Si 80 % des jeunes enfants atteints de leucémie peuvent guérir, c’est grâce à elle, si les personnes au système immunitaire affaibli peuvent recevoir des greffes, c’est grâce à elle, si les récidives du virus de l’herpès peuvent être contrées, c’est grâce à elle, si la goutte peut être efficacement soulagée, c’est encore grâce à elle. Et si, enfin, l’AZT, le premier médicament antirétroviral contre le SIDA a pu être considéré, c’est aussi grâce à elle.
Son combat personnel est aussi celui d’une femme de son temps dans le milieu scientifique.
À lire la biographie de Gertrude Belle Elion, on se rend compte à quel point une part des avancées pharmacologiques de la seconde moitié du XXe siècle lui sont redevables. Ce parcours exceptionnel a d’ailleurs été récompensé en 1988 par le Prix Nobel de Médecine qu’elle partage avec le chimiste américain Georges Hitchings et le médecin et pharmacologue écossais James Black. Cette femme discrète, surdouée et assidue voua sa vie à la recherche scientifique, sans relâche, jusqu’à sa mort en 1999 à l’âge de 81 ans, au point que beaucoup n’avaient pas compris qu’elle avait pris sa retraite, tant elle se rendait toujours régulièrement dans les laboratoires pour prodiguer ses conseils et y diffuser sa curiosité visionnaire.
La voie de l’excellence
Sa passion s’apparente à un combat bien plus profond qu’on peut le penser au premier abord. D’abord parce que sa vocation naît à la suite de la perte, adolescente, de son grand-père bien-aimé emporté par un cancer de l’estomac, suivi par la mort soudaine, quelques années plus tard, de son fiancé, d’une endocardite bactérienne. Elle ne se maria jamais et choisit la science pour seule compagne, décidée à endiguer les ravages des virus et des infections sur le corps humain. Ensuite parce que son combat personnel est aussi celui d’une femme de son temps dans le milieu scientifique. Et pendant l’entre-deux-guerres, autant dire que cette vocation n’avait rien d’aisé et qu’imposer ses idées pouvait s’apparenter à un véritable chemin de croix.
Ce chemin, Gertrude Belle Elion le traça pourtant, le transformant en véritable sillon. D’abord avec un diplôme de chimie au Hunter College qu’elle fréquente gratuitement grâce à son excellent niveau. La petite new-yorkaise, fille d’un père lituanien et d’une mère russe, n’a en effet rien d’une bourgeoise. Son père, dentiste, ayant vu son activité fortement décroître au moment de la Grande Dépression, elle doit se débrouiller seule. Et non sans difficultés. Elle se voit d’abord refuser toutes les bourses auxquelles elle postule afin d’intégrer une école supérieure et doit se résoudre à prendre des petits boulots de secrétaire ou d’assistante de laboratoire, très peu rémunérés. « Je n'avais pas conscience qu'une porte m'était fermée jusqu'à ce que je commence à frapper à toutes les portes », a-t-elle déclaré. Finalement, à force d’économies, elle put intégrer l’Université de New York en 1939. Elle y est la seule femme en cours de chimie et en sort avec un master en Sciences en 1941.
Rupture scientifique
C’est alors qu’un autre dilemme apparaît. Poursuivre son doctorat ou tenter d’intégrer le monde du travail ? Au début, elle entame des recherches au Brooklyn Polytechnic Institute à temps partiel pour y préparer un doctorat mais là encore, faute d’octroi de bourse, la mission est complexe. C’est également à cette époque que Gertrude Belle Elion perd son fiancé. Elle décide alors de se consacrer à la recherche mais dans la réalité d’un laboratoire. C’est la mobilisation des hommes pour la guerre qui lui ouvre des opportunités. En effet, en pénurie de main-d’œuvre, les métiers autrefois réservés aux hommes sont désormais obligés d’accepter les femmes. Ainsi, elle trouve un premier poste de chimiste de contrôle qualité chez Quaker Maid Company puis comme chimiste de recherche chez Johnson & Johnson avant d’entrer en 1944 comme chimiste de recherche chez Burroughs Wellcome (devenue Glaxo-Wellcome depuis 1995). Elle y fera toute sa carrière, jusqu’à devenir responsable de thérapie expérimentale.
C’est au cœur de ce parcours et surtout auprès du chimiste George H. Hitchings, dont elle est l’assistante puis l’égale, qu’elle va pouvoir déployer tout son talent. Dès la fin des années 1940, ils travaillent de concert et ont l’idée de comparer des cellules humaines normales avec des cellules cancéreuses, des protozoaires, des bactéries et des virus. Leur objectif est de mettre en évidence les différences entre les façons dont les acides nucléiques sont métabolisés dans ces différentes cellules. L’idée est ainsi de développer des médicaments hautement ciblés capables de bloquer de manière sélective la croissance et la réplication de certaines cellules cancéreuses et de certains agents pathogènes. Rapidement, ils mettent au point un composé de synthèse à partir d’un test utilisant la bactérie Lactobacillus Casei, constatant qu’il inhibe fortement la croissance de cette dernière. En 1953, lorsque la 6-mercaptopurine a été mise en essai clinique pour le traitement de la leucémie infantile, elle a entraîné une rémission complète chez un patient sur trois. Cette nouvelle approche – basée sur une connaissance précise de la structure des acides nucléiques afin de synthétiser des molécules en fonction de cibles spécifiques – allait révolutionner la manière de développer des médicaments et permettre de soigner des maladies jusque-là considérées comme incurables.
La mise en point de la stratégie médicamenteuse antivirale prouva au monde scientifique qu’il était possible de développer des agents antiviraux spécifiques avec des cibles précises, ce qui changea les perspectives quant au développement des thérapies anti-cancéreuses et anti-VIH notamment.
Découvertes décisives
S’ensuivit la mise au point de la pyriméthamine, un antipaludéen très puissant. En 1956, voit le jour le triméthoprime, un antibactérien qui combat la cystite et les infections urinaires. En 1957, l’azathioprine (connu sous le nom Imuran) pour le traitement des leucémies et des transplantations d’organes. En 1960, l’allopurinol bloquant la formation d'acide urique et permettant de vaincre la goutte, l’uricémie, la leishmaniose et la maladie de Chagas. Et au début des années 1970, le groupe de recherche de Gertrude Belle Elion développe l'acyclovir (Zovirax), un médicament qui combat la réplication de l'herpès. La mise en point de cette stratégie médicamenteuse antivirale prouva au monde scientifique qu’il était possible de développer des agents antiviraux spécifiques avec des cibles précises, ce qui changea les perspectives quant au développement des thérapies anti-cancéreuses et anti-VIH notamment. C’est pour toutes ces raisons que Gertrude Belle Elion reçut le Prix Nobel de Médecine en 1988 « pour la découverte d'importants principes de thérapeutique médicamenteuse ». En effet, ce sont ensuite les chercheurs à bonne école, attentifs aux formules d’Elion et de Hitchings qui ont été les premiers à voir le potentiel anti-VIH de l’AZT. Lorsqu’elle prit la tête du laboratoire de thérapie expérimentale en 1967 chez Burroughs Wellcome, elle avait rassemblé plus de 50 personnes dans son groupe de recherche, comprenant aussi bien des chimistes, biochimistes, virologues, pharmacologues, immunologues et oncologues, une ruche bouillonnante au service de la ténacité et de l’expertise de celle qui ne put jamais finir son doctorat mais reçut 25 diplômes honorifiques, publia plus de 200 articles, déposa 45 brevets et fut honorée de nombreuses autres distinctions comme le fait d’être la première femme à être intronisée au National Inventors Hall of Fame en 1991.
Après sa retraite, en 1983, Gertrude Belle Elion présida l'Association américaine de recherche sur le cancer, fut consultante auprès de l'O.M.S. dans le département de recherche sur les maladies tropicales et occupa la chaire de pharmacologie à l'université de Caroline du Nord pour continuer de transmettre son savoir aux jeunes chercheurs. « Ma plus grande satisfaction est de savoir que nos efforts ont contribué à sauver des vies et à soulager la souffrance », a-t-elle déclaré. La découverte de principes thérapeutiques et de médicaments comme sacerdoce…
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