Grosse déconvenue pour le réseau France Santé, le grand projet du Premier ministre, Sébastien Lecornu, pour améliorer l’accès aux soins et lutter contre les déserts médicaux. Les sénateurs ont voté à une très large majorité un amendement déposé par Corinne Imbert qui rejette la création de ce réseau, tant sur la forme que sur le fond.
La création du réseau France Santé ne convainc pas les sénateurs. La grande idée défendue par le Premier ministre pour « permettre à chaque Français d’accéder à une solution de santé en moins de 30 minutes et d’obtenir un rendez-vous médical sous 48 heures » a été nettement rejetée lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 au Sénat. En séance publique le 23 novembre, un amendement déposé par Corinne Imbert, par ailleurs pharmacienne de profession, a été adopté à une écrasante majorité (302 voix contre 35). Le texte déposé par la sénatrice LR de Charente-Maritime critiquait avec virulence la mise en place de ce réseau qui vise à labelliser des structures de proximité (maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé, cabinets médicaux, mais aussi pharmacies dans les territoires ruraux), si ces structures répondent à un certain nombre de critères. La question de l’amélioration de l’accès aux soins dans les territoires « ne peut se résumer à une opération d’affichage politique », écrit Corinne Imbert dans cet amendement. « La labellisation à marche forcée de l’existant n’améliorera pas l’accès aux soins pour les Français dans les déserts médicaux. Cette mesure n’augmente pas le nombre de structures de soins de premiers recours mais ouvre la voie à un label pour celles qui concluent une convention avec les agences régionales de santé et l’assurance-maladie », souligne-t-elle. Son amendement prévoit notamment d’empêcher le remplacement du terme “communautés professionnelles territoriales de santé” (CPTS) par la nouvelle appellation “communautés France Santé”.
Concurrence entre les établissements pouvant obtenir ce label, invisibilisation de certaines structures déjà existantes, absence de concertation avec les professionnels de santé… Corinne Imbert estime que cette idée coûteuse (une enveloppe de 130 millions d’euros est prévue pour mettre en place ce réseau la première année et offrir ainsi une aide forfaitaire de 50 000 euros par an et par structure labellisée) est pour l’instant trop mal ficelée pour être soutenue. Ses arguments ont convaincu la très grande majorité de ses pairs, dont certains ont eux aussi déposé des amendements allant dans le même sens. Dimanche 23 novembre, lors des débats au Sénat, plusieurs d’entre eux ont plaidé pour d’autres solutions : mieux soutenir les structures déjà existantes, faire monter en puissance le dispositif des docteurs juniors, etc. « Les professionnels de santé sont dans un état d’extrême confusion depuis cette annonce. Personne ne comprend rien », a résumé Bernard Jomier, sénateur (groupe socialiste, écologiste et républicain/SER) de Paris. Ne rien faire dans la précipitation, concerter les professionnels de santé et élaborer un projet plus solide, c’est en substance le message que les sénateurs ont voulu faire passer au gouvernement.
Un projet défendu par la ministre de la Santé
« Je comprends les critiques. C’est une mesure qui a été annoncée rapidement, je dois avouer que quand je l’ai entendue, j’ai eu un premier effet de surprise », a elle-même reconnu la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, qui n’était pas encore en fonction lorsque le Premier ministre a évoqué pour la première fois le projet France Santé lors d’un déplacement officiel le 13 septembre à Mâcon. « Ce n’est pas France Santé qui va créer des postes de médecin », a également admis la ministre, qui cherche aujourd’hui à défendre le modèle imaginé par le chef du gouvernement. « Ce n’est pas un truc en plus. Cela va donner de la visibilité aux organisations, maisons de santé, centres de santé, CPTS… qui offrent de l’accès aux soins mais dont nos concitoyens ne savent même pas qu’elles existent. (…) On va les consolider en leur apportant un financement dans ce budget 2026 », a-t-elle poursuivi, insistant enfin sur l’importance de créer une organisation dans les territoires « où il n’y a rien », pas d’accès à un médecin en moins de 48 heures, pas de CPTS, ni de maisons de santé. « Dans certains territoires, il n’existe que la pharmacie en termes d’accès à un professionnel de santé. Si une pharmacie évolue avec un infirmier qui exerce dans un village alentour, qu’on lui apporte un financement et qu’on peut lui mettre de la téléconsultation, alors il se crée un début de réponse à la demande d’accès aux soins. On créera un début de CPTS, puis des médecins viendront ensuite s’installer », imagine Stéphanie Rist. « C’est un outil qui n’oblige à rien et qui ne retire rien, je ne comprendrais pas qu’on ne le vote pas », a-t-elle conclu. Les sénateurs ne l’auront donc pas écouté. Retoqué, l’article du PLFSS introduisant la mise en place du réseau France Santé n’est pas enterré pour autant. En première lecture, l’Assemblée nationale avait en effet adopté ce dispositif, auquel le gouvernement semble particulièrement attaché.
Pour rappel, le Premier ministre a récemment indiqué que « 15 à 20 maisons France Santé (seraient) agréées d'ici à Noël par département », avant « une montée en puissance très rapide pour atteindre les 2 000 maisons en 2026 » puis 5 000 en 2027, a-t-il détaillé. Sébastien Lecornu avait aussi confirmé que des pharmacies pourraient bien être labellisées. « Parfois ce sont des pharmacies qui constitueront la maison France Santé parce que dans certains territoires ruraux, de toute façon, la seule présence que vous avez, c'est la pharmacie », avait-il déclaré fin octobre lors d’une visite dans la Manche.
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