Cas de comptoir
Le contexte :
Mme L., 92 ans, est seule chez elle depuis le décès de son mari. Elle est autonome et ne veut pas d’intervenant chez elle mais vous avoue « se mélanger un peu les crayons » parfois avec tous les médicaments de son ordonnance.
Votre réponse :
Cela vous aiderait-il que je vous imprime un plan de prise de vos médicaments à accrocher sur votre frigo ? Vous pourriez même en profiter pour préparer un pilulier chaque semaine, qu’en pensez-vous ?
Quelques définitions
- Observance : concordance entre le comportement du patient et les prescriptions médicamenteuses, hygiéniques et diététiques qui lui ont été faites.
- Compliance : disposition d’un patient à participer de manière responsable à un traitement médical.
- Adhésion thérapeutique : engagement volontaire et actif du patient dans sa prise en charge, défini à la suite d’une décision médicale partagée entre le patient et son médecin.
Comprendre les mécanismes de la non-observance
Facteurs influençant l’observance
L’observance à un traitement est influencée par de nombreux facteurs. Tout d’abord, les facteurs socio-économiques du patient entrent en jeu. Les personnes âgées et celles en situation de précarité sont ainsi davantage concernées par la non-observance.
Ensuite, les facteurs relationnels entre le patient et les acteurs du système de soins influencent le suivi du traitement.
Des facteurs propres au patient comme son niveau d’éducation, ses croyances ou son environnement doivent également être pris en compte. On s’aperçoit par exemple qu’une bonne estime de soi et un entourage compréhensif tendent à améliorer l’observance tandis que des troubles du comportement, une dépression ou des conflits familiaux ont plutôt tendance à la diminuer.
Enfin, des facteurs liés à la pathologie et aux traitements (notamment la présence d’effets indésirables, son efficacité ou le nombre de comprimés) jouent un rôle important sur le suivi du traitement.
Les mécanismes non intentionnels et intentionnels
La non-observance à un traitement peut d’abord être non intentionnelle. Il peut s’agir de simples oublis ou d’une mauvaise compréhension du traitement.
À l’inverse, la non-observance peut être intentionnelle et les raisons possibles sont multiples : crainte des effets indésirables, lassitude du patient, coût d’un ou plusieurs médicaments non pris en charge par l’assurance-maladie, traitement perçu comme non efficace…
Le patient peut alors décider de faire une pause dans son traitement, de changer la posologie de lui-même, de sauter des prises, de ne pas renouveler l’ordonnance d’un traitement chronique…
Repérer les signes de non-observance
À l’officine, il est intéressant de chercher à repérer les signes de non-observance, notamment lors de traitements chroniques. Cela peut prendre la forme de plaintes fréquentes d’effets indésirables, d’hospitalisations répétées notamment chez les personnes âgées, de mauvaise qualité de vie, de l’absence d’amélioration de l’état du patient ou d’une mauvaise perception de la pathologie.
Un exemple classique est celui du traitement hypolipémiant. En effet, un excès de cholestérol ou de triglycérides ne fait pas souffrir le patient. Ce dernier peut donc ne pas comprendre l’intérêt de bien suivre un traitement qui n’améliore pas son quotidien, voire qui peut même lui occasionner des effets indésirables…
95 %, c’est le niveau d’observance nécessaire pour qu’un traitement du VIH atteigne les objectifs thérapeutiques
Conduite à tenir
Oublier son traitement fait partie d’un suivi chronique. Il s’agit pour le pharmacien de ne pas avoir un discours culpabilisant mais plutôt de convaincre le patient de l’intérêt de suivre son traitement et de lui proposer des outils adaptés pour l’aider.
Informer son patient
Un patient ayant compris pourquoi on lui prescrivait un traitement et comment ce dernier allait l’aider sera davantage motivé à le suivre correctement. Il est donc indispensable de bien l’informer sur sa pathologie, le but du traitement prescrit, les effets indésirables potentiels, la façon de prendre ses médicaments…
Consulter le DP (Dossier Pharmaceutique)
Le patient renouvelle-t-il ses médicaments régulièrement ? S’il possède un DP, la réponse est a priori facile à trouver. Si ce n’est pas le cas, on peut en discuter avec lui.
Pour les équipes ayant le temps de mettre un suivi personnalisé en place, pourquoi ne pas proposer aux patients les plus sensibles (cela inclut par exemple les personnes âgées isolées ou les patients ayant du mal à gérer leur traitement) de leur envoyer un rappel par courriel ou SMS lorsqu’il est temps de venir renouveler leur ordonnance ou de reprendre rendez-vous chez leur médecin.
Évaluer l’observance
Le questionnaire de Girerd repose sur 6 questions fermées permettant d’évaluer l’observance d’un patient (ex : « Ce matin avez-vous oublié de prendre vos médicaments ? »). Chaque réponse positive vaut 1 point. Un score = 6 témoigne d’une bonne observance, un score = 4 ou 5 témoigne d’une faible observance et un score ≤ 3 est signe d’une non-observance.
