La prise en charge de la plainte pour insomnie intègre en premier la prise en compte étiologique du trouble en corrigeant ses causes environnementales et comportementales (bruit, température, conditions de travail, irrégularité des heures d’activité, travail en 3-8, stress, etc.). La prescription d’un médicament hypnotique, toujours en monothérapie, ne devrait pas être systématisée car, sauf exception, elle ne constitue pas une réponse adaptée face à une plainte pour insomnie. Le recours à d’autres médicaments s’avère pertinent lorsque l’insomnie a une cause identifiable (dépression, douleur, etc.), ainsi que la mise en œuvre de stratégies thérapeutiques diversifiées (psychothérapie, hypnose, sophrologie, etc.). Pourtant, l’administration d’une BZD hypnotique ou d’un apparenté reste une réponse banalement utilisée face à une insomnie, souvent à la demande du patient : rappelons que l’index thérapeutique généralement défavorable de ces médicaments (risque d’accoutumance, de dépendance) explique qu’ils fassent l’objet de recommandations depuis des années. Ainsi, dès 1991, un arrêté a limité la prescription des BZD hypnotiques à quatre semaines, et, depuis 2017, le zolpidem doit être prescrit sur ordonnance sécurisée afin de limiter le risque d'abus et de détournement.Nous n’évoquons pas ici le recours à la phytothérapie qui trouve cependant toute sa place dans la prise en charge des insomnies légères et transitoires et bénéficie d’une excellente tolérance.Hygiène de vie. La lutte contre l’insomnie intègre des mesures d’hygiène de vie essentielles :- Proscrire l’usage de produits stimulants (veiller notamment à ne pas fumer et à ne pas consommer de thé ou de café 4 à 6 heures avant le coucher) ;- Limiter l’usage de boissons alcoolisées ; particulièrement, proscrire toute consommation d’alcool en soirée ;- Se contenter d’un repas léger le soir ;- Mener une vie régulière (notamment en ce qui concerne l’heure des repas), respecter un moment de détente en soirée avant de se coucher ;- Si faire du sport en fin d'après-midi favorise le sommeil, un effort violent moins de 3 à 4 heures avant le coucher peut le perturber ;- Éviter de prendre un bain chaud avant le coucher (le réchauffement de l'organisme stimulant l'éveil) ;- Respecter l’heure d’endormissement physiologique repérable par la sensation de fatigue, les bâillements, une attention en baisse : elle correspond à une mise au repos des systèmes d’éveil à une baisse des sécrétions hormonales et de la température centrale ;- Ne pas visionner des films violents ou stressants avant le coucher, ne pas prendre l’habitude de regarder la télévision ou un écran (téléphone, tablette, etc.) au lit ou avant le coucher ;- Respecter un rituel d’endormissement : lecture, musique douce, câlins ;- Dormir dans une chambre fraîche, totalement obscure, à l’abri du bruit, en évitant la présence d’animaux ;- Favoriser l’alternance veille-sommeil en ne flânant pas au lit le matin, mais en se levant assez tôt ; s’exposer suffisamment, chaque jour, à la lumière naturelle ; éviter les siestes prolongées (> une heure) ou tardives (> 16 heures) ;Adaptation étiologique du traitement. Une prise en charge de l’affection causant l’insomnie est indispensable si cette dernière est associée à une maladie somatique ou psychiatrique. Dans ce cas, un traitement antipsychotique ou antidépresseur, surtout si le médicament prescrit a une composante sédative, agit sur l’insomnie. Toutefois, un antidépresseur psychostimulant peut favoriser une insomnie. Il en va de même pour l’anxiété : des BZD anxiolytiques administrées à faible dose, sur une période brève, peuvent suffire à réguler le sommeil.La prescription d’un hypnotique est privilégiée dans les insomnies transitoires réactionnelles (stress, deuil, etc.) ou dans les insomnies associées à une maladie lorsqu’un traitement étiologique est impossible ou insuffisant et que le respect des règles d’hygiène du sommeil ne suffit plus.Un hypnotique s’administre juste avant le coucher pour prévenir le risque de chute avec éventuelle fracture du col du fémur (accident fréquent chez le sujet âgé).Choix d’une molécule. Les BZD hypnotiques et leurs apparentés ont une AMM dans l'insomnie occasionnelle (traitement de 2 à 5 jours, lors d'un voyage par exemple) et l'insomnie transitoire (traitement de 2 à 3 semaines, en cas de survenue d'un événement grave par exemple). Le traitement ne doit pas excéder 4 semaines, y compris la période de réduction de la posologie avant son arrêt total.La durée de l’action hypnotique est proportionnelle à la dose : la demi-vie de la molécule, même si elle participe à l’action thérapeutique, ne peut, seule, être prise en compte. La variabilité interindividuelle explique qu’il faille adapter la posologie à chaque situation. Les hypnotiques de demi-vie courte (zopiclone, zolpidem) sont recommandés dans le traitement des insomnies