Défini dans le code de la Santé publique comme un « pharmacien qui exerce son activité dans une officine avec le ou les titulaires » (cf. Encadré), l’adjoint n’a en réalité qu’une mission qui se décline en diverses attributions et interventions. « Mon métier a évolué, mais ma mission reste la même au sein de l’officine : je suis là pour seconder le pharmacien titulaire dans l’exercice pharmaceutique et optimiser la prise en charge des patients », confirme Karine Pansiot, adjointe depuis 25 ans dans la même pharmacie et élue ordinale. Elle rappelle ainsi, à qui l’aurait oublié, le sens de la fonction d’adjoint.
La mission de l’adjoint, en termes d’activité pharmaceutique pure, se fond avec celle du titulaire
Quels moyens pour assurer leur mission ?
Se pose ensuite la question des moyens mis en œuvre pour concrétiser cette mission. Très engagée dans le domaine de l’addictologie, Karine Pansiot partage avec son confrère une vision commune du rôle du pharmacien auprès de la population. « Nous avons su trouver un mode de fonctionnement pérenne, chacun avec nos compétences, nos préférences. » Le travail en équipe leur a permis de mettre en œuvre et de développer les activités d’accompagnement et de dépistage, tout en valorisant la dispensation des traitements médicamenteux. « Nous réalisons la plupart des entretiens conventionnels. À chaque fois, nous les avons travaillés ensemble en amont, le titulaire, la préparatrice et moi-même. Très concrètement, nous nous mettons autour d’une table, avec tous les documents supports disponibles, et nous adaptons chaque mission à notre façon pour nous l’approprier. » Selon cette organisation, la mission de l’adjoint, en termes d’activité pharmaceutique pure, se fond avec celle du titulaire. Les statuts de propriétaire et de salarié passent au second plan, laissant la place à une gouvernance communautaire de l’outil « pharmacie » au profit de la prise en charge des patients. « C’est ce qu’on appelle l’holacratie. On écrase au maximum le mode pyramidal afin de favoriser une prise de décision commune, ce qui se traduit aussi par un partage des responsabilités », commente Barbara Le Boënnec, pharmacienne dans le Rhône. Un modèle qu’elle tend à appliquer dans sa propre pharmacie, afin de pouvoir déléguer sans mise en danger de la mission officinale : « Notre raison d’être, c’est d’améliorer la qualité de vie de nos patients avec leur maladie. À partir du moment où nous partageons cette valeur, il s’agit juste de définir les moyens pour y arriver avec succès. Cela implique d’être à l’écoute les uns des autres, de partager nos idées, de nous faire confiance. »
Ne pas perdre de vue la mission des pharmaciens
Dans certaines pharmacies cependant, cette mission pharmaceutique est éclipsée par le versant commercial. « Le titulaire m’a demandé de m’occuper des offres promotionnelles et de vérifier les prix sur les étiquettes électroniques. Je ne vois pas en quoi mon diplôme de pharmacien est utile », confie Amir. Pour lui, perdre de vue la mission pharmaceutique de l’adjoint, c’est perdre de vue la mission du pharmacien dans le système de santé. Ces tâches, très éloignées des promesses faites lors de son entretien d’embauche, conduisent d’ailleurs le jeune homme à s’interroger sur son avenir à l’officine : « je me dis que dans d’autres secteurs, en pharmacovigilance par exemple, je pourrai réellement mettre à profit mes compétences et mes connaissances sur le médicament. » Même désillusion pour Gwendoline. Quand elle est sortie de la fac, elle imaginait qu’elle allait réaliser des accompagnements, qu’elle allait contribuer à faire de l’officine un lieu d’éducation thérapeutique : « J’ai essayé de porter des projets dans ce sens, mais ça n’a jamais abouti. Ce n’est pas toujours de la mauvaise volonté de la part du titulaire. Le temps, le manque d’effectif et l’augmentation de la charge de travail, de la charge administrative, ne jouent pas en notre faveur », reconnaît l’adjointe.