C’est le questionnaire utilisé lors des bilans partagés de médication.
Proposer un plan de prise des médicaments
Lors de la délivrance de plusieurs principes actifs, un plan de prise des médicaments peut être proposé et imprimé pour le patient. Le fait de pouvoir avoir une vue d’ensemble du traitement simplifie la compréhension. En plus de suivre les contraintes inhérentes à chaque médicament (à jeun, pendant le repas…), le but est de s’adapter au patient et à ses habitudes de vie comme ses horaires de travail pour optimiser les chances de bonne observance.
L’entretien de suivi d’observance
Lors de la mise en place d’un bilan partagé de médication à l’officine, un entretien de suivi d’observance est prévu deux fois par an. Pour rappel, cela s’adresse aux patients polymédiqués souffrant d’une ou plusieurs pathologies chroniques, pour lesquels au moins 5 molécules ou principes actifs sont prescrits pour une durée de 6 mois au moins et ayant soit plus de 65 ans et au moins une ALD, soit plus de 75 ans.
Après les entretiens de recueil d’informations et de conseils, celui de suivi d’observance permettra d’échanger avec le patient pour voir ce qui a été amélioré et ce qui peut encore l’être.
L’observance est évaluée à l’officine dans le cadre des bilans partagés de médication
« Avez-vous besoin d’aide pour la prise de vos médicaments ? »
Avez-vous besoin d’aide ? On ne pense pas toujours à le demander mais certains patients en ont effectivement besoin, et il ne s’agit pas forcément que des personnes âgées. Proposer au patient ou à son aidant de préparer son pilulier à l’officine (quand cela est possible), ou de faire appel à une infirmière à domicile peut changer la donne en termes d’observance.
Les outils de l’observance
De la simple alarme sur le téléphone aux piluliers électroniques en passant par les applications pour smartphone, petit tour d’horizon des différentes solutions à proposer.
Les simples rappels
Programmer une alarme quotidienne (ou pourquoi pas hebdomadaire pour des médicaments tels que les biphosphonates) peut paraître anodin mais c’est en réalité une solution plutôt efficace puisque la très grande majorité des patients dispose maintenant d’un smartphone.
Les piluliers
L’achat d’un pilulier peut être conseillé chez les patients suivant un traitement chronique, notamment s’ils doivent prendre au moins 3 médicaments différents. Il peut s’agir de pilulier à la journée avec seulement 4 cases (matin, midi, soir, nuit) ou de semainiers avec 1 ou 4 cases par jour. Cela permet de préparer son traitement à l’avance, de minimiser le risque d’erreurs mais aussi d’oublis (ou à l’inverse de prendre 2 fois le même traitement si le patient ne se souvient plus l’avoir pris).
Les piluliers à la semaine sont également un outil très pratique pour les aidants, qu’il s’agisse des proches ou d’infirmiers à domicile, afin d’anticiper la préparation des traitements mais aussi le renouvellement des ordonnances. Il faut en revanche prévoir un temps suffisant pour le préparer, sans être dérangé afin de ne pas se tromper.
Enfin, les piluliers ne sont pas adaptés à toutes les formes galéniques : les médicaments liquides, injectables, en poudre etc. ne peuvent y entrer et devront être laissés de côté, avec le risque d’oubli que cela suppose.
Le modèle de pilulier doit être choisi en fonction du nombre de médicaments prescrits, du nombre de prises quotidiennes ainsi que des habitudes du patient : se déplace-t-il souvent par exemple ?
Il existe également des piluliers électroniques permettant de régler des alarmes aux heures où les médicaments doivent être pris. Un outil intéressant chez les patients présentant une perte de mémoire.
Piluliers : toujours en attente de textes officiels
Les textes encadrant les bonnes pratiques de PDA (pour préparation des doses à administrer) se font encore attendre. En l’absence de textes opposables, plusieurs instances ont développé des documents afin d’aider les pharmaciens à organiser une pratique de plus en plus répandue.
L’Agence régionale de santé (ARS) PACA a par exemple édité en 2017 un « Guide pour la préparation des doses à administrer (PDA) en Ehpad et autres établissements médico-sociaux ». Le guide est en libre accès sur le site de l’ARS.
Le site Démarche Qualité Officine propose également un référentiel qualité sur la PDA, listant les prérequis indispensables, le matériel nécessaire et l’organisation des locaux, et proposant une méthodologie.
Applications pour smartphone
À l’heure où bon nombre de patients sont connectés, pourquoi ne pas proposer une application de rappel de prise de médicaments ? De nombreuses existent mais certaines reviennent fréquemment dans les « bons avis » : citons par exemple Medisafe et MyTherapy.
Medisafe est une application gratuite disponible sur iOS et Android. Les patients peuvent ajouter un ou plusieurs médicaments, prévoir des rappels de prise et enregistrer des mesures de santé comme la glycémie pour améliorer leur suivi. Lorsqu’un rappel de prise se déclenche, le patient peut le stopper lorsqu’il a effectivement pris son traitement ou le faire se répéter. Il est également possible d’enregistrer le contact d’un proche qui recevra une alerte si le patient n’a pas validé la prise de son médicament.
