Fin juin, Patrick Rambourg a bouclé ses dossiers importants à l’Ordre national des pharmaciens. Cette fois, il ne part pas en vacances, mais pour de bon. Président de la section H depuis six ans, et élu depuis 18 ans, il quitte ses fonctions et, en même temps, celles de chef de service au CHU de Lille. Il ne prend pas sa retraite - mot qui lui sied peu. Il entre dans une nouvelle phase de vie. Après 43 ans de pharmacie, vingt ans de syndicalisme, 25 ans d’organisation du congrès Hopipharm, le pharmacien connu pour sa volonté de faire évoluer le métier, revient sur ce qui l’a marqué. Et qui pourrait être utile à ses confrères officinaux.
S’il a choisi l’officine à la faculté de pharmacie de Reims, il a bifurqué très vite vers la recherche clinique. Face à la pénurie de poste de chercheurs, le doyen lui souffle de passer le concours des hôpitaux. « Je ne savais même pas que ça existait », se souvient-il. À son arrivée au CHU de Reims, en 1982, ils sont trois pharmaciens pour 1 800 lits. Aujourd’hui, on compte un hospitalier pour 50 lits. La profession a su s’imposer. De « cantonnée aux sous-sols et aux commandes », elle est devenue « indispensable pour faire tourner un service de CHU ».
Cette évolution s’amorce dans les années 90- 2000. À l’époque, Patrick Rambourg quitte Reims pour Montpellier pour faire davantage de pharmacie clinique à la tête d’un pôle de 200 personnes. Pharmacotechnie, chimiothérapie, radiopharmacie, thérapies innovantes, dispositifs médicaux à stériliser… À mesure que les missions s’élargissent, « les directeurs ont compris qu’ils avaient un intérêt financier à recruter des pharmaciens, d’autant qu’ils manquaient de médecins ». Et d’ajouter : « Au CHU de Montpellier, la part de cette activité représente 15 % du budget. »
Définir le pharmacien hospitalier
Les effectifs suivent : le nombre d’inscrits à la section H passe de 3 500 à 8 000 en 25 ans. En parallèle, il faut définir la profession. Il y contribue au sein du SYNPREFH dès 1986. « Je suis fier d’avoir obtenu en 1988 le statut de praticien hospitalier pour le pharmacien, au même titre que le médecin, et d’avoir pu définir en 1990 la pharmacie hospitalière dans le code de la santé publique. » Jusqu’alors, c’était une simple dérogation à l’officine. Le décret d’application arrive dix ans plus tard. « Réussir collectivement à définir une profession qui n’existait pas, c’est l’un des faits les plus marquants de mes 40 dernières années. »
Sa conviction ? « On est plus fort ensemble pour réfléchir ». Elle remonte à la rencontre à Reims avec un professeur de psycho-sociologie. « Il m’a ouvert les yeux sur les relations humaines dans le management d’équipe et de projet. Savoir partager l’envie de progresser, faire adhérer tout le monde. Cela devrait être réintégré au DES de pharmacie. Car le propre du pharmacien, que ce soit en établissement ou en officine, c’est de travailler avec une équipe. »
Le médecin pose le diagnostic, le pharmacien propose le traitement.
Patrick Rambourg
Chef de service, sapeur-pompier, syndicaliste, associatif… Il a toujours fait vivre des dynamiques collectives. « Exigeant, mais pédagogue », selon ses collègues, il a souvent un coup d’avance. En 2017, il fonde même une Fondation pour la recherche clinique, sous l’égide de la Fondation de France. Pour se consacrer à la présidence de la section H, il prend un poste de contractuel au CHU de Lille. « Ma femme, qui est aussi pharmacienne et syndicaliste, dirait que je fais un temps plein à l’Ordre », note-t-il en riant.
À la section H, « une belle équipe », il est fier d’avoir participé à la hausse du nombre d’internes, passé de 300 à 480. Reste un grand chantier : nomenclaturer les actes. « Cela permettrait aux officinaux d’être rémunérés pour leurs interventions, et aux hospitaliers de qualifier leurs activités et de les retraduire en postes. Mais les parlementaires restent à convaincre. » À ses yeux, le futur de l’officine passe par là. « Le métier de pharmacien est un métier de l’acte intellectuel, » répète-t-il.
S’il ne devait retenir qu’un accomplissement, cependant, ce serait l’adoption parlementaire du renouvellement et de l’adaptation des prescriptions par le pharmacien hospitalier. « Je ne pensais pas qu’on y arriverait », confie celui qui se dit pourtant éternel optimiste. Une petite révolution, qui incarne, selon lui, le futur de la pharmacie : « Le médecin pose le diagnostic, le pharmacien propose le traitement. La décision est collégiale. J’y crois beaucoup. » Un binôme médecin-pharmacien transposable à l’officine, selon lui, à mesure que maisons de santé et URPS se développent.
Et maintenant ? « Je vais continuer à être heureux », répond-il à tout le monde, discret sur la suite. Une chose est sûre : il continuera à s’engager pour la santé. « J’ai beaucoup de respect pour les hôpitaux et les cliniques, c’est un monde parfois décrié mais essentiel pour la santé publique. Certes la situation se dégrade, mais la qualité de la prise en charge des patients et des pathologies a progressé de manière spectaculaire depuis 1982. » Toujours regarder le verre à moitié plein.
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