Les coups de théâtre se succèdent. Dernier en date – à l’heure où nous bouclons-, le retrait in extremis par la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, le 4 décembre, de l’amendement visant à supprimer les textes protecteurs pour les pharmaciens, fixant les plafonds des remises génériques, hybrides et biosimilaires lors des débats sur le budget de la Sécurité sociale, a mis fin au bras de fer qui opposait le gouvernement aux députés. Mais pour combien de temps ?
Déterminé à garder la main sur les plafonds des remises accordés aux pharmaciens, le gouvernement avait déposé quelques jours auparavant un nouvel amendement dans le cadre du vote en deuxième lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Un texte visant à supprimer les amendements pourtant votés en première lecture par les députés puis par les sénateurs, lesquels prévoyaient justement d’inscrire dans la loi le plafond de remise à 40 % pour les médicaments génériques et de redonner le pouvoir au Parlement sur ce sujet, comme c’était le cas jusqu’en 2014. Pour se justifier, le gouvernement a dit vouloir attendre les résultats de la mission IGAS/IGF sur les flux financiers de la distribution du médicament, attendus d’ici la fin de l’année. « La fixation des plafonds relève du niveau réglementaire et cet article préempte par ailleurs les conclusions de la mission IGF-IGAS », était-il ainsi écrit dans l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental. Un texte qui faisait donc fi du vote exprimé par les parlementaires des deux chambres.
Les parlementaires ont validé le fait que les pharmacies étaient en souffrance, que nous ne devions pas les fragiliser davantage en baissant les plafonds de remise comme cela a été fait de façon insupportable et sans concertation au mois d’août
Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO
Les inquiétudes demeurent
« La mise en place des remises génériques dans la loi a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale puis par une immense majorité au Sénat », rappelle en effet Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Une mesure protectrice pour les pharmaciens car elle enlève au réglementaire (gouvernement, ministères, institutions…) le pouvoir de décider de baisser ces plafonds de manière unilatérale, comme ce fut le cas avec l’arrêté du 4 août 2025 qui a conduit les pharmaciens à faire grève pour préserver leur maillage. Cet article sur les plafonds des remises génériques était d’ailleurs l’un des rares points du PLFSS qui faisait consensus entre les deux chambres.
Le Parlement a déjà exprimé sa confiance sur la question des remises. Il n’y a qu’un seul sujet désormais : aura-t-on ou non un PLFSS ?
Philippe Besset, président de la FSPF
« La ministre a retiré son amendement et je la remercie pour cet acte politique fort, (les parlementaires) ont validé le fait que les pharmacies étaient en souffrance, que nous ne devions pas les fragiliser davantage en baissant les plafonds de remise comme cela a été fait de façon insupportable et sans concertation au mois d’août », poursuit le président de l’USPO, très satisfait de cette nouvelle « victoire » pour le réseau officinal. Néanmoins, ce revirement gouvernemental « ne change rien au dossier », estime de son côté Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Le Parlement a déjà exprimé sa confiance sur la question des remises. Il n’y a qu’un seul sujet désormais : aura-t-on ou non un PLFSS ? », insiste-t-il. Philippe Besset a écrit aux députés en fin de semaine dernière pour leur rappeler à quel point il était important d’avoir un budget pour la Sécurité sociale. « Il nous faut un vote », répète-t-il.
Si le PLFSS n’est pas voté et que le gouvernement est censuré, le plafond de remise reviendra de façon automatique à 30 % au 1er janvier
Deux scenarii
La date butoir pour l’adoption définitive du texte est fixée au vendredi 12 décembre. Sur les plafonds de remise des génériques, tous les scénarios sont encore possibles. Si le PLFSS est voté, avec les amendements protecteurs pour la profession qui l’accompagnent, alors les taux des plafonds de remise des génériques et biosimilaires seront fixés par la loi. Le pouvoir réglementaire perd alors toute possibilité de décision sur le sujet, mettant à l’abri les pharmaciens de prise de position unilatérale comme ce fut le cas avec l’arrêté du 4 août 2025 qui a mis les pharmaciens dans la rue. En revanche, si le vote du PLFSS échoue, deux possibilités vont se présenter. La première : « Le gouvernement est d’accord pour maintenir un plafond à 40 % le temps de conclure les travaux commencés par l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Cependant, cela ne signifie pas que cela sera prolongé jusqu’au 31 décembre 2026, comme la ministre s’y était engagée avant que les députés ne maintiennent leurs amendements », expose Philippe Besset.
