Après un parcours de plusieurs années dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, Gratiane s’est engagée dans la voie officinale. « Ça s’est fait progressivement, les samedis d’abord puis un poste à temps plein au bout de deux mois. » Pendant toute cette période, la jeune pharmacienne s’est souvent interrogée sur sa légitimité à revenir au comptoir : « ma plus grande crainte, c’était qu’on pense que c’était un choix par défaut, alors que c’est tout le contraire. Je voulais revenir exercer en officine pour découvrir toutes les nouvelles missions. » Ses craintes se sont rapidement dissipées grâce à l’accueil et à la bienveillance de ses nouveaux collègues : « les premières semaines ont été difficiles physiquement et parce qu’il fallait que je remette mes connaissances à niveau. Mais j’ai été bien entourée. Tous mes collègues m’ont aidé à trouver ma place à l’officine. »
Si son intégration au sein de l’équipe s’est parfaitement déroulée, un autre défi attendait Gratiane : celui d’être acceptée par les patients. « Aucun patient ne s’est plaint directement, mais j’ai parfois ressenti une certaine réticence à être servi par moi. J’étais un nouveau visage, un nouveau style, et en plus je n’allais pas aussi rapidement que mes collègues », se souvient l’adjointe. Humble et tenace, Gratiane a su s’imposer en douceur. Moins d’un an après son arrivée, elle gère aujourd’hui les locations de matériel médical. Soucieux que chaque collaborateur trouve sa place dans son officine, le titulaire lui a également demandé d’élaborer des fiches de procédure pour l’intégration des nouveaux arrivants.
Trouver l’officine à son pied
Gratiane a su trouver sa place à l’officine, et plus particulièrement dans une officine. « L’arrivée d’un nouveau membre au sein d’une équipe est une rencontre entre des personnalités. Soit ces personnes sont faites pour travailler ensemble, soit ça ne fonctionne pas », réagit Jérôme Parésys Barbier, président du conseil central de la section D (adjoints).
Pas évident de trouver l’officine qui convient à ses exigences relationnelles et à ses ambitions professionnelles. En région parisienne, Charlotte a vécu plusieurs expériences officinales avant de trouver l’établissement où elle se sent bien. « Je me souviens d’une pharmacie dans laquelle j’ai travaillé trois mois. Il n’y avait que des femmes. Une des préparatrices n’était pas sympathique du tout ; quant à la pharmacienne, elle me testait régulièrement. »
L’adjoint et les autres
Diplômé depuis 2018, Xavier a lui aussi essayé une dizaine d’officines avant d’occuper son poste actuel. Au cours de ce parcours, il a saisi la complexité des relations humaines, s’interrogeant au passage sur le rôle de l’adjoint en termes de management : « Dans une des pharmacies où j’ai travaillé, une partie des collègues faisait le minimum. J’ai voulu mobiliser l’équipe, j’en ai parlé au titulaire. Mais ce dernier a préféré fermer les yeux. » Comment endosser ce rôle quand on n’a pas le soutien du patron ? « L’adjoint est le trait d’union entre l’équipe et le titulaire. Cette place n’est pas toujours évidente à assurer », concède Jérôme Parésys-Barbier. L’objectif n’est pas de faire le « petit chef », mais bien d’accompagner le fonctionnement de l’officine et de contribuer à la rendre toujours plus performante. « Le titulaire est le chef de l’entreprise officinale et, par son statut de cadre, l’adjoint peut être considéré comme le manager intermédiaire. C’est une posture pas toujours facile à adopter si ce rôle n’est pas clairement défini », résume Marie-Hélène Gauthey, directrice d’Atoopharm.
Avec toutes les nouvelles missions confiées aux pharmaciens d’officine, il apparaît essentiel d'adapter la formation tant sur l’aspect pharmaceutique que sur le plan entrepreneurial. « Les entretiens pharmaceutiques, les bilans de prévention, ou de médication, mais aussi la gestion de l'officine et le management d'une équipe sont des compétences que nous souhaitons voir intégrer à la formation à travers la réforme du troisième cycle », confirme Blandine Gatto, vice-présidente en charge des perspectives professionnelles de l’association étudiante.
La place que le titulaire laisse à l’adjoint
Que ce soit pour l’adjoint ou pour l’entreprise, la clarification des responsabilités et des missions est indispensable. « La notion de positionnement est primordiale pour réussir l’intégration. Quelle place lui laisse-t-on et quel est son périmètre d’actions ? Un positionnement compris et accepté par l’adjoint encourage son implication et sa posture proactive dans l’entreprise », insiste Marie-Hélène Gauthey. « D’où l’importance de partir sur de bonnes bases et d’établir une fiche de poste claire dès le recrutement, quitte à la faire évoluer au fil des entretiens annuels », ajoute Jérôme Parésys-Barbier. Encore faut-il que les uns et les autres respectent leurs engagements, au risque de créer des frustrations. « Sur le plan professionnel, ma titulaire et moi avons construit une vraie coopération. Elle m’a confié la mise en place de la vaccination et des tests. Concernant le fonctionnement de l’entreprise en revanche, mes propositions ne sont pas prises en compte ou soutenues par la titulaire », regrette Charlotte.
