Vaccination à l’officine

Vaccins grippe/Covid-19 : combattre les idées reçues et lever les doutes

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Publié le 23/10/2025
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Saisir toutes les opportunités de vaccination, se montrer « proactif » : il est demandé aux pharmaciens de se mobiliser et « d’aller vers » pour vacciner contre la grippe et le Covid-19. Encore faut-il lever les doutes ou les réticences.

Toutes les opportunités de vaccination doivent être saisies, estime la DGS

Toutes les opportunités de vaccination doivent être saisies, estime la DGS
Crédit photo : BURGER/PHANIE

La couverture vaccinale contre la grippe est insuffisante en France : 53,7 % chez les 65 ans et plus et 25,3 % chez les moins de 65 ans à risque en 2024-2025, bien loin de l’objectif fixé par l’OMS à 75 %. « Toutes les opportunités de vaccination doivent être saisies », demande la direction générale de la santé (DGS). Alors que la saison dernière a été lente au démarrage et que la grippe s’est montrée particulièrement sévère, les officinaux doivent être « pro-actifs », demandent les syndicats de pharmaciens. Concrètement, il s’agit de demander systématiquement à chaque patient s’il est vacciné contre la grippe ou le Covid-19, de l’informer et de l’inciter à se faire vacciner. Et de lever quelques doutes :

« J’ai été vacciné l’année dernière et j’ai eu la grippe, le vaccin ne sert à rien »

Il faut compter une quinzaine de jours pour que les personnes vaccinées soient protégées. Ensuite, l’efficacité du vaccin contre la grippe est variable selon les années. Pour la saison 2024-2025, l’efficacité contre l’ensemble des virus de la grippe était « modérée, de l’ordre de 42 % (75 % contre le virus B et 26 % contre le virus A) et variable selon l’âge », rappelle le ministère de la Santé.

Le virus de la grippe est un virus opportuniste. Ainsi, plus les personnes sont fragiles, plus il va en profiter

Dr Bruno Vermesse, médecin généraliste à La Madeleine (Nord)

La vaccination protège surtout des formes sévères et des complications. « Le virus de la grippe est un virus opportuniste. Ainsi, plus les personnes sont fragiles, plus il va en profiter, explique le Dr Bruno Vermesse, médecin généraliste à La Madeleine (Nord). Donc, dès qu’une personne a une comorbidité, elle a un risque accru de contracter une grippe. Tous les patients qui ont une insuffisance d’organes, les diabétiques… sont concernés. »

Pour rappel, la saison 2024-2025 est marquée par près de 3 millions de consultations en ville, 30 000 hospitalisations et une surmortalité de plus de 17 000 décès toutes causes confondues, selon Santé publique France.

« J’ai 65 ans, je suis en bonne santé, pourquoi devrais-je me faire vacciner contre la grippe ? »

À 65 ans, il faut tenir compte de l’immunosénescence, qui commence même avant cet âge. Il y a une fragilité. « À chaque épidémie de grippe, il y a une augmentation des surinfections bactériennes notamment de pneumocoques et staphylocoque. Les courbes se superposent, constate le Dr Bruno Vermesse.

Autre argument pour convaincre à la vaccination : la perte d’autonomie. « L’impact des maladies infectieuses virales peut réduire jusqu’à 30 % les actes de la vie quotidienne. Pour beaucoup de personnes, cela signifie qu’elles ne pourront pas rester chez elles », poursuit le médecin généraliste.

Dans l’hémisphère Sud, qui subit en premier l’épidémie et donne une tendance épidémiologique, la grippe s’est montrée précoce et particulièrement virulente

Selon lui, il faut également voir plus loin : « Il faut arrêter de limiter la vision que vous avez des vaccins antigrippaux à la simple prévention des maladies infectieuses. Aujourd’hui, de plus en plus en cardiologie, la vaccination entre comme ligne de traitement chez beaucoup de malades car la grippe impacte directement le système cardiovasculaire. Le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par 10 et d’accident vasculaire cérébral par 8 dans la semaine qui suit l’infection. Il faut regarder la vaccination comme une ligne de traitement pour beaucoup de patients avec des déficiences d’organes. »

« Je préfère attendre »

« Se faire vacciner mi-octobre permet d’être bien protégé au moment où le virus circule le plus. Comme il faut environ deux semaines après l’injection pour que le corps développe une bonne protection, débuter la vaccination en octobre garantit une couverture efficace dès le début de l’hiver », répond la direction générale de la santé (DGS).

D’autant que dans l’hémisphère Sud, qui subit en premier l’épidémie et donne une tendance épidémiologique, la grippe s’est montrée précoce et particulièrement virulente.

« J’ai peur de recevoir deux injections en même temps »

Or, pour la Haute Autorité de santé (HAS), les données d’immunogénicité, d’efficacité et de tolérance sont rassurantes. Une des études d’immunogénicité avait démontré que la réponse humorale Covid-19 pouvait être plus faible en cas de co-administration des vaccins antigrippaux et anti-Covid-19 mais les taux de séroconversion pour le Covid-19 et les réponses immunitaires contre la grippe étaient similaires. Les chiffres sur les hospitalisations et la mortalité sont identiques entre administration isolée et co-administration. La sécurité et la réactogénicité sont satisfaisantes, il n’y a pas émergence d’un signal de pharmacovigilance.

« Les vaccins haute dose sont plus chers et ne sont pas plus efficaces »

Oui, les vaccins améliorés (Efluelda, à haute dose, ou Fluad, avec adjuvant) sont plus chers (23,97 euros contre 11,75 euros pour les vaccins standards), mais dans son avis de mai 2025, la HAS s’appuie notamment sur la réduction des hospitalisations (de 750 à 8 410) et des consultations liées à la grippe (de 4 500 à 24 290) chez les 65 ans et plus, pour recommander les deux vaccins de manière préférentielle à partir de 65 ans.

C’est d’ailleurs une recommandation que les gériatres se sont époumonés à transmettre depuis plusieurs hivers, en commençant par la Société française de gériatrie et de gérontologie.

Pharmaciens, comment aller plus loin ?

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L’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) recommande de profiter de la campagne pour aborder la vaccination antipneumococcique, « encore trop peu réalisée (4,5 % seulement des personnes concernées) alors qu’elle pourrait protéger des pneumonies et autres pathologies ORL. »

La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) recommande de profiter de cette campagne pour faire le point sur le statut vaccinal global des seniors : « Cette démarche vous permettra de leur proposer, si nécessaire, les vaccins manquants et de les planifier leur vaccination dans un objectif de prévention. » C’est justement le cas dans les entretiens de prévention des 60-65 ans et 70-75 ans, rémunérés par l’assurance-maladie, et cumulable avec l’acte de vaccination.

Anne-Hélène Collin

Source : Le Quotidien du Pharmacien