

Rochefort, le 1er février 1767. À quai, un grand trois-mâts nommé L’Étoile doit partir vers l’ouest, dans le sillage de la frégate La Boudeuse, sur laquelle navigue déjà le comte Louis-Antoine de Bougainville, missionné par le roi afin de restituer aux Espagnols les îles Malouines. Ce jour-là, le botaniste Philibert Commerson embarque. Destination Rio de Janeiro.
Cet homme est un fou des plantes. Étudiant, déjà, il entrait secrètement dans le Jardin des plantes de la faculté de Montpellier, escaladant le mur pour en chaparder des spécimens afin de nourrir des herbiers. Plus tard, il ira herboriser dans les Cévennes, en Suisse et en Bresse, sa terre natale où il crée un jardin botanique et entretient une correspondance avec les plus grands naturalistes de l’époque dont Carl Von Linné qui lui commande la description de plantes marines et de poissons de la Méditerranée.
Un duo de botanistes acharnés
Perfectionniste et grand affectif, la mort de sa jeune femme, après seulement deux ans mariage le meurtrit profondément. Il se réfugie alors encore plus intensément dans l’étude des plantes jusqu’à ce qu’un de ses amis, l’astronome Jérôme de Lalande, le convainque de monter à Paris où s’anime toute la communauté scientifique. Commerson accepte et s’installe – nul hasard - dans un appartement juste à côté du Jardin du Roy, futur Jardin des Plantes. C’est à cette époque qu’il fait monter de Bresse une jeune femme afin de gérer l’intendance de sa domesticité. Elle s’appelle Jeanne Barret et une grande complicité va lier ces deux personnalités, aussi curieuses et aventureuses l’une que l’autre.
Beaucoup moins dupes, les Tahitiens reconnaissent en effet immédiatement le corps et l’allure de la femme sous les apparats d’homme.
Il faut croire que Commerson prodigue à sa jeune servante sa « botanomaniaquerie », terme dont il est l’inventeur. Ce dont témoigne le périple qui suit. En effet, c’est à deux qu’ils embarquent sur l’Étoile, Jeanne, déguisée en homme, en habit de marin, se faisant passer pour le valet de Commerson. Les femmes n’avaient pas le droit d’embarquer à bord des navires, encore moins ceux destinés à faire de la circumnavigation. Une longue expédition commence. Atteignant le Brésil, ils passent ensuite le Détroit de Magellan et accostent à Tahiti. Aux côtés de son maître, Jeanne – sous le nom de Jean Baret - apprend à herboriser et classifier les végétaux. Au Brésil, elle découvre, à ses côtés, une magnifique plante grimpante dont les fleurs chatoient d'éclatants coloris. Ils la baptisent, à point nommé, le Bougainvillier, en l'honneur du capitaine. Si l’histoire est aujourd’hui connue, c’est grâce à plusieurs témoignages, dont le célèbre « Voyage autour du monde de Bougainville », qui rapporte l’étrange binôme que constituaient Jeanne et Philibert et la supercherie dont a été dupe, pendant plus d’un an, l’équipage : « Cependant, comment reconnaître une femme dans cet infatigable Baret, botaniste déjà fort exercé, que nous avions vu suivre son maître dans toutes ses herborisations, au milieu des neiges et sur les monts glacés du détroit de Magellan, et porter même dans ces marches pénibles les provisions de bouche, les armes et les cahiers de plante avec un courage et une force qui lui avait mérité du naturaliste le surnom de bête de somme ? Il fallait qu’une scène qui se passa à Taïti changeât le soupçon en certitude ». Beaucoup moins dupes, les Tahitiens reconnaissent en effet immédiatement le corps et l’allure de la femme sous les apparats d’homme.
Des plantes aux précieuses vertus
Jeanne, du haut de ses 26 ans, força tant le respect que tous se sont ensuite accordés à dire qu’elle était bien la première femme à faire le tour du monde. Le voyage se poursuivit ensuite jusqu’à l’île de France (aujourd’hui île Maurice) où ils débarquent en 1768 et sont accueillis par Pierre Poivre, intendant des îles de France et de Bourbon (actuelle île de la Réunion) sur lesquelles il commence à cultiver des épices, en important notamment des plants de giroflier, d’anis étoilé et de muscadier afin de les acclimater à ces terres. Cette entreprise se passe en particulier dans le Jardin de Pamplemousses, magnifique jardin botanique qu’il crée dans sa propriété de Mon Plaisir sur l’île de France.
Pierre Poivre encourage Philibert et Jeanne à herboriser durant les cinq ans qu’ils passent sur ces îles. Sur l’île de Bourbon, par exemple, ils découvrent la flore endémique, comme la nésogène d’Orère, souvent utilisée pour ses propriétés anti-inflammatoires et analgésiques et pour soulager les douleurs musculaires et articulaires, le bois de lait qui soulage les problèmes respiratoires et les congestions ou encore le bois de pêche de marron, anti-inflammatoire, diurétique et dépuratif, utilisé pour lutter contre les excès de cholestérol ainsi que pour traiter l’albumine et les troubles urinaires. L’aloe vera également, connue pour être un antiinflammatoire contre les blessures et les brûlures, en plus d’être une plante détoxifiante riche en vitamine et en acides aminés. Autant de plantes médicinales qui constituaient à l’époque la pharmacopée traditionnelle locale des Mascareignes alors qu’à la fin du 18e siècle, aucun hôpital n’était construit dans ces lointains archipels. Philibert étant très fatigué et diminué physiquement, on sait que c’est Jeanne qui va réaliser la collecte et la classification de ces plantes aux précieuses vertus. Philibert mourra d’ailleurs sous le soleil de ces îles paradisiaques, sans revoir la France, en 1773, laissant Jeanne seule et lui léguant l’ensemble des recherches botaniques réalisées depuis leur départ de Rochefort.
« Femme extraordinaire » mais oubliée
Plus de 5 000 plantes observées et ramenées dont 3 000 considérées comme nouvelles rejoindront le Museum d’Histoire Naturelle à Paris, où elles seront étudiées par Lamarck et Jussieu, toujours grâce à Jeanne. Celle-ci en effet, remariée, réussira à regagner la France en 1775, pour s’installer dans le Périgord et prendra soin de sauver les carnets, herbiers et autres plants de Philibert. À la demande de Bougainville, le roi Louis XVI la nommera « femme extraordinaire », en reconnaissance de son travail et de son courage. Cependant, malgré son implication indéniable dans ce grand voyage naturaliste et botanique, seul Commerson passa à la postérité. Il faudra attendre 2012 pour qu’elle sorte de l’oubli grâce à trois botanistes Éric Tepe, Glyns Ridley et Lynn Bohs qui nommèrent une nouvelle espèce de Solanaceae, Solanum Baretiae (originaire du Sud de l’Équateur et du Nord du Pérou) en hommage à cette femme incroyable et intrépide. En 2018, son nom a même été attribué à une chaîne de montagnes de Pluton, destination lointaine s’il en est !
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