Une place pour s’épanouir
« Reconnaître l’adjoint comme bras droit du titulaire, c’est aussi lui laisser une place physique en lui mettant à disposition un bureau par exemple, ou en affichant son nom et son diplôme à l’entrée de la pharmacie », suggère Jérôme Parésys-Barbier, très attaché à l’épanouissement professionnel des adjoints. Pour le président de la section D, toutes ces attentions pour aider l’adjoint à trouver sa place permettent de prolonger son engagement dans l’officine, « quitte à envisager son entrée au capital ».
Trouver sa place hors des murs de l’officine
En Nouvelle-Aquitaine, Valentin a non seulement trouvé sa place au sein de l’officine où il est adjoint, mais également dans la maison de santé à laquelle est rattachée la pharmacie. « Mon titulaire m’a proposé d’assister aux réunions en alternance avec lui. Ça le soulage et moi, ça me plaît d’approfondir la coopération avec les autres professionnels de santé. » Pour l'Association nationale des étudiants de France (ANEPF), la place de l'adjoint dans l'exercice interprofessionnel peut effectivement être un sujet à développer. « La notion d'interprofessionnalité prend une place importante dans nos réflexions. Nous avons lancé plusieurs initiatives en faveur d'une collaboration entre les étudiants des différentes filières de santé. Il faut que cette dynamique se prolonge lorsque les jeunes diplômés arrivent sur le marché du travail », estime Blandine Gatto, vice-présidente en charge des perspectives professionnelles.
D. P.
Des clés pour une intégration réussie
Emilie Soulez, fondatrice de l’agence « Savoir lui dire » et coach en communication

Quels conseils pouvez-vous donner à un adjoint qui intègre une nouvelle équipe ?
Emilie Soulez.- Le premier conseil, c’est d’être soi-même, d’être authentique parce que l’intégration dans une équipe, c’est d’abord une rencontre entre des personnalités et des caractères. Il faut donc être soi-même tout en donnant le meilleur de soi-même, pour montrer ce qu’on a à offrir à l’équipe et à l’entreprise. Ce qui signifie qu’on laisse autant que possible ses défauts chez soi. Pour réussir son intégration, il faut cependant savoir faire preuve de modestie. Même si on a une riche expérience de l’officine, si on a des connaissances sur les produits de santé, il faut accepter cette phase de rodage, de découverte des codes de la nouvelle équipe pour mieux y trouver sa place.
Quels sont les pièges à éviter, sur le plan professionnel ou humain ?
Quand on arrive dans une nouvelle entreprise, on peut avoir tendance à en faire trop, à vouloir séduire à tout prix en jouant à Monsieur ou Madame « je sais tout », au risque d’être considéré comme une personne arrogante ou présomptueuse. C’est un comportement dangereux et surtout inutile parce que si une personne est retenue pour un poste, c’est que le recruteur croit en ses compétences. À l’inverse, il ne faut pas se laisser porter et demeurer passif sous prétexte qu’on est en période d’essai. Le bon équilibre c’est d’adopter un comportement assertif, c’est-à-dire être capable de partager son savoir-faire, ses connaissances et ses idées tout en faisant preuve de souplesse et d’adaptation. Un autre piège à éviter est de critiquer ses anciens collègues ou au contraire, vanter ses précédentes expériences et de faire des comparaisons.
Pour qu’un nouveau collaborateur trouve sa place, il faut lui laisser de la place. Quelles sont vos préconisations ?
C’est effectivement capital d’accompagner l’intégration, ce qui implique un effort du titulaire mais également de chaque membre de l’équipe. D’un point de vue professionnel, la validation d’une fiche de poste permet de définir les missions et le périmètre d’action. Outre le fait de guider l’adjoint dans le nouveau poste, cette démarche facilite l’intégration sur le long terme. Ces fiches de poste constituent en effet un support aux entretiens annuels d’évaluation (s’ils sont mis en place). Très concrètement, un des ingrédients pour réussir la cohésion d’équipe, c’est de clarifier le rôle de chacun. Autre recommandation, il est essentiel d’annoncer l’arrivée du nouveau collaborateur, de le présenter et d’expliquer quel sera son rôle dans l’équipe, à l’occasion d’un temps convivial par exemple. C’est rassurant et cela permet de poser un cadre. Enfin, dans les premiers jours, organiser un travail en binôme avec chacun des membres de l’équipe peut faciliter l’intégration globale du nouveau collaborateur. Toutes ces démarches et ces comportements bienveillants à l’égard d’un nouveau collègue offrent une sécurité psychologique malgré l’environnement inconnu dans lequel il se retrouve. C’est essentiel pour aider un collaborateur à trouver sa place.
Propos recueillis par D. P.
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