Le métier se transforme, l’exercice officinal s’étoffe, le pharmacien s’affirme. Cette évolution est le signe d’une profession vivante. Contrairement aux apparences, les titulaires ne sont pas les seuls à contribuer à cette dynamique. Si, à ce jour, les adjoints n’interviennent pas directement dans les négociations conventionnelles, ils démontrent qu’il existe mille et une façons d’être actifs pour faire vivre la pharmacie d’officine.
S’exprimer par la voix des sociétés savantes
« On n’a pas besoin d’être titulaire pour s’engager à promouvoir et à transformer notre métier », confirme Lucie Bréon. Diplômée depuis 2024, cette jeune pharmacienne a choisi de rejoindre la CVAO (coopération pour la valorisation de l’acte officinale), dans la continuité de son engagement au sein de l’ANEPF (association nationale des étudiants en pharmacie de France) : «Comme son nom l’indique, la CVAO mène des travaux pour valoriser l’acte officinal et améliorer toujours et encore la qualité de l’accompagnement qu’apporte le pharmacien. Actuellement par exemple, nous nous intéressons à l’intervention du pharmacien dans le sevrage tabagique. Cela a donné lieu à une conférence à PharmagoraPlus, en mars dernier ». Parce qu’elles sont force de proposition, les sociétés savantes participent activement à dessiner l’avenir de la pharmacie et à stimuler la mutation du métier. Et c’est ce qui séduit Lucie.
L’union fait la voix
Les missions complémentaires à la dispensation, déployées au cours des dix dernières années, ont créé de réelles opportunités pour les adjoints, et ouvert la voie à de nouvelles aspirations. « C’est paradoxal : nous, les adjoints, sommes les plus nombreux mais nous sommes aussi les moins consultés quand il s’agit d’évoquer l’avenir de la profession. C’est pour cela que je me suis engagée dans le Cpaof (Collectif des pharmaciens adjoints d'officine de France N.D.L.R.), pour faire entendre nos idées », note Isabelle Fortin, adjointe en pharmacie.
Première organisation non syndicale et non ordinale à porter la voix des adjoints, le Cpaof affirme de plus en plus sa présence dans le paysage professionnel. Parmi ses missions représentatives, l’association siège au CNP (conseil national professionnel) de la pharmacie. « Le CNP est consulté sur des thématiques en lien avec le parcours de soins. Récemment, nous avons émis des avis sur la dispensation à l’unité (DAU) et la préparation des doses à administrer (PDA). C’est important que les adjoints y soient représentés, d’autant plus que nous sommes généralement en première ligne sur le terrain », poursuit Isabelle Fortin. Le Cpaof est également partie prenante au sein du cercle de réflexion de la pharmacie d’officine, le CREPOFF*, aux côtés de l’ANEPF et de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) : « le Crepoff constitue un espace d’expression pour imaginer l’avenir ». Ce think thank de la pharmacie a lancé cette année une enquête sur le numérique et la digitalisation à l’officine : « C’est un enjeu important dans l’évolution de la profession, ne serait que par la présence de plus en plus marquée de l’intelligence artificielle (IA) qui va certainement modifier en profondeur notre approche de la prise en charge et soutenir notre expertise au comptoir. »
La section D stimule l’évolution professionnelle
Adjointe, enseignante à la faculté de Rouen, élue ordinale en région Normandie et au bureau de la section D (adjoints), Cécile Detuncq démontre par ses engagements divers mais complémentaires que les adjoints ont une place de choix pour dessiner le métier de demain : « Chaque mission que je réalise me pousse à porter une réflexion sur l’avenir, réflexion que je n’aurais peut-être pas si je me limitais à être exclusivement adjointe. En section D par exemple, nous travaillons activement à élargir la participation des adjoints au capital des officines (limitée à 10 % à ce jour), stratégie qui permettrait de lutter contre la désertification et contre la financiarisation. » Régulièrement en contact avec les étudiants, la pharmacienne tente de leur transmettre cette envie de participer pleinement à la vie de leur profession : « je veux leur faire prendre conscience qu’ils peuvent et doivent être actifs dans la construction de leur avenir professionnel. » Pour Cécile Detuncq, il ne faut jamais perdre de vue que l’évolution de la profession doit toujours servir la prise en charge des patients. C’est dans ce sens qu’a été créé le prix de dispensation par l’Appex (Association pour la promotion des pharmacies expérimentales), auquel participe activement la pharmacienne : « l’idée de ce concours interfac est de fédérer, de créer des échanges tout en stimulant une évolution de l’acte de dispensation, dans son apprentissage autant que dans sa finalité. »
Les pharmaciens investissent les réseaux sociaux
Cause ou conséquence d’un exercice officinal en profonde mutation, les pharmaciens osent de plus en plus affirmer leurs compétences et les partager avec le plus grand nombre. Identifier le pharmacien comme le professionnel de santé de référence sur le médicament est un des objectifs que s’est fixés Khansaa, plus connue sur les réseaux sociaux sous le nom de Fluent Pharma. En quelques mois, elle est devenue une vulgarisatrice scientifique (ou plutôt pharmaco-médicale) très suivie sur Instagram et TikTok avec plus de 30 000 abonnés : « quand on y réfléchit bien, rendre une notion médicale compréhensible par le plus nombre est ce que nous faisons toute la journée au comptoir. » D’ailