Cas de comptoir
Le contexte :
Mme G, 45 ans, fumeuse et en surpoids, vient acheter deux boîtes de paracétamol et une boîte d’ibuprofène : « J’ai l’habitude, j’ai souvent des maux de tête. »
Votre conseil :
« Je vous propose de mesurer votre pression artérielle après quelques minutes de repos… Votre tension est de 19/12, à 3 reprises. Nous allons contacter votre médecin traitant. »
Définitions
- Pression artérielle : force exercée par le sang contre les parois des artères.
- Pression systolique : pression dans les artères lorsque le cœur se contracte. Elle correspond au chiffre le plus élevé.
- Pression diastolique : pression dans les artères lorsque le cœur est au repos entre deux battements. Elle correspond au chiffre le plus bas.
- Effet blouse blanche : élévation de la pression artérielle uniquement dans un environnement médical, ressenti comme stressant.
Physiopathologie
Principe de la mesure
Il existe deux méthodes de prise de la pression artérielle : une auscultatoire réservée au corps médical et une automatique grâce à des tensiomètres électroniques.
- Méthode auscultatoire : méthode traditionnelle, elle consiste à prendre la mesure de la pression artérielle avec un tensiomètre brassard et un stéthoscope placé au niveau de l’artère brachiale.
En pratique, le brassard est gonflé jusqu’à occlusion temporaire de l’artère, aucun bruit n’est alors audible. Puis le brassard va être dégonflé progressivement et le sang commence à passer par à-coups, engendrant des bruits caractéristiques ou bruits de Korotkoff qui pourront être détectés au stéthoscope. Ils correspondent aux différentes phases de la circulation sanguine : le premier bruit perçu donnera la pression artérielle systolique et le dernier est un silence auscultatoire correspondant à la pression artérielle diastolique.
- Méthode automatique : les tensiomètres électroniques sont basés sur une méthode oscillométrique. Un capteur de pression électronique calibré permet ainsi d’analyser les oscillations de l’artère lorsque le brassard se dégonfle et convertit ces mouvements en une lecture numérique avec pressions systolique et diastolique.
Cette méthode automatique, plus facile que la traditionnelle, rend la mesure accessible aux patients eux-mêmes ou à d’autres professionnels de santé que les médecins. C’est celle qui est utilisée en officine.
Les normes
La pression artérielle est mesurée en millimètres de mercure (mmHg) et correspond à l’association de la pression artérielle systolique et de la diastolique.
Une pression artérielle optimale se situe au-dessous de 120/80 mmHg. Selon l’OMS, l’hypertension correspond à une pression trop élevée dans les vaisseaux sanguins de 140/90 mmHg ou plus, constatée à deux reprises sur des jours différents. Entre 120/80 et 140/90 mmHg, on parle de pression artérielle élevée.
120/80 mmHg : une pression artérielle optimale se situe au-dessous de ces valeurs
Les facteurs de risque de l’HTA
Différents facteurs peuvent augmenter le risque d’hypertension artérielle. Certains sont modifiables comme une alimentation déséquilibrée et riche en sel, la sédentarité, la consommation d’alcool et de tabac, le surpoids et l’obésité.
D’autres ne le sont pas : c’est le cas de l’âge, des antécédents familiaux ou de pathologies associées comme le diabète ou une maladie rénale.
Bientôt un dépistage organisé de l’HTA en pharmacie ?
L’assurance-maladie recommande un dépistage organisé de l’HTA et tient à impliquer les officinaux, a-t-elle proposé dans le volet prévention de son rapport « Charges et produits 2026 ». Elle veut lancer une grande campagne de communication à destination du grand public au printemps 2026, à l’image de la campagne « know your numbers » organisée au Royaume-Uni dans laquelle les assurés sont invités à « connaître leurs chiffres » (pression artérielle, glycémie, cholestérolémie, poids) et à consulter un professionnel de santé si besoin.
Le sujet doit être abordé lors du prochain débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Pour l’assurance-maladie, les facteurs de risque cardiovasculaires dont l’HTA représentent un enjeu majeur de santé publique car ils sont souvent à l’origine de maladies « fréquentes, coûteuses et invalidantes ».
Conduite à tenir
« Surveillez votre pression artérielle »
L’HTA est une pathologie fréquente et représente un facteur de risque majeur dans le développement d’autres affections, notamment cardiovasculaires. Un dépistage systématique est donc de rigueur, tous les ans chez l’adulte sain à partir de 40 ans et tous les 3 ans avant cet âge. Concernant les patients à risques (antécédents personnels de maladie cardiovasculaire, diabète, dyslipidémie, maladie rénale chronique, tabagisme, alimentation, consommation d'alcool, activité physique, aspects psychosociaux, antécédents de dépression…), la surveillance doit être plus fréquente.
