les professionnels de santé libéraux vont être soumis à l’obligation vaccinale en ce qui concerne la grippe et la rougeole. Un décret précisera les conditions d’exercice des professions de santé auxquelles s’applique l’obligation vaccinale, en fonction de l’exposition à des risques de contamination qu’elles induisent pour les professionnels ou pour les personnes dont ils sont chargés. Cette disposition du législateur n’est pas une surprise. La Haute Autorité de santé a, en effet, déjà été saisie pour se prononcer sur l’obligation vaccinale des soignants contre la grippe saisonnière. Elle devrait prendre position début 2026. En 2023, la HAS avait rendu un avis très réservé en maintenant le statut de simple recommandation vaccinale. Mais le niveau insuffisant du taux de vaccination des soignants -19 % en établissements de santé et 22,4 % en EHPAD-, au cours de la campagne 2024-2025, pourrait contribuer à durcir la position de l’autorité publique.
Au sujet des EHPAD, le PLFSS indique que la HAS devra également se prononcer sur la vaccination obligatoire contre la grippe des résidents de ces établissements. Quant aux professionnels de la petite enfance, ils pourraient être obligés de se faire vacciner contre la rougeole « compte tenu des risques particuliers encourus, en cas d’exposition à la rougeole, par les personnes immunodéprimées et les jeunes enfants ». En l’absence de vaccin monovalent contre la rougeole, la vaccination pourra être effectuée avec un vaccin trivalent (ROR).
Zones fragiles : des dérogations à la création d’officines
Les conditions de création d’officines devraient être assouplies afin de faciliter l’installation dans les communes ayant perdu leur dernière pharmacie. Cette mesure destinée à soutenir le maillage officinal de proximité et l’accès aux soins figure au « Pacte de lutte contre les déserts médicaux ». Il s’agirait d’élargir la dérogation existante. Jusqu’à présent l’ouverture d’une officine par création est uniquement autorisée dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE), les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou les zones France ruralités revitalisation (ZRR), et à condition de comptabiliser 2 500 habitants. D’autres dispositions dérogatoires permettent d’ouvrir une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants mais uniquement par voie de transfert ou de regroupement lorsque la dernière officine présente dans cette commune a cessé définitivement son activité et qu'elle desservait jusqu'alors une population au moins égale à 2 500 habitants.
Le projet de loi ne fait plus mention de la création d’antennes, ni de la généralisation du dispositif OSyS, pourtant évoqué dans le protocole conclu entre les représentants de la profession et le Premier ministre
En revanche, dans ce chapitre consacré à l’accès aux soins, le projet de loi ne fait aucunement mention de la création d’antennes, ni de la généralisation du dispositif OSyS, pourtant évoqué dans le protocole conclu entre les représentants de la profession et le Premier ministre, le 24 septembre.
Mon espace santé : à compléter, sous peine d’amende
Les professionnels de santé qui ne remplissent pas le dossier médical partagé (DMP) ou ne le consultent pas avant de prescrire des produits ou actes coûteux s’exposent à une amende de 2 500 euros d’amende, dans la limite de 10 000 euros par an. Cette mesure a pour objectif de rendre le recours à Mon espace santé systématique afin d’améliorer la coordination des soins, notamment entre la ville et l’hôpital. In fine il a également pour but d’éviter la prescription d’actes inutiles ou redondants, estimés entre 15 % et 40 % dans le secteur de l’imagerie. Un décret en Conseil d’État doit en définir les modalités, applicables au plus tard en mars 2027.
Complémentaires santé : une contribution supplémentaire de 2,05 % pour 2026
Visant à rééquilibrer entre l’assurance-maladie et les organismes complémentaires la répartition des prises en charge de la consommation de soins – le taux moyen de l’assurance-maladie est passé de 76 % en 2012 à 79,6 % en 2022-, une taxe de 2,05 % sur l’ensemble des cotisations de leurs adhérents va être instituée à la charge des organismes complémentaires. Cette mesure prévue pour l’année 2026 devrait permettre rapporter un peu plus d’1 milliard d’euros.
Prévention : mieux détecter et accompagner les ALD
Un statut, créé à l’intention de patients souffrant de pathologies (en priorité diabète sans complication, HTA et obésité) pouvant évoluer vers une affection de longue durée, leur ouvrira les droits à un parcours de prise en charge, composé de prestations déjà remboursées mais aussi d’un panier de soins coordonnés axé sur la prévention (diététique, activité physique…). Cet accompagnement précoce, soumis à prescription médicale, conçu en lien avec la HAS, sera co-financé par l’assurance-maladie et les complémentaires santé. Actuellement, 14 millions de personnes sont prises en charge au titre du dispositif ALD, leur nombre pourrait augmenter de 10,7 % d’ici à 2030.
Le texte dans son ensemble sera discuté au Parlement, et ne sera pas soumis au 49.3, a promis Sébastien Lecornu. Il veut des discussions. Il l’a suffisamment martelé aux députés lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale : « Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. »
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