« Le nerf de la guerre, c’est le LGO (Logiciel de gestion d’officine), qui aide à connaître les médicaments et produits disponibles », rappelle David Derisbourg, responsable marketing du LGO LEO d’Astera, propriété du grossiste répartiteur CERP Rouen. Le logiciel métier a ainsi permis d’avoir une connaissance globale et en temps réel du médicament en structurant une base de données complète, pour que le pharmacien puisse retrouver l'ensemble des références. Dans ce cas précis, le LGO communique certes avec les grossistes répartiteurs (et de manière plus hétérogène avec les laboratoires), mais pas seulement. Pour permettre au pharmacien de disposer de cette vue complète et de fluidifier les commandes par la suite, le LGO doit être connecté à une base de données médicaments. LEO s’appuie par exemple sur Vidal.
Grâce aux grossistes et aux laboratoires qui transmettent régulièrement ces données, le pharmacien peut anticiper les tensions et adapter son schéma de commande
Une fois cette base documentaire bien alimentée, il s’agit de connaître l’ensemble des produits disponibles en direct auprès des laboratoires et chez les grossistes répartiteurs pour effectuer ses commandes. « Dans ce cas, nous allons directement contacter les laboratoires pour avoir des catalogues à jour, afin que le pharmacien retrouve l’entièreté des produits disponibles et les nouveautés lorsqu’il doit passer commande », indique David Derisbourg. Cette étape de consolidation des données joue également un rôle dans la gestion des ruptures, sujet ô combien essentiel dans la relation entre officines et fournisseurs. En intégrant des informations telles que les limites d’approvisionnement, les délais de réassort, les logiciels peuvent éviter des commandes impossibles à honorer. Les grossistes comme les laboratoires transmettent désormais plus régulièrement ces données. Le pharmacien peut ainsi anticiper les tensions et adapter son schéma de commande, évitant ainsi une fâcheuse indisponibilité au moment du passage de l’ordre.
Grossiste répartiteur : une automatisation presque complète
Domitille de Bretagne est présidente de Giropharm et titulaire de la pharmacie de la Creule, dans le Nord. Elle travaille avec son mari Wulfran de Bretagne, en charge de la logistique et du back-office. « Aujourd’hui, ce qui facilite le mieux les échanges, c’est notre logiciel métier et le nerf de la guerre, c’est le flux Pharma ML [ la norme universelle et interprofessionnelle des acteurs de la chaîne de distribution des produits de santé, N.D.L.R.]. Il constitue le principal lien avec notre grossiste », explique-t-elle. Ce flux interroge le stock du LGO et celui du grossiste pour déterminer la disponibilité et effectuer une commande au regard des informations disponibles – et ce, en temps réel. Ce flux est d’autant plus indispensable pour une commande au comptoir lorsqu’un produit sur ordonnance n’est pas disponible dans l’immédiat.
La communication directe avec le grossiste est relativement limitée : c’est son système qui est interrogé. L’échange se fait entre les bases de données médicaments, le LGO, les stocks du pharmacien, les grossistes et les laboratoires. Les commandes peuvent être automatisables à 100 % si les paramétrages réalisés en amont l’autorisent – « et on tend vers ce 100 % sur le catalogue des grossistes », ajoute Wulfran de Bretagne. Toutefois, au-delà d’éventuelles limites techniques côté grossistes, beaucoup d’officines restent prudentes sur les commandes automatiques. « Nous n’y sommes pas encore réellement, car il y a toujours des produits spécifiques qui requièrent une extrême attention, en particulier les produits chers, ceux-ci devant respecter la chaîne du froid ou encore les médicaments psychotropes. » Des cas de figure où le pharmacien garde la main pour commander au plus près de ses besoins et de ceux du patient en fonction de son profil.
Laboratoire : des échanges plus proches pour des besoins plus spécifiques
Et du côté des laboratoires ? Les rapports sont un peu différents. Il existe une forme d’automatisation, par exemple pour les commandes aux laboratoires qui produisent des médicaments comme le Doliprane, le Dafalgan ou d’autres produits similaires. Il s’agit de références de fonds de roulement, avec peu de variations, pas de saisonnalité marquée ni d’offres particulières. La demande est stable et constante, et le besoin concerne essentiellement du réassort. L’automatisation est ici envisageable, à condition toutefois que les labos fournissent des flux automatisés.