d’endormissement mais il faut proscrire leur utilisation à posologie élevée dans les insomnies de maintien qui nécessitent le recours à une molécule de demi-vie moyenne ou prolongée (témazépam, lormétazépam, nitrazépam, etc.).Des experts suggèrent, en cas de prescription médicamenteuse incontournable chez un patient de plus de 55 ans, de débuter le traitement par la mélatonine qui n'expose pas aux risques d'effets indésirables des benzodiazépines et apparentés.Adaptation du traitement au patient. Certaines situations contre-indiquent le recours à un hypnotique et peuvent faire privilégier par exemple l'utilisation hors AMM d'un antidépresseur sédatif à faible dose (miansérine, paroxétine, parfois tricyclique, etc.). Parmi les situations les plus fréquemment rencontrées :- Chez l’insuffisant respiratoire. Les BZD sont administrées avec prudence, à posologie réduite de moitié, en cas d’insuffisance respiratoire modérée. Elles sont contre-indiquées en cas d’insuffisance respiratoire sévère (risque d’apnées). Un syndrome d’apnée du sommeil contre-indique le recours à une BZD ou à un apparenté (potentialisation de la dépression respiratoire).- Chez l’insuffisant hépatique. La demi-vie de la zopiclone est augmentée (allant jusqu'à 9 heures) et le temps requis pour obtenir le pic est aussi allongé : une posologie limitée à 3,75 mg/j est préconisée. La demi-vie du zolpidem peut atteindre 10 heures : il suffit souvent de limiter l'administration à 5 mg/j en ce cas. L’insuffisance hépatique sévère constitue une contre-indication à l’administration de benzodiazépines et apparentés.- Chez l’insuffisant rénal. Adapter la posologie pour éviter l’accumulation du médicament.- Chez le sujet âgé. Les modifications de l’architecture et de la durée du sommeil expliquent que le sujet âgé se plaigne souvent d’insomnie. La prise en charge d’une insomnie doit s'accompagner d'une explication détaillée des modifications physiologiques du sommeil et d'un traitement des comorbidités. L'objectif de la prise en charge doit être de stimuler l'éveil diurne par la pratique d'activités physiques et intellectuelles adaptées, de retarder le coucher et de respecter un rythme veille/sommeil régulier. L’usage d’hypnotiques devrait être évité car il l’expose à un cumul de risques iatrogènes. En cas de recours aux BZD, il y a lieu de privilégier les médicaments à demi-vie d'élimination plasmatique brève ou intermédiaire et sans métabolite actif, de manière à limiter le risque d'accumulation. De plus, la posologie du traitement est réduite (généralement d’un facteur 2) pour prévenir le risque de confusion mentale, de sédation diurne, d’hypotension artérielle, de chute. Les phénothiazines anti-H1 (alimémazine, prométhazine) exposent le sujet âgé à un risque d’effets anticholinergiques, extrapyramidaux et de troubles cognitifs.- Chez l’enfant. Le recours aux hypnotiques est proscrit, en dehors des troubles du sommeil associés à un trouble psychopathologique et du cas particulier des parasomnies. La prise en charge des insomnies du nourrisson et de l’enfant impose le respect de règles élémentaires d’hygiène (environnement serein, respect du cycle veille-sommeil, prise en charge psychologique de l’enfant et souvent aussi de la famille). Si elle est indispensable, la prescription repose sur des médicaments indiqués chez l’enfant de moins de 15 ans.- Chez la femme enceinte ou allaitante. Le passage transplacentaire des BZD utilisées par la future mère explique que certains nourrissons présentent à la naissance une détresse respiratoire aiguë liée à l'imprégnation par ces produits. Elle peut nécessiter des soins en urgence et, pour le moins, une surveillance étroite. L'administration de fortes doses de BZD en fin de grossesse peut s'associer à des troubles de la conscience du nouveau-né, des difficultés respiratoires, une hypothermie, une hypotonie et une difficulté à la succion caractérisant le syndrome de l'enfant « mou » (floppy infant syndrome des Anglo-Saxons). Il faut souligner l’incidence possible sur la grossesse de médicaments ayant une composante anticholinergique, même si les incidents demeurent rares (distension abdominale, iléus méconial, retard à l’émission du méconium, tachycardie, troubles neurologiques) : la grossesse constitue une contre-indication relative (1er trimestre notamment) à l’usage d’antihistaminiques.L’administration d’hypnotiques, tous éliminés partiellement dans le lait, entraîne parfois une sédation du nourrisson mettant en jeu la qualité des interactions précoces avec sa mère ou induisant, au contraire une excitation paradoxale. Elle constitue un facteur de risque d’apnées du sommeil (y compris avec les antihistaminiques).
Prise en charge d’une insomnie
Publié le 01/12/2020
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Source : lequotidiendupharmacien.fr
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