Un entretien avec Marc Thomas, auteur d’une thèse sur le froid à l’officine

« La chaîne du froid, école de la rigueur »

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Publié le 10/12/2018
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Marc Thomas, titulaire à Saint-Dié-des-Vosges, a soutenu en 2011 sa thèse de doctorat sur le thème : « L’inspection de la chaîne du froid à l’officine »*. De ce savoir surtout bibliographique et théorique, il a su retenir l'essentiel pour appliquer les principes de respect de la chaîne du froid à sa propre officine.
réfrigérateur

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Le Quotidien du pharmacien.- Quels sont les principaux médicaments thermosensibles ? Existe-t-il une marge de tolérance pour certains d'entre eux ?

Marc Thomas.- Bien sûr la quasi-totalité des vaccins et des insulines nécessitent d'être conservés au froid. Les immunosuppresseurs, certains médicaments de la DMLA, les gammaglobulines, les immunoglobulines également. Le Rophylac, par exemple, immunoglobuline humaine anti-D qui est indiquée dans la prévention de l'allo-immunisation fœtomaternelle Rh(D) chez la femme Rh(D)-négatif, est à conserver au réfrigérateur (entre 2 °C et 8 °C) et à ne pas congeler. Ces conditions de conservation sont d'autant plus à respecter qu'au-delà du risque de dénaturation de ce type de produits, leur coût élevé invite à la prudence. Quant à la marge de tolérance en cas de rupture de la chaîne, elle est fonction du produit. Le délai de conservation hors enceinte peut varier de quelques heures à 6 semaines pour les moins thermosensibles. J'ai vécu un jour une rupture de la chaîne du froid dans mon officine durant 1 heure. La température est très vite remontée à 20 °C. À l’issue de l'incident, nous avons vérifié un à un la tolérance des médicaments soumis à cet aléa avant d'éliminer ceux susceptibles d'avoir été dégradé.

Quels conseils donneriez-vous à vos confrères soucieux de s'équiper dans le respect de la chaîne du froid ?

Aujourd'hui il est impératif de respecter les règles d'équipement. Sans donner de leçon, je pense qu'il serait inacceptable pour des pharmaciens de continuer à travailler avec de vieux réfrigérateurs. Vous savez, même les cuisines des restaurants respectent les standards d'équipement, alors que des pharmaciens refusent ces contraintes, ce serait absurde.

Comment appliquer au quotidien le respect de la chaîne du froid ?

Du point de vue matériel les équipements sont désormais très performants. Ils permettent de s'acquitter facilement de l'obligation d'un relevé de température toutes les 5 minutes. Dans mon officine, j'ai par exemple choisi d'imprimer tous les mois mes relevés de température. Ce qui permet de vérifier que le thermomètre n'a oscillé ni en dessous de 2 °C ni au-dessus de 8 °C. Si on observe un écart, il convient de le justifier par écrit et de décrire les mesures correctives mises alors en place.

En pratique, deux fois par jour nous pointons visuellement les températures et faisons aussi confiance à l'enregistreur qui assure, lui, un suivi continu. En cas de coupure de courant, le premier conseil est de ne surtout pas ouvrir l'enceinte.

Que faut-il faire en prévision d'une inspection de la chaîne du froid à l'officine ?

Il ne s'agit pas de s'équiper dans la seule optique d'une inspection. L'objectif, c'est surtout de se donner les moyens, en toute responsabilité, de travailler proprement et dans le respect des caractéristiques physico-chimiques des produits. C'est au quotidien qu'il convient d'être rigoureux.

* « L’inspection de la chaîne du froid à l’officine », par Marc Thomas. Thèse soutenue le 22 avril 2011 à la faculté de Nancy 1 pour l'obtention du diplôme d'État de docteur en pharmacie.

Propos recueillis par Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3480