« C’est la cata », se désole Virginie Vandenbossche, préparatrice à la Pharmacie de Charonne, située au cœur du 11e arrondissement de Paris. Les reports et délais successifs accordés aux professionnels de santé pour se mettre à jour n'ont rien résolu. Tandis que quelques officines ne rencontrent pas de difficulté, la situation est plus rugueuse pour la majorité. Au comptoir d’Emmanuelle Legrand, titulaire de la pharmacie éponyme, « neuf prescriptions de tramadol et de codéine sur dix sont sécurisées, nous n’acceptions d’ailleurs plus aucune prescription non sécurisée depuis le 1er mars. » Le dernier décile, « ce sont des médecins qui ne sont pas au fait de cette nouvelle mesure, mais ils émettent une ordonnance sécurisée sans problème lorsque nous le leur demandons. Nous n’avons pas eu de clash avec des patients. » Idem autour de la place Léon Blum, traversée par le boulevard Voltaire, où la Pharmacie Centrale a eu la chance de ne recevoir que des patients « qui ont pu être surpris, mais n’ont opposé aucune objection à notre refus de dispensation » se réjouit une préparatrice qui a souhaité conserver l’anonymat.
Le prescripteur oublie ou n’est simplement pas au courant
Virginie Vandenbossche
Cependant, de l’autre côté du boulevard Voltaire, mauvaise nouvelle, on est aux antipodes. Dans la Pharmacie de Charonne, ce sont huit ordonnances pour du tramadol ou de la codéine sur dix qui ne sont pas sécurisées. « Parfois le prescripteur oublie ou n’est simplement pas au courant du type d’ordonnance qu’il doit émettre. Le résultat est le même, les patients viennent nous voir en souffrance et on doit les renvoyer à leur point de départ. Ils bougonnent et râlent, mais nous n’avons pas subi d'agressions », complète la préparatrice, qui reconnaît cependant exercer dans un quartier calme, où les violences sont rares. Quelques centaines de mètres plus loin, dans la Grande pharmacie Piot du boulevard Voltaire, la situation est meilleure, mais reste loin d’être optimale. Ici, « 50 % des ordonnances qu’on nous présente ne sont pas sécurisées et nous sommes obligés de renvoyer les patients vers leur médecin ou le contacter nous-mêmes. Ils ne répondent pas toujours rapidement, ce qui ne plaît pas aux patients », rapporte Séverine Piot, la titulaire. Dans cette officine, la plupart des prescriptions de tramadol ou de produits codéinés que les patients leur soumettent proviennent d’un hôpital, tandis que celles apportées à la Pharmacie Voltaire Charonne sont, en majorité, émises par des dentistes. Ces derniers « sont nombreux à ne même pas avoir de logiciel adapté », constate Antonella Fosca, préparatrice. Et de poursuivre « dans ce cas-là, ils prescrivent de la lamaline. Nous avons honoré plus de prescriptions de cette spécialité que d’habitude ces derniers temps. »
Contourner la législation
Ce report sur une molécule qui échappe à aux nouvelles directives, c’est « un phénomène courant, lorsqu’il y a de nouvelles réglementations. Les médecins font des choix, explique Raphaël Gigliotti, titulaire de la pharmacie Lyautey, à Nice (Alpes-Maritimes). J’ai même reçu l’appel d’un médecin qui voulait savoir si cette spécialité était soumise aux nouvelles restrictions. » Les pharmacies de la Riviera n’échappent donc pas aux retards informatiques, ni au manque d’information des prescripteurs, pour qui la situation engendre parfois une surcharge de travail, à l’origine de tensions. À quelques encablures de là, dans la pharmacie du Merlan, à Marseille (Bouches-du-Rhône), c’est une généraliste qui a élevé la voix au téléphone, lorsque la préparatrice l’a notifiée de la non-conformité de sa prescription. « Le problème de fond de ces dispositifs qui s’accumulent, c’est la charge de travail pour les praticiens. Les mesures administratives s’ajoutent les unes aux autres, et avec elles l’épuisement. Les médecins n’arrivent pas toujours à suivre et sont eux aussi à bout, ce qui conduit à des confrontations avec les officinaux », regrette le titulaire niçois. Il poursuit : « La situation est similaire avec le dispositif d’accompagnement à la prescription des analogues du GLP-1 : plus on avance, plus on a de contraintes. Ce n’est pas une solution viable, tout devrait être centralisé sur une e-prescription. Pour gagner en fluidité, c’est d’un choc de simplification dont nous avons tous besoin. »
Dans ce but, un livre blanc, fruit d’un collectif de pharmaciens, rassemblant 100 propositions a été remis au ministre de la Santé. Objectif affiché : l’application de ces mesures dans un délai de 2 à 3 ans.
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