Le chemin était interminable. Porteur de mesures importantes pour la profession, notamment pour lancer la substitution biosimilaire en officine, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 a enfin été adopté le 17 février, après un parcours législatif inédit et semé d’embûches (interrompu par la chute du gouvernement Barnier en décembre 2024 puis menacé par trois motions de censure sur le gouvernement Bayrou).
Biosimilaires : un grand pas pour la substitution
Ce PLFSS facilite la substitution des biosimilaires par le pharmacien, sources de revenus pour le réseau et d’économies pour l’assurance-maladie. En premier lieu, le texte étend le principe des remises commerciales sur l’achat des médicaments biosimilaires et hybrides, à l’instar des remises génériques. Une mesure plus qu’attendue par les syndicats de la profession qui ont fait un travail de lobbying pour amender le texte initial. Il faut rappeler que c’est sur la promesse de Frédéric Valletoux, alors ministre de la Santé, d’inscrire les remises biosimilaires dans le prochain budget de la sécurité sociale qu’était conditionnée la signature de l’avenant n° 1 à la convention pharmaceutique par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), en juin dernier. Le taux renforcé de remises commerciales devrait aussi s’appliquer sur les médicaments de référence dont le prix de vente est identique à celui des spécialités hybrides ou biosimilaires.
Pour favoriser la substitution des biosimilaires, le PLFSS raccourcit aussi le délai d'inscription automatique des groupes biologiques similaires sur la liste des groupes substituables à un an, au lieu de deux comme prévu dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024.
Ruptures de stock : anticipation et meilleure gestion
En 2023, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a déclaré 1 555 ruptures de stock de médicaments et 3 370 risques de ruptures. Records battus. Ce PLFSS a donc pour ambition de « sécuriser l'approvisionnement des médicaments et d’améliorer l'anticipation et la gestion des ruptures ».
Ainsi, il fait du système d’information DP-Ruptures de l’Ordre des pharmaciens un outil de communication central. « La plateforme apparaît particulièrement efficace dans le réseau officinal, constataient les sénateurs pendant les débats. Si une rupture d'approvisionnement, définie par la loi comme l'incapacité pour une pharmacie d'officine de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures, concerne au moins 5 % des officines équipées, un signal est automatiquement transmis au laboratoire pharmaceutique exploitant la spécialité et aux autorités sanitaires. »
Si la ville subit déjà l’accompagnement des prescriptions avec le formulaire pour les analogues GLP-1, d’autres molécules pourraient être concernées, notamment les benzodiazépines, quand le dispositif sera bien en place
Le DP-Ruptures, qui restera à la main de l’Ordre, sera partagé avec tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, des officines aux laboratoires et exploitants, pour qu’ils y renseignent la disponibilité (ou l’indisponibilité) des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). L’alimentation de DP-Ruptures sera obligatoire sous peine de sanctions financières, pour les industriels comme pour les pharmaciens. Il faudra cependant assurer « à brève échéance » l’interopérabilité de DP-Ruptures avec les autres systèmes d'information existants.
Par ailleurs, avec ce PLFSS, le pharmacien pourra procéder à la substitution d’un MITM conformément à une recommandation établie par l'ANSM, même en cas de risque de rupture, et non plus seulement en cas de rupture, intervenant ainsi bien en amont.
Dans les « dispositifs d’épargne » de médicaments sous tension, la dispensation conditionnelle peut devenir obligatoire en cas de rupture ou de risque de rupture d’approvisionnement ou afin de préserver la disponibilité des médicaments dont la demande fait l’objet de variations saisonnières. La dispensation à l’unité est cantonnée au cas de ruptures de médicaments.
Les dispositifs médicaux (DM) utilisés comme alternative aux DM manquants seront mieux pris en charge.
Les sanctions contre les exploitants qui ne respectent pas leurs obligations de sécurisation des approvisionnements seront renforcées.
