Si le changement climatique et ses nombreuses conséquences sur la santé humaine sont inquiétants, les pharmaciens doivent en plus répondre à des enjeux démographiques tout aussi préoccupants. Or, en s'attaquant à ces deux sujets, la profession pourrait bien faire d'une pierre deux coups.
Une démographie en péril
Le vieillissement de la profession est toujours en progression au fil des ans. Ainsi, selon l'Ordre des pharmaciens, 12 % des titulaires étaient âgés de plus de 60 ans en 2011, contre 23 % en 2021. L'âge moyen des pharmaciens continue également d'augmenter, passant de 46,2 ans en 2010 à 46,8 ans en 2020.
Et si le nombre d'étudiants était auparavant sur une pente ascendante, cette année, 1 100 places vacantes ont été répertoriées sur les bancs des 24 facultés de pharmacie françaises. Un chiffre en hausse de 550 % par rapport à la rentrée précédente, selon l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Même si cette baisse se révèle temporaire, elle n'en est pas moins inquiétante et pénalisera des dizaines de pharmacies sur le long terme.
Attirer la nouvelle génération
Pour recruter parmi la nouvelle génération de pharmaciens, faire comprendre que le milieu est réceptif aux enjeux écologiques de demain est un argument plus puissant qu'il ne semble l'être au premier abord. Ainsi, en France, 6 étudiants sur 10 sont prêts à refuser un poste dans une entreprise qui manque d’engagement en matière de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ! 1.
« L'écoresponsabilité est un levier de mobilisation majeur, surtout auprès de la nouvelle génération. Si nous ne sommes pas écoresponsables demain, nous n'attirerons pas les jeunes ! », observe Christophe Le Gall 2, président de Le Gall Santé Services.
D'autant plus qu'au sein des officines, c'est justement cette nouvelle génération qui est force de proposition sur le sujet de l’écoresponsabilité. Ainsi, la pharmacie a tout à gagner à intensifier ses efforts dans ce domaine, puisqu'elle sera en mesure de mobiliser les jeunes pour une cause qui les touche.
Le rôle des groupements
En mettant en place des outils au service des pharmaciens pour les soutenir dans leurs démarches écoresponsables et en relayant leurs idées auprès des autres adhérents, les groupements peuvent transformer des initiatives individuelles en mouvements de masse.
« Il faut que les groupements influent sur toute cette filière !, appelle Christophe Le Gall. Mais pour y arriver, il faudra que ces derniers, ainsi que les grossistes et les laboratoires, soient tous sur la même longueur d'onde. Il n’y a pas de doute sur leur volonté, mais il est indispensable que l’on se coordonne. »
L'effort social, une écoresponsabilité humaine
Si attirer de nouveaux collaborateurs est très important, conserver ceux déjà présents est également une priorité des pharmaciens, en particulier dans le contexte actuel. À cet effet, lancer des mesures sociales, un autre aspect de la RSE, est de plus en plus fréquent.
« Beaucoup d’adhérents et d’officines s’y mettent, pour une bonne raison : nous faisons face à une pénurie de personnel dramatique. Or le personnel est le véritable trésor d’une officine, qu'il faut conserver à tout prix. Il est indispensable qu’ils soient satisfaits de travailler et qu’ils s’épanouissent au travail », affirme Laurent Filoche3, président fondateur du groupement Pharmacorp.
Les possibilités sont nombreuses. Chez Pharmacorp par exemple, les officines peuvent contribuer à financer des crèches privées pour aider les collaboratrices revenant de congé maternité à travailler plus sereinement. Le groupement a également mis en place un partenariat avec Sodexo pour permettre une avance sur les salaires, offrant plus de souplesse financière aux collaborateurs (facture, remboursement, investissement important comme une nouvelle voiture ou appartement, etc.).
Un outil de réussite économique
Un exercice qui peut toutefois rencontrer ses limites. Avec le recul du Covid, « les officines vont perdre une source de revenus conséquente, qui ne pourra être compensée que par des nouvelles missions, dont l'exécution ne sera possible que si le personnel est en nombre suffisant », rappelle Laurent Filoche. Sans compter que l'inflation et les hausses de salaires du personnel pèseront sur la capacité des officines et des groupements à mettre en place des mesures pour aider les salariés.
Il n'en reste pas moins que ces mesures devront être prises : « L’écoresponsabilité peut apporter des solutions économiques aux pharmaciens. Ces derniers sont des entrepreneurs, ils doivent comprendre qu'il ne faut pas avoir peur de l’écoresponsabilité : au contraire, c'est un outil de réussite économique ! », conclut Christophe Le Gall.
1 Étude baromètre BCG/IPSOS “talents : ce qu’ils attendent de leur emploi” auprès de 4 112 étudiants et 2 083 anciens élèves (Alumni) issus de 187 écoles.
2 Également président de l'Union nationale des pharmacies de France (UNPF).
3 Également président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO).
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