La présidente du syndicat Convergence Infirmière a mené, durant une semaine, une campagne contre la vaccination à l’officine, à coups de témoignages anonymes et d’images non sourcées. Et si l’objectif était d’empêcher le passage du protocole OSyS dans le droit commun ?
Entre le 11 et le 16 novembre, Ghislaine Sicre, présidente de Convergence Infirmière, syndicat d’infirmières et d’infirmiers libéraux, a mené une campagne quotidienne contre la vaccination en officine. Chaque jour, la responsable syndicale a publié sur le réseau social X de longs tweets agrémentés de photomontages, rassemblant ce qu’elle présente comme des témoignages d’infirmiers dénonçant les erreurs de vaccination des officinaux.
Les témoignages diffusés par Ghislaine Sicre, ni sourcés ni authentifiés, dressent un tableau dramatique de la vaccination en officine : « La pharmacienne a demandé à un patient d’apprendre à se piquer lui-même », « les pharmaciens vaccinent à tour de bras sans se demander si les patients ont déjà une IDEL », « ils ouvrent l’emballage avant de poser toute question au patient », « j’ai récupéré le bon vaccinal d’une patiente, le pharmacien l’a quand même vaccinée »… Les principaux griefs exprimés concernent la « captation des patients » dans une logique commerciale pour faire tourner « une machine à fric » ; des démarches insistantes pour « forcer la main » aux patients tel qu’un SMS « Vaccination grippe sans RDV, tous les âges, n’attendez pas », ainsi qu’un manque de compétence technique. Ghislaine Sicre publie notamment la photo d’un bras, avec une plaie infectée de 3 cm de diamètre, non authentifiée.
« Chercher à jeter le discrédit sur toute une profession à partir d’une dizaine de témoignages anonymes et de photos douteuses met à mal les relations interprofessionnelles », réagit Delphine Chadoutaud, présidente de l’URPS d’Île-de-France et présidente USPO de l’Essonne qui a été choquée par ces tweets. « Comme dans toutes les professions, il existe des moutons noirs, mais au niveau local, les relations sont apaisées. Ce que fait Convergence Infirmière est contre-productif car nous avons besoin d’être solidaires face au pouvoir public. » L’élue rappelle que tous les pharmaciens ont été formés avant de vacciner et que l’acte est rémunéré 7,50 euros. « On est loin de la machine à fric. »
De même, plusieurs pharmaciens ont réagi sur X pour condamner cet « acharnement envers les pharmaciens ». Cela ne « donne pas du tout envie de vous soutenir dans vos revendications pourtant légitimes », a commenté une pharmacienne suivie par 17 000 abonnés, sous le pseudonyme Epitomax. « On n’a jamais fait de politique de santé à partir de cas particuliers, a ajouté un autre pharmacien, sous le pseudonyme Apotêko. En diffamant, avec cette haine, elle fait plaisir à ses adhérents, mais décrédibilise toutes les infirmières auprès des autorités. »
Ce n’est pas la première fois que la présidente de Convergence Infirmière s’oppose sur son compte X à l’élargissement des missions des pharmaciens : prise en charge des plaies simples en premier recours, passage des situations cliniques prises en charge dans le cadre d’OSyS (Orientation dans le système de soins) dans le droit commun… Quelques jours avant de lancer sa campagne, Gislaine Sicre a réclamé à la ministre de la Santé Stéphanie Rist « la fin des expérimentations non validées type OSyS présentées comme des miracles alors qu‘elles échappent à tout contrôle ». De son côté, Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre-Syndicat (UFML-S) s’est scandalisé que « les syndicats de pharmaciens acceptent de voler des actes aux médecins ». Pour rappel, OSyS est strictement encadré par le protocole des expérimentations Article 51 et soumis à différentes évaluations, dont celle du Comité stratégique de l’innovation en santé.
« Les syndicats des infirmiers et infirmières sont très remontés depuis qu’on envisage de généraliser la prise en charge des plaies simples en urgence, comme c’est le cas dans OSyS, analyse Delphine Chadoutaud. Mais il ne s’agit en aucun cas d’empiéter sur la prise en charge des plaies chroniques avec une ordonnance du médecin ». Apotêko souligne, de son côté, la concordance avec les débats sur le PLFSS : « Les pharmaciens ont montré qu’ils sont capables de mobiliser leur réseau pour alerter les députés sur la défense du maillage, la présidente de Convergence Infirmière essaie de mobiliser ses propres troupes pour peser dans le débat. »
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