Les stocks de sécurité de MITM, aujourd’hui fixés de 2 à 4 mois, pourront temporairement être ajustés à un niveau inférieur « afin de favoriser un approvisionnement approprié et continu du marché national. »
Pertinence des prescriptions : encore des formulaires
Dans le volet de l’amélioration de la pertinence des prescriptions, le texte persiste sur l’obligation de fournir un formulaire accompagnant la prescription des médicaments particulièrement coûteux pour qu’ils puissent être remboursés, comme pour les analogues du GLP-1 aujourd’hui, et l’étend à certains actes et autres produits de santé ou bons de transport. Mais pas avant un an. La liste des produits de santé concernés est encore à définir. Il faudra « être particulièrement attentif à la simplicité de la procédure qui sera mise en place afin que celle-ci ne réduise pas inutilement le temps médical disponible, dont l'insuffisance est désormais bien documentée », notent les sénateurs en dernière lecture.
Si la ville subit déjà l’accompagnement des prescriptions avec le formulaire pour les analogues GLP-1, d’autres molécules pourraient être concernées, notamment les benzodiazépines, quand le dispositif sera bien en place. Mais les prochaines priorités du gouvernement seraient portées ailleurs que sur le médicament, principalement sur les prescriptions de transport et d'examens de biologie puis dans un second temps sur les examens d'imagerie médicale.
Fraudes : les espoirs de la carte Vitale dématérialisée
Pour lutter contre la fraude aux prestations sociales, le texte veut sécuriser davantage la carte Vitale. Les sénateurs, à l’origine de cette mesure, jugent en effet que « les stratagèmes de fraude découlant de l'insuffisante sécurisation de la carte Vitale sont nombreux et divers » et estiment le préjudice entre 4,1 et 4,8 milliards d’euros. Le PLFSS valide ainsi le déploiement de l’application carte Vitale, mais pour une généralisation au 1er octobre 2025 plutôt qu’au 1er juillet comme prévu (l’assurance-maladie n’étant pas « en mesure de tenir le calendrier »). Cette carte Vitale dématérialisée contient, « comme l'application France Identité », des éléments biométriques et repose sur un mécanisme d'authentification à deux facteurs. De plus, elle « procède à une synchronisation en temps réel de la situation d'ouverture des droits. » La carte Vitale dématérialisée vient en complément de la carte Vitale matérielle, et non en remplacement.
Le PLFSS permet également de renforcer les synergies entre complémentaires santé et assurance-maladie en coordonnant davantage les actions et en permettant, sous conditions, le partage de certaines données quand une fraude est suspectée.
Financiarisation : du travail pour les partenaires conventionnels
Pour lutter contre la financiarisation du secteur de la santé, le PLFSS inclut dans les objectifs légaux des conventions professionnelles la définition d'objectifs partagés visant à garantir l’accès territorial aux soins et la protection de l'indépendance professionnelle. Les pharmaciens d’officine sont les invités de dernière minute.
Lors des discussions conventionnelles, syndicats et assurance-maladie devront s’engager et définir des objectifs quantitatifs ou qualitatifs en matière de répartition territoriale et de protection de l'indépendance, ainsi que les modalités de suivi du respect de ces engagements et de ces objectifs.
Autres mesures et compte de résultat
La prise en charge par l’assurance-maladie de tests de détection de soumission chimique et des analyses, y compris sans dépôt de plainte, sera expérimentée pour 3 ans, avec mise en œuvre au plus tard le 1er juillet. Reste à définir le processus dans lequel les pharmaciens pourraient avoir un rôle à jouer.
Une « taxe lapin » est instaurée pour les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux.
La campagne de vaccination contre le HPV au collège sera combinée avec la vaccination contre les méningocoques.
Au final, il s’agit d’un PLFSS « de compromis », « pas à la hauteur des enjeux », selon les parlementaires. L’addition sera salée. Alors que le premier PLFSS prévoyait un déficit de 16 milliards d’euros en 2025 et 19,9 milliards d’euros en 2028, celui-ci devrait finalement dépasser les 22 milliards d’euros en 2025 et les 24 milliards en 2028.
Le PLFSS doit encore passer devant le Conseil constitutionnel avant d’être publié au « Journal officiel ».
Une idée de l’assurance-maladie
Médicaments, pansements : quelle est cette expérimentation contre le gaspillage ?
Négociations salariales
Révision de la grille des salaires : ce qui va changer
Santé et bien-être
GipharLab, un incubateur pour accompagner de jeunes marques
Expérimentation
Vaccination du voyageur chez Wellpharma