Pour de plus en plus de pharmaciens adjoints, l’objectif n’est pas de devenir titulaire mais d’être pharmacien cœur de métier, au sens du code de la Santé publique
Une mission guidée par la pharmacie clinique
La pharmacie clinique guide la pratique officinale de Bastien : « Je ne veux pas être un pousseur de boîtes. La population attend autre chose de nous ». Après plusieurs expériences, Bastien semble avoir trouvé une pharmacie où il peut assurer sa mission selon sa vision : « je partage avec le titulaire des valeurs communes pour la prise en charge des patients et l’optimisation thérapeutique. » Pour lui, l’adjoint doit être avant tout un pilier de l’expertise pharmaceutique, au service des patients et du reste de l’équipe : « par exemple, j’ai proposé de créer un fichier partagé entre tous les membres de l’équipe, listant les médicaments pouvant remplacer une spécialité indisponible. Cela impose de rechercher dans la littérature tout en tenant compte de la pratique de terrain, d’échanger avec les médecins. Mais au final, on gagne du temps. C’est cette mission d’optimisation thérapeutique que peut assurer l’adjoint. » Comme Bastien, Guillaume prend les initiatives nécessaires pour améliorer l’exercice pharmaceutique : « Notre logiciel nous alerte régulièrement sur le risque d’angioedème bradykinique associés à certains médicaments comme les IEC. J’ai proposé à ma titulaire de contacter le centre de pharmacovigilance afin de définir une conduite à tenir partagée par toute l’équipe. »
Redonner du sens à leur mission pharmaceutique
Conscients de la reconnaissance croissante des pharmaciens dans le parcours de soins, les adjoints sont de plus en plus nombreux à vouloir participer à l’évolution de la mission pharmaceutique, au même titre que les titulaires. Le CPAOF (Collège des pharmaciens adjoints d’officine de France) est un exemple de cette volonté d’expression. Plus informelle mais très active, la communauté de l’IP (intervention pharmaceutique) est un espace d’échange sur les réseaux sociaux. Elle rassemble environ 250 participants. Des pharmaciens qui veulent redonner un sens à leur mission d’adjoint au sein de l’officine, comme nous explique un des membres : « Pour de plus en plus de pharmaciens adjoints, l’objectif n’est pas de devenir titulaire. Leur objectif, c’est d’être pharmacien cœur de métier, au sens du code de la Santé publique. C’est-à-dire prendre soin, dispenser les traitements en toute sécurité et être dans une démarche de prévention. »
Quelques repères réglementaires
L’article R5125-34 du code de la Santé publique : il définit le cadre d’exercice et la mission du pharmacien adjoint dans une officine.
L’article L5125-1-1 A du CSP : il définit les compétences du pharmacien d’officine, sans préciser le statut (titulaire ou adjoint).
L’article R4235-14 du CSP : il prévoit que les attributions des pharmaciens adjoints soient définies par écrit.
L’article R 5132-36 du CSP : il précise que la tenue du registre des stupéfiants incombe uniquement au titulaire. Cependant, l’adjoint peut s’impliquer dans la gestion et la dispensation des stupéfiants et médicaments assimilés stupéfiants.
Missions de l’adjoint : des supports utiles
Le Guide de référence du pharmacien adjoint d’officine (Ordre des pharmaciens, décembre 2022)
Fiche métier – Pharmacien adjoint d’officine (Ordre des pharmaciens, septembre 2020)
Fiche métier – Pharmacien (ne) adjoint(e) d’officine (FSPF)
Vidéos « Vrai/Faux des adjoints » (Ordre des pharmaciens)
Jérôme Parésys-Barbier, président du conseil central de la section D, Ordre national des pharmaciens

L’adjoint est un pharmacien responsable de ses actes
Le Quotidien du pharmacien.- Comment la section D participe-t-elle à l’information sur les missions des pharmaciens adjoints ?
Jérôme Paresys-Barbier.- A la section D, nous recevons chaque jour 100 à 150 courriels de pharmaciens avec des questions d’ordre administratif, professionnel ou déontologique. La plupart des réponses sont détaillées dans le guide de référence du pharmacien adjoint d’officine ou la fiche métier « pharmacien adjoint » en ligne sur notre site. La série vidéo « Vrai/Faux des adjoints » est une manière innovante et plus incarnée d’informer sur des sujets qui soulèvent de nombreuses interrogations. Ce rendez-vous permet de clarifier les missions de l’adjoint et de tordre le cou à certaines idées reçues, en nous appuyant sur la réglementation en vigueur.
Quel est le niveau de responsabilité de l’adjoint dans l’exercice de sa mission ?
D’un point de vue civil, pénal et disciplinaire, l’adjoint est un pharmacien responsable de ses actes réalisés dans le cadre de ses missions pharmaceutiques, c’est-à-dire les missions qui incombent aux pharmaciens conformément au code de la Santé publique. J’aime souligner que l’adjoint pratique un exercice libéral, c’est-à-dire qu’il exerce la pharmacie en toute liberté et en assume la responsabilité. C’est une différence majeure avec les préparateurs, dont les actes sont sous la responsabilité du pharmacien. En revanche, en tant que salarié, l’adjoint doit respecter les règles de l’entreprise qui l’emploie et qui sont définies dans le contrat de travail.
Les missions du pharmacien adjoint s’étoffant au gré des évolutions législatives, de plus en plus de pharmaciens adjoints aimeraient participer à l’évolution du métier, aux côtés des titulaires. Quelle est la position de la section D ?
Avec près de 30 000 inscrits, la section D est aujourd’hui la seule organisation représentative des pharmaciens adjoints. En cette période d’élections ordinales, j’invite d’ailleurs tous les adjoints qui veulent faire bouger les lignes et bâtir l’avenir à s’engager en devenant conseiller ordinal (renouvellement pour moitié des conseillers ordinaux). En matière de santé publique par exemple, l’Ordre s’est positionné dès 2018 en faveur de l’élargissement des compétences vaccinales du pharmacien. L’action de la section D s’inscrit pleinement dans le cadre d’intervention de l’Ordre, ce qui exclut toute participation aux négociations économiques avec l’Assurance maladie. Je comprends que les adjoints souhaitent être impliqués plus largement dans l’évolution de la profession, d’autant plus qu’ils sont les premiers concernés dans les officines. Leur avis compte et au sein de l’Ordre nous nous employons à le porter.
Propos recueillis par D. P.
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