MyTherapy est une application gratuite également, disponible sur iOS et Google play. Elle permet d’enregistrer des rappels quotidiens pour la prise des médicaments, des mesures telles que la glycémie, la tension artérielle et même les symptômes ressentis. De plus, il est possible de mettre en place un suivi de l’approvisionnement en médicaments pour savoir quand aller à la pharmacie pour renouveler l’ordonnance et quand prendre rendez-vous chez le médecin pour en obtenir une nouvelle.
Pour les « anti-écrans »
Des patients n’ont pas envie d’utiliser « une fois de plus » leur smartphone pour suivre leur traitement ? Un couple de personnes âgées ne sait pas « faire marcher tout cela » ?
Qu’à cela ne tienne, il y a toujours des solutions. Entre les carnets papier comme ceux des patients diabétiques ou sous AVK ou les plans de posologie à imprimer sur les différents logiciels de gestion d’officine, une parade est possible !
Bien écrire les posologies ainsi que les noms des princeps sur les génériques (au gros marqueur noir pour nos petits patients qui ne « voient plus grand-chose, vous savez »), c’est déjà un bon point pour améliorer l’observance. Et quid du patient étranger qui ne parle pas français ? Un petit dessin de soleil qui se lève ou se couche sur la boîte, et c’est gagné.
Points clés
- On estime que 50 % des patients atteints de pathologies chroniques ne prennent pas correctement leur traitement.
- L’observance à un traitement est influencée par des facteurs socio-économiques, relationnels, propres au patient et liés aux traitements.
- La non-observance aux traitements peut être intentionnelle ou non.
- À l’officine, il est important de repérer les signes de non-observance et de consulter l’historique du patient et son DP afin de voir s’il renouvelle correctement ses ordonnances.
- Au comptoir, une bonne information du patient est indispensable. Un plan de prise de ses médicaments peut également lui être proposé.
- Un bilan partagé de médication peut être proposé aux patients atteints de pathologies chroniques de plus de 65 ou 75 ans selon les cas.
- La mise en place d’alarmes, la préparation de piluliers ou l’utilisation de certaines applications pour smartphones permettent d’améliorer l’observance.
- Il est important de garder un discours ouvert, sans jugement.
Du tac au tac
- Ne me donnez pas l’antidépresseur, je vais mieux, je ne veux plus le prendre.
Votre réponse : « En avez-vous parlé avec votre médecin ? Ce traitement ne doit pas être arrêté d’un coup. Si vous allez mieux, c’est une très bonne chose et le médecin va pouvoir organiser avec vous l’arrêt progressif de ce médicament. »
- Le médecin m’a prescrit un antibiotique pour 10 jours pour une sinusite. Si je n’ai plus mal avant, puis-je l’arrêter plus tôt ?
Votre réponse : « Non, surtout pas. L’infection pourrait ne pas être traitée entièrement et vous risquez d’entraîner une sélection de bactéries résistantes. »
- Je viens renouveler mon ordonnance mais ne me redonnez pas le traitement pour le cholestérol, il m’en reste, je l’oublie souvent.
Votre réponse : « Que diriez-vous de préparer un pilulier à la semaine ? Vous n’auriez plus à vous demander si vous avez pris ou non votre médicament. »
- J’ai vu une sage-femme qui m’a prescrit une pilule pour la première fois.
Votre réponse : « Je vous conseille de programmer une alarme sur votre téléphone chaque jour à la même heure pour ne pas oublier de la prendre. »
Testez-vous
1. À combien estime-t-on la part de patients ne suivant pas correctement leur traitement chronique ?
a) 30 % ;
b) 40 % ;
c) 50 %.
2. Quels facteurs tendent à diminuer l’observance ?
a) La précarité ;
b) Un entourage compréhensif ;
c) La survenue d’effets indésirables.
3. Quels critères permettent de proposer un bilan partagé de médication ?
a) Un traitement chronique d’au moins 6 mois comprenant au moins 3 principes actifs ;
b) Un traitement chronique d’au moins 6 mois comprenant au moins 5 principes actifs ;
c) Un traitement chronique d’au moins 3 mois comprenant au moins 5 principes actifs.
4. Quels sont les avantages d’un pilulier ?
a) Ils limitent le risque d’oubli de prise des médicaments ;
b) Ils peuvent être préparés à l’avance par des aidants ;
c) Ils sont adaptés à toutes les formes galéniques.
5. Quelles mesures simples améliorent l’observance ?
a) Inscrire les posologies sur les boîtes ;
b) Proposer un plan de prise des médicaments ;
c) Proposer l’utilisation d’un pilulier.
Réponses : 1. c) ; 2. a) et c) ; 3. b) ; 4. a) et b) ; 5. a), b) et c).
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