Au-delà du dépistage, la mesure de la pression artérielle est également importante dans le suivi du patient hypertendu afin de vérifier l’efficacité de la prise en charge et dans l’évaluation du risque cardiovasculaire.
« Seriez-vous d’accord pour que je prenne votre pression artérielle ? »
Lieu de santé de proximité, contact régulier avec la patientèle, connaissance des antécédents de chacun, service rapide, fiabilité… Nombreux sont les arguments qui font de l’officine un lieu privilégié et rassurant pour effectuer une prise de pression artérielle. De plus, contrairement à une prise de mesure seul à domicile, le patient est ici accompagné du pharmacien qui saura interpréter les résultats et lui donner les conseils adaptés.
Précautions avant la mesure
La prise de caféine, d’alcool ou de tabac est à proscrire dans les 30 minutes qui précèdent la mesure, tout comme une activité physique intense dans l’heure qui précède.
Il convient cependant d’éviter la mesure sur un bras présentant une fistule artérioveineuse, une lymphangite ou après une chirurgie récente. Chez les femmes ayant souffert d’un cancer du sein, il est préférable de prendre la mesure sur le bras controlatéral afin d’éviter les complications lymphatiques.
Enfin, un temps de repos de 5 à 10 minutes doit être respecté avant la mesure.
Un peu d’organisation
Le local de confidentialité est un lieu privilégié pour la prise de la pression artérielle afin de préserver l’intimité du patient et de l’installer confortablement assis sur une chaise, les pieds bien à plat, le bras (gauche de préférence) sur une table, le milieu du bras au niveau du cœur.
Mieux vaut utiliser un tensiomètre avec brassard. Ce dernier devra être adapté à la corpulence du patient (il existe des brassards larges, par exemple), sous peine d’influencer le résultat. Le brassard est positionné directement sur la peau en étant bien ajusté, c’est-à-dire ni trop lâche ni trop serré. On doit pouvoir passer un doigt au-dessous sans difficulté. Le bord inférieur du brassard doit se trouver à environ 2 cm du pli du coude.
Le patient doit également être prévenu qu’il ne doit pas bouger ni parler pendant la mesure, jusqu’à ce que le brassard soit complètement dégonflé et le résultat affiché sur le tensiomètre.
Enfin, le résultat doit être noté dans le dossier du patient, et une fiche de suivi peut lui être remise en précisant la date, l’heure et les circonstances de la mesure afin qu’il puisse également en parler avec son médecin lors de sa prochaine consultation.
La règle des « 3 »
Un relevé de mesure tensionnelle suit la règle des « 3 » : 3 mesures le matin à 1 minute d’intervalle avant le petit-déjeuner et toute prise de médicament, 3 mesures le soir entre le dîner et le coucher à 1 minute d’intervalle, pendant 3 jours consécutifs.
Du tac au tac
- « Puis-je arrêter mon traitement si mes mesures sont bonnes ? »
Absolument pas. L’arrêt d’un traitement antihypertenseur ne s’envisage qu’avec votre médecin, un arrêt brutal pouvant être au contraire dangereux !
- « J’ai pris ma tension pour la première fois à la maison, elle était à 14 octobre. Je vais avoir un traitement ? Cela me fait peur. »
Une mesure isolée ne constitue en rien un diagnostic. Je vous propose que nous la reprenions ensemble. Si le résultat reste élevé, vous prendrez un rendez-vous avec votre médecin pour avoir son avis.
- « Pourquoi le médecin veut-il que je prenne plusieurs mesures de ma tension ? »
La pression artérielle varie sous l’effet du stress, de l’activité physique, du rythme circadien, etc., c’est tout à fait normal. Une seule mesure ne reflète donc pas votre état de santé. Il en faudra plusieurs pour établir un diagnostic.
Quand diriger vers les urgences ?
Une tension supérieure à 180/110 mmHg avec des symptômes tels que des maux de tête persistants, une altération de la vision, des nausées, un engourdissement des bras, des jambes ou du visage, un essoufflement… peuvent correspondre à une urgence hypertensive et justifient une consultation immédiate.
Projet d’expérimentation Pharm’HTA en URPS PACA
Un projet d’expérimentation appelé Pharm’HTA a été lancé par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens PACA en 2024. Le but ? Dépister au comptoir des problèmes liés à la thérapeutique chez le patient atteint d’hypertension artérielle et entamer des coopérations avec le médecin, en étant rémunéré pour ces actions.