Les pharmaciens gagneraient donc un peu de temps, quelques semaines ou mois, avant que les résultats des missions de l’IGF et de l’IGAS ne permettent de déterminer les orientations qui devront être prises. Deuxième scénario qui entraînerait le retour d’un plafond à 30 % dès le 1er janvier 2026 : si le PLFSS n’est pas voté et que le gouvernement est censuré, le plafond de remise reviendra de façon automatique à 30 % au 1er janvier. C’est en effet à cette date que l’arrêté provisoire aujourd’hui en vigueur, celui datant du 6 octobre, prendra fin.
Une chose est sûre, l’une de ces hypothèses deviendra réalité. Reste à savoir si elle sera au bénéfice de la profession.
Un gouvernement malmené à l’Assemblée
Les discussions autour de l’article réintégrant dans la loi les plafonds des remises sur les génériques étaient tendues à l’Assemblée nationale en deuxième lecture du PLFSS pour 2026, ce 4 décembre. Les députés de tous groupes politiques se sont élevés contre un gouvernement Lecornu acharné à supprimer cette mesure protectrice pour les pharmaciens. « Cet article est à mon sens l’un des plus importants du PLFSS », indique Yannick Neuder (LR), ancien ministre de la Santé qui avait, au moment de la publication de l’arrêté du 4 août, perdu l’arbitrage contre Bercy.
« Est-ce du courage ou du culot de la part du gouvernement de présenter cet amendement de suppression ? se demande Thibault Bazin (LR), rapporteur général du PLFSS. Je penche pour la seconde hypothèse. » Et de poursuivre : « Les pharmaciens ont ouvert leur comptabilité de manière parfaitement transparente pour nous montrer ce que représentaient pour eux les remises sur les médicaments, notamment celles sur les génériques : l’enjeu est existentiel ; il ne s’agit pas d’un moyen d’accroître leurs marges, mais d’une question de survie. » « Après avoir attaqué nos médecins – il n’y en a plus en milieu rural – et nos hôpitaux – il n’y en a plus non plus –, voilà que le gouvernement attaque les pharmacies, l’un des derniers lieux de soins ! » , défendra Éric Michoux (UDR). « Cet amendement du gouvernement est non seulement incompréhensible mais aussi dangereux : madame la ministre, je vous le dis avec respect, vous jouez avec le feu », indique Christophe Bentz (RN). « Il faut fixer le plafond des remises commerciales dans la loi car le gouvernement n’a pas renoncé aux mesures de juillet dernier. Mesdames les ministres, la confiance est totalement rompue ! », estime Delphine Batho (groupe Écologiste et Social). Même les alliés du bloc central y vont de leur sentence : « Entendez le vote de l’Assemblée, entendez le vote du Sénat, entendez la mobilisation des pharmaciens, entendez le cri des territoires et retirez votre amendement ! », lance Loïc Kervan (Horizons).
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin répondra sans broncher, avant de retirer l’amendement : « L’Assemblée, en première lecture, puis le Sénat ont manifesté leur souhait d’agir par la loi. Le gouvernement préférait quant à lui agir par la négociation. »
Pour sauver le maillage officinal, « Nous savons bien que la disposition prévue par l’article ne suffira pas », constate cependant Thibault Bazin. Selon Cyrille Isaac-Sibille (Les Démocrates) : « Il n’est certes pas très normal que le pharmacien gagne sa vie grâce à des remises sur les génériques, d’autant que celles-ci sont très inégales selon la taille de la pharmacie – les remises sont plus importantes pour les grosses pharmacies. Le problème de fond demeure : comment les pharmaciens doivent-ils être rémunérés ? »
Vivement les conclusions de la mission IGAS/IGF.
A.-H. Collin
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