L’assurance-maladie a présenté, le 30 avril, les chiffres de la rémunération des officines pour l’année passée, dans le cadre de l’Observatoire de suivi de l’économie. Pour l’organisme payeur, en 2024, la rémunération hors Covid-19 a augmenté de plus de 150 millions d’euros pour tout le réseau, « ce qui coïncide avec nos prévisions », explique Julien Chauvin, président de la commission Études et stratégie économiques de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). L’activité Covid-19 est en nette perte : de 183 millions d’euros en 2023, elle a rapporté 97 millions d’euros en 2024, et il faut s’attendre à une perte de 50 millions d’euros en 2025.
Plus en détail, sur l’activité liée à l’ordonnance, la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM) déclare une augmentation de 5,3 % sur la marge (de 1,556 milliard d’euros en 2023 à 1,638 milliard d’euros en 2024 sur le réseau). Combinée aux honoraires (4,2 milliards d’euros, + 1,9 % par rapport à 2023), c’est + 2,8 % d’évolution. À noter, l’augmentation des honoraires liés aux médicaments spécifiques HDE (+3,2 %, à 0,942 million d’euros) qui ont été moteurs de rémunération, comparés aux autres honoraires relativement stagnants. Il faudra aussi ajouter les différentes rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP), que l’assurance-maladie est en train de calculer, et qui seront versées dans le courant du mois.
Des chiffres que ne retrouve pas l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) : « La CNAM nous indique une rémunération totale de 5,869 milliards d’euros pour 2024 contre 5,709 milliards d’euros pour 2023. Mais nous n’avons pas les mêmes chiffres. Sur la même période, IQVIA indique une rémunération totale de 5,567 milliards d’euros pour 2024 contre 5,456 milliards d’euros pour 2023, soit une hausse de 2 %. Cela représente plus de 300 000 millions d’euros d’écart. Du coup le tendanciel signé lors de l’avenant n° 1 à la convention n’y est plus », remet en cause Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. De même, « pour IQVIA, la marge en 2023 est de 1,445 milliard d’euros et de 1,508 milliard en 2024, soit une évolution de 4,3 %. Le GERS Data me confirme une évolution de marge de 1,483 milliard d’euros en 2023 à 1,544 milliard d’euros en 2024, soit une évolution de 4,1 % », poursuit-il.
Un effet ROSP exceptionnelles
À cela s’ajoute les rémunérations sur les missions, toutes en progression, à commencer par la vaccination (24,1 millions d’euros sur les rappels vaccinaux, soit + 182 %, 48 millions d’euros pour la vaccination grippe, + 8 %) ou les TROD angine (5,3 millions d’euros, + 203 %) et cystite (2,6 millions d’euros depuis juin 2024). Le montant versé pour la remise du kit de dépistage du cancer colorectal est passé de 0,5 à 8,6 millions d’euros (avec un changement de mode de rémunération), et de 0,1 à 0,3 million d’euros pour les entretiens courts de la femme enceinte. Si les entretiens anticancéreux oraux patinent (seulement 500 000 euros versés au réseau en 2024, contre 200 000 euros en 2023), les bilans partagés de médication (2,4 millions d’euros, + 157 %) et les entretiens AOD/AVK et asthme (1,6 million d’euros, chiffre multiplié par 2 par rapport à 2023) tirent leur épingle du jeu. Selon Julien Chauvin, il y a clairement un effet ROSP exceptionnelles, mises en place fin 2024 pour inciter les pharmaciens à se lancer dans plusieurs missions : « Il y a eu 13 millions d’euros versés pour un potentiel à 20 millions d’euros si tout le monde avait rempli tous les objectifs demandés. En moyenne, c’est environ 650 euros par officine sur un maximum potentiel de 950 euros de ROSP exceptionnelles. Beaucoup d’officines ont joué le jeu. » « Il n’y a pas que l’effet ROSP. Je pense aussi que les pharmaciens se sont bien saisis de ces nouvelles missions », ajoute le président de l’USPO.
Quant aux gardes, les astreintes ont légèrement diminué (-1,7 % à 94,4 millions d’euros) mais il y a eu plus d’ordonnances (+ 5,3 % à 35,5 millions d’euros), « donc les chiffres s’équilibrent », selon Julien Chauvin. En 2024, « il y a eu moins de pharmacies de garde, à cause de la disparition des officines et des resserrements des secteurs de garde. En revanche, il y a eu plus de patients à venir en pharmacie de garde », analyse-t-il.
Globalement, « c’est une progression structurelle : malgré les aléas, comme la perte de chiffre d’affaires avec la sortie des produits de contraste, on a l’effet des nouveautés, des médicaments onéreux, du vieillissement de la population… », constate Julien Chauvin. « Pour autant, ça ne suit pas, les bilans ne sont pas bons, la rentabilité des pharmacies a diminué en 2024 parce que les dépenses sont plus fortes que les rentrées », conclut-il. Au moins sur ce point, les deux syndicats sont d’accord : « La croissance est bien là mais, même si les chiffres étaient justes, elle n’est pas suffisante pour ne serait-ce que combler l’inflation de 2024, et on n’a pas non plus rattrapé l’inflation de 2014 à 2024 », souligne Pierre-Olivier Variot. Avec les charges qui augmentent, dans tous les cas, on est loin du compte.
La croissance est bien là, mais elle n’est pas suffisante pour ne serait-ce que combler l’inflation de 2024
Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO
Pertes et malus sur le générique
Autre point de vigilance : pour la première fois, « les ressources issues des remises génériques sont en baisse malgré une augmentation du répertoire », souligne Philippe Besset, président de la FSPF. « On constate en 2024 une baisse de 3,8 % des remises liées aux génériques. Cela représente 43,5 millions d’euros, au moins. La croissance de toutes les missions est mangée par la perte de génériques », indique Julien Chauvin. « Et ça, c’est directement lié aux ruptures de stock », poursuit-il. Sur ce point aussi, les deux syndicats se rejoignent.
Pour la première fois, les ressources issues des remises génériques sont en baisse malgré une augmentation du répertoire
Philippe Besset, président de la FSPF
« Les ruptures provoquent forcément des changements en termes de fournisseurs et on n’a plus du tout les mêmes remises, qui sont extrêmement variables d’un laboratoire à un autre selon le canal d’approvisionnement utilisé et selon le partenariat avec l’officine. Les remises commerciales peuvent aller de 2,5 % à 40 %, ça fait de gros écarts », explique le représentant de la FSPF. Ainsi, dans la ROSP « Bon usage des produits de santé », la stabilité de la délivrance de génériques a été difficile à maintenir. Les pharmaciens sont parfois obligés de facturer le princeps. Conséquences directes : « Il y a des malus qui tombent, en particulier pour les motifs d’urgence (20 % sur la ROSP lorsque le taux de recours de substitution au motif d’urgence est inférieur à 2019, N.D.L.R.), rapporte Pierre-Olivier Variot. Quel code doit-on préciser quand on n’a pas le générique, car il est en rupture, et que l’on n’a que le princeps ? Le cas de la rupture, on ne l’a pas prévu ! » « C’est injuste au regard du travail fourni par les pharmaciens depuis 25 ans », ajoute Julien Chauvin.
De plus, selon le président de l’USPO, la ROSP génériques sera au plus bas cette année : « Elle sera aux alentours de 5,7 millions d’euros alors que normalement, elle devrait être à 11 millions d’euros. Et elle a terriblement chuté depuis 2015, où elle était à 143 millions d’euros », déplore Pierre-Olivier Variot.
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