Pour cela, le pharmacien va s’appuyer sur le rôle de pharmacien correspondant qui existe depuis la loi HPST de 2009 et qui lui permet depuis un décret paru en 2021 de renouveler des traitements prescrits par le médecin, et avec son accord, dans une limite de 12 mois. En pratique, les pharmaciens engagés dans ce projet ont suivi une formation en e-learning grâce à l’URPS et la faculté de pharmacie de Marseille. Ils peuvent alors mettre en place un dépistage de suivi thérapeutique chez les patients hypertendus recevant au moins une bithérapie et présentant au moins deux autres facteurs de risque cardiovasculaires. En d’autres termes, le pharmacien va évaluer l’observance au traitement, l’adhésion thérapeutique, la tolérance, la capacité à prendre sa pression artérielle… Des actions qui sont pour la plupart déjà mises en place dans les officines, tout comme le fait de prendre la pression artérielle gracieusement, mais qui seront cette fois valorisées.
Si le patient n’a pas besoin de suivi particulier, il pourra s’il veut déclarer son pharmacien comme pharmacien correspondant. Dans le cas contraire, le pharmacien pourra l’orienter vers son médecin ou lui proposer des actions éducatives ciblées, rémunérées elles aussi. Tout cela est bien entendu tracé et enregistré dans le DMP.
Les produits conseils
À la pharmacie, seuls des tensiomètres automatiques sont utilisés. Deux possibilités sont proposées : les modèles avec brassard et ceux à positionner au poignet. Ils doivent dans tous les cas être conformes aux normes européennes (marquage CE). Enfin, étant considérés comme des dispositifs médicaux, ils doivent répondre aux exigences de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Les tensiomètres automatiques avec brassard
Reconnus comme plus précis, les tensiomètres à brassard sont recommandés par les professionnels de santé pour un suivi fiable et régulier, en cas d’HTA par exemple.
Ils sont en revanche plus onéreux que les modèles au poignet et également plus encombrants. De plus, le brassard peut être difficile à placer seul, notamment chez les personnes âgées.
Les tensiomètres automatiques au poignet
Les tensiomètres automatiques au poignet sont plus faciles d’utilisation et plus rapides à installer, même seul. Ils sont également plus compacts et donc plus aisément transportables. Certains patients les trouvent même plus confortables que les brassards dont le gonflement au niveau du bras peut paraître désagréable.
Mais ils ont un inconvénient majeur : leur précision est liée au fait que le poignet soit bien positionné à hauteur du cœur. Cela n’est pas toujours respecté par les patients à domicile, ce qui rend le suivi moins fiable.
Les tensiomètres automatiques avec brassard, plus précis, sont recommandés par les professionnels de santé
Les points clés
- La pression artérielle comporte deux valeurs : la pression systolique et la pression diastolique, exprimée en mmHg.
- La mesure des tensiomètres automatiques utilisés en officine est basée sur une méthode oscillométrique.
- Une pression artérielle optimale se situe au-dessous de 120/80 mmHg. On parle d’hypertension à partir de 140/90 mmHg.
- La prise de la pression artérielle fait pleinement partie de la prise en charge de l’hypertension artérielle mais est également intéressante dans le cadre d’un dépistage systématique.
- La mesure de la pression artérielle peut se faire à l’officine dans l’espace de confidentialité après une période de repos de 5 à 10 minutes.
- La taille du brassard du tensiomètre doit être adaptée à la circonférence du bras du patient.
- Le tensiomètre à poignet doit être positionné à hauteur du cœur.
- Une tension supérieure à 180/100 mmHg avec des symptômes nécessite une consultation en urgence.
Testez-vous
1. Quels facteurs augmentent le risque de survenue d’hypertension artérielle ?
a) Le surpoids ;
b) Les antécédents familiaux ;
c) Une activité physique régulière.
2. Pour quelles valeurs de pression artérielle parle-t-on d’hypertension ?
a) Au-dessus de 120/80 mmHg ;
b) Entre 120/80 et 140/90 mmHg ;
c) À partir de 140/90 mmHg.
3. À propos de la prise de mesure de la pression artérielle, quelles affirmations sont vraies ?
a) Il faut toujours la prendre au niveau du bras gauche ;
b) Il faut éviter la caféine et le tabac dans les 30 minutes qui précèdent la mesure ;
c) Une période de 20 minutes de repos est nécessaire avant la mesure.
4. Quel(s) est/sont le(s) avantage(s) du tensiomètre à brassard ?
a) Il est souvent plus précis ;
b) Il est plus facilement transportable ;
c) Il est plus facile d’utilisation pour les patients.
5. Quels critères doivent être respectés pour prendre la tension correctement ?
a) Le brassard doit être adapté à la corpulence du patient ;
b) Le brassard doit être positionné sur un vêtement ;
c) Le bord inférieur du brassard doit se trouver au niveau du pli du coude.
Réponses : 1. a) et b) ; 2. c) ; 3. b) – 4. a) – 5. a).
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