L’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) s’intéresse à l’utilisation des benzodiazépines et a sorti plusieurs études, en mai et août derniers dans ses éditions « Questions d’économie de la santé », sur les prescriptions potentiellement inappropriées (PPI) de ces molécules chez le patient âgé. Or, dans les recommandations, lorsqu'un traitement par benzodiazépine est réellement justifié chez les personnes de plus de 65 ans et polypathologiques, ou de plus de 75 ans, le choix se porte sur des benzodiazépines à demi-vie courte, pendant une période limitée à 12 semaines au plus.
En EHPAD, 48 % des résidents sont concernés par une prescription potentiellement inappropriée de benzodiazépines, contre 21,5 % des personnes âgées vivant à domicile
Dans les EHPAD, 48 % des résidents sont concernés par une prescription potentiellement inappropriée de benzodiazépines, contre 21,5 % des personnes âgées vivant à domicile. L’IRDES a comparé l’utilisation des benzodiazépines avant et après l’entrée en EHPAD. Résultat : 40 % des résidents reçoivent une PPI de benzodiazépines dans les deux trimestres qui suivent leur entrée quand, en moyenne, 29 % des personnes âgées y sont exposées sur les trimestres précédant leur entrée. La hausse est portée par les prescriptions chroniques de benzodiazépines. Les auteurs notent cependant une légère baisse (-0,2 %) des prescriptions de benzodiazépines à longue durée d'action (demi-vie de plus de 24 heures). « L'admission en EHPAD est en effet une période perturbante pour les personnes âgées souvent atteintes de troubles neurodégénératifs », constatent les auteurs. Cependant, une fois initiées, les prescriptions de benzodiazépines perdurent. Les déprescriptions sont peu nombreuses.
Repérage lors des bilans partagés de médication
L’étude relève par ailleurs trois facteurs influençant l’exposition aux PPI de benzodiazépines : le type d'établissements (les hausses sont moins marquées dans les établissements publics hospitaliers), la proportion d'infirmières au sein du personnel soignant (la probabilité de PPI est réduite d'un point lorsque la proportion d'infirmières parmi le personnel soignant est plus élevée de 10 %), et la proportion de résidents atteints de maladies neurodégénératives (cette probabilité est plus élevée de 1,5 point lorsque la proportion de résidents atteints de maladies neurodégénératives est plus élevée de 10 %).
Les auteurs proposent plusieurs solutions pour réduire le risque de PPI : mettre en place une évaluation systématique des traitements médicamenteux par une équipe pluridisciplinaire, idéalement pendant les deux premiers trimestres après l’entrée en EHPAD ; s’appuyer davantage sur les pharmaciens d’officine (les EHPAD n’ayant pas toujours de pharmacie à usage intérieur), notamment par le développement des bilans partagés de médication dont les séniors sont la cible ; développer la collaboration avec les médecins et les infirmiers ; renforcer les équipes soignantes ; développer les alternatives non médicamenteuses.
L’impact des aidants
Et si la présence d’aidants familiaux (conjoints, enfants) auprès des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer et de syndromes apparentés et vivant à domicile avait une influence sur les prescriptions de benzodiazépines ? L’IRDES aussi étudié la question.
42 %
des personnes sans aide familiale ont reçu au moins une prescription inappropriée de benzodiazépines en douze mois
Selon son étude, parmi les seniors qui bénéficient d'une aide familiale, 37 % ont reçu au moins une prescription inappropriée de benzodiazépines en douze mois, contre 42 % pour les personnes sans aide familiale. Mais dans le détail, l’aide familiale est associée à une probabilité plus élevée (+ 21,7 %) d'obtenir des prescriptions de benzodiazépines à longue durée d'action, mais n’a pas d'effet significatif sur la prescription de benzodiazépines pour une durée de plus de trois mois. Or, selon la Haute Autorité de santé (HAS), les benzodiazépines à demi-vie longue sont considérées comme inappropriées chez les sujets âgés, du fait d’un surrisque iatrogénique. L’étude montre aussi que le risque de PPI de benzodiazépines est moindre quand la personne âgée a un conjoint ou au moins un cohabitant, mais augmente lorsque le sénior est une femme.
Renforcer l'information sur les risques liés aux benzodiazépines
« Les prescriptions plus élevées de benzodiazépines à longue durée d'action pourraient s'expliquer par l'information transmise par les aidants lors de la consultation, concernant notamment les troubles anxieux ou l'insomnie, et par leur volonté de mettre en place une solution pour y remédier », interprètent les auteurs. Quant au prescripteur, « le médecin généraliste assume l'entière responsabilité de la prescription mais ses choix sont influencés par les informations transmises par les aidants familiaux. Certaines études soulignent que ces derniers ont une représentation positive des médicaments prescrits, de telle sorte que les traitements donnés par les médecins ne sont pas questionnés. Les aidants n'ont la plupart du temps pas connaissance du concept de prescriptions potentiellement inappropriées et sont satisfaits des médicaments prescrits. »
Pour les auteurs, il est donc nécessaire de renforcer l'information sur les risques liés aux benzodiazépines auprès de l'ensemble de la population française. Les traitements non médicamenteux pour traiter les troubles anxieux et du sommeil devraient aussi être développés. Elles sont cependant plus coûteuses et difficiles à mettre en œuvre à court terme que la prescription de benzodiazépines, car elles impliquent de mobiliser un temps conséquent des professionnels de santé, indique l’IRDES. La prescription de benzodiazépines est plus simple et moins coûteuse…
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