Une formule cosmétique est développée dans l’objectif premier de prendre soin de la peau et des phanères en les nourrissant, les protégeant, les réparant ou encore en les nettoyant… L’urgence climatique et l’impériosité de protéger l’environnement naturel imposent cependant à cette catégorie de produits une autre contrainte, celle de ne pas nuire, autant que faire se peut, aux milieux dans lesquels elle est développée puis éliminée : l’air, l’eau, la terre. Pour cela, les moyens dont dispose l’industrie sont nombreux : réduire le nombre des composants dans les formules, choisir des ingrédients d’origine naturelle, sélectionner les procédés d’élaboration les moins émetteurs de CO², privilégier l’approvisionnement local, utiliser le moins d’emballages possible, minimiser le transport des marchandises… Certains fabricants ont fait de ces engagements un référentiel régissant toute la fabrication de leurs soins. En France, beaucoup d’entre eux ont rejoint l’association Cosmébio qui défend le cahier des charges de la cosmétique Bio (Cosmos).
Impact positif
Pour Nicolas Bertrand, directeur de Cosmébio, l’impératif de ne pas nuire à l’environnement s’impose dans chaque aspect du processus de fabrication d’un soin : au niveau de la formule, certains composants – silicones très polluants pour l’environnement, phtalates, BHA et BHT (deux antioxydants synthétiques utilisés comme conservateurs), parabens, triclosan, phénoxyéthanol - sont interdits et une biodégradabilité de 70 % (au bout de 28 jours) est demandée concernant les ingrédients issus de la chimie. « On fonctionne plutôt sur le principe d’une liste positive de composants à l’exemple des filtres minéraux que l’on préfère aux filtres chimiques (octocrylène) utilisés dans certaines crèmes solaires et qui nuisent aux coraux. » D’autres éléments comme le sodium cocoyl iséthionate (SCI), un tensioactif, sont écartés à cause de l’impact environnemental lié à leur production.
Les procédés de transformation, doux et mécaniques, figurent également au nombre des critères sélectionnés. Une huile essentielle devra être obtenue par distillation et non par l’emploi d’un solvant chimique, procédé qui ne devra pas non plus être utilisé dans l’extraction de l’huile d’olive (issue d’une pression à froid). « L’enjeu est d’avoir le moins d’impact possible sur la nature à chaque étape de l’élaboration du soin. »
Mais il est possible d’aller plus loin en favorisant les procédés vertueux. « Valoriser les ressources naturelles peut avoir un effet positif sur l’environnement. Un champ de culture biologique génère 50 % de biodiversité en plus comparé à un champ de culture traditionnelle. L’agriculture biologique permet aussi de préserver les captages d’eau. » Le choix d’un mode naturel de culture, à l’opposé des principes de la chimie verte, pourrait donc réamorcer certains processus vitaux dans l’environnement.
Pas emballé du tout
L’emballage est un autre aspect très encadré dans l’élaboration des cosmétiques bio. « Nous demandons aux fabricants de privilégier les matériaux recyclés, recyclables ou réemployables, poursuit Nicolas Bertrand. Les plastiques les plus dangereux, qui ne peuvent pas être recyclés, ou polluants dans leur phase de dégradation, comme le polystyrène et le PVC, ne peuvent pas être employés pour emballer un produit labellisé Cosmébio. »
S’il incite déjà à réduire le suremballage, le référentiel devrait, dans sa prochaine version, durcir les règles encadrant l’utilisation des matériaux dans les contenants. Certains fabricants, parallèlement aux exigences du référentiel Cosmébio, fixent leurs propres contraintes en termes d’écoconception. C’est le cas du groupe Léa Nature qui a décidé de limiter l’empreinte « pétrole fossile » de ses emballages en ayant recours au plastique recyclé mais aussi au polyéthylène végétal obtenu à partir d’éthanol de cannes à sucre. « C’est une plante qui capte du CO² pendant sa croissance, ce qui permet d’abaisser les émissions de 30 % à 50 % des emballages à base de PE végétal comparé à un contenant en plastique issu du pétrole », explique Michèle Simonneau, directrice innovation R & D chez Léa Nature. Même en tenant compte du transport de la matière importée du Brésil, qui est le seul pays producteur d’éthanol de cannes à sucre, le bilan carbone est favorable.
Bien sûr, la solution idéale en matière de plastique serait peut-être tout simplement sa suppression. C’est ce que favorise la distribution en vrac avec la mise en circulation de flacons en verre réutilisables - notamment expérimentée par le groupe Pierre Fabre (Klorane, A-derma) et le Laboratoire Expanscience (Mustela) - ou ce qu’autorise la galénique. « On opte de plus en plus pour la réduction de la part en eau dans les formules », reprend Michèle Simonneau. En témoigne toutes les présentations solides de cosmétiques, savon, shampoing mais aussi dentifrice sous forme de comprimé à croquer, bien moins volumineux qu’un tube donc moins impactant en émission de CO² lors de son transport. « La galénique est un des moyens d’améliorer l’éco-conception d’un produit cosmétique. » Le choix des matières premières en est un autre pour le fabricant dont la quasi-totalité des formules sont composées d’ingrédients naturels fournis, dès que possible, par des producteurs de plantes locaux.
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