Il faut bien distinguer l’automatisation de l’intelligence artificielle : dans notre cas, nous préférons parler d’algorithmes d’analyse, basés sur l’historique des ventes et les niveaux de stock
David Derisbourg, responsable marketing du LGO LEO (Astera)
D’autant que certaines commandes nécessitent un suivi personnalisé. C’est particulièrement vrai sur l’offre de parapharmacie, car ces rayons demandent d’être animés par des offres particulières. Cela comprend les mises en avant, les promotions, les marchés saisonniers et donc plus ponctuels. Dans ces contextes : « L’interaction avec le commercial est importante de manière à définir un plan de cadencement d’envois de commandes sur toute l’année », décrit Wulfran de Bretagne. Bien que là encore, des briques d’automatisation soient tout à fait envisageables.
David Derisbourg nuance toutefois : « Il faut bien distinguer l’automatisation de l’intelligence artificielle : dans notre cas, nous préférons parler d’algorithmes d’analyse, basés sur l’historique des ventes et les niveaux de stock. Chez nous, le module dédié s’appelle "Optimisation”, un nom qui reflète bien sa fonction. Concrètement, il analyse les données de vente sur plusieurs années pour étudier les volumes écoulés, les élasticités et les comportements de consommation. » L’outil fournit à l’officinal un transfert clair des quantités et des ventes constatées, pour lui indiquer à quoi devrait idéalement ressembler la commande. En découlent un gain de temps et des décisions sécurisées.
Le module examine également les gammes et références similaires, pour une vision plus complète. À partir de cette analyse, il génère une proposition automatique de commande destinée au laboratoire. « Techniquement, le module pourrait même aller jusqu’à passer la commande lui-même, mais dans les faits, très peu de pharmaciens utilisent un mode totalement automatique, notamment parce que les montants engagés sont souvent importants », souligne David Derisbourg.
Vers la plateformisation
En réalité, beaucoup de commandes laboratoire se font encore souvent via portails, commerciaux ou e-mails. « C’est un peu plus intuitif : vous avez la photo du produit, vous pouvez les comparer dans le cadre d’une recherche spécifique, telle qu’une offre prix », poursuit Wulfran de Bretagne. En effet, « nombre de laboratoires et de grossistes répartiteurs mettent à disposition un espace professionnel. Mais bientôt, il y aura autant d’espaces professionnels que de laboratoires. C’est un peu notre difficulté quelque part [cela oblige à gérer différents espaces professionnels et peut nuire à la rapidité du pharmacien, N.D.L.R.], mais cela peut aussi parfois nous faciliter la vie », relève Wulfran de Bretagne. Ces espaces fluidifient les échanges et commandes, permettent de conserver une traçabilité, en plus de fournir une autre ligne directe entre l’officine et le laboratoire.
La version améliorée de ces espaces professionnels, ce sont des plateformes digitalisées comme Faks, Opeaz ou encore Apotik. Elles réunissent plusieurs laboratoires sur une seule et même interface, afin de centraliser les commandes et mutualiser les échanges commerciaux. « Ces plateformes permettent de communiquer avec les laboratoires sur des animations commerciales, des suivis de litiges, etc. », détaille Wulfran de Bretagne. Parmi elles, Faks revendique ainsi 16 000 officines partenaires et travaille avec une quinzaine de laboratoires. Opeaz compte, de son côté, 13 000 officines utilisatrices.
Néanmoins, « certains laboratoires refusent d’être présents sur ces plateformes de digitalisation. Ils veulent garder leurs propres outils, rester indépendants et qu'il n'y ait pas d’intermédiaire entre eux et les pharmaciens. Mais ils sont de moins en moins nombreux, car ces plateformes répondent à un besoin de simplification pour l’officine », indique Domitille de Bretagne. De l’avis de la titulaire, les plateformes représentent aussi un avantage pour les laboratoires, car elles leur permettent de mieux échanger avec leurs clients. « Ils peuvent mettre en avant leurs nouveautés, leurs promotions ou encore les actualités de leurs laboratoires », le tout sans avoir à ajouter un énième canal « pour eux et pour nous ». Une approche gagnant-gagnant.
Plateformes d’achats en direct et déstockage
Autre domaine d’innovation qui séduit une part, certes moins importante mais non négligeable, du réseau officinal : les plateformes d’achats en direct et/ou de déstockage des invendus, telles que IDC Pharma, Pharmazon ou encore Pharmedistore. Cette dernière assure sur son site internet qu’une officine sur deux a déjà commandé sur sa plateforme et compte 750 laboratoires partenaires.
Ce sont aussi les groupements qui tendent vers cette plateformisation. Giropharm met à disposition de ses adhérents un accès afin d’avoir une vue sur son programme trade marketing (échange marketing entre distributeurs et pharmaciens), de faire des remontées d’informations pour les laboratoires, etc.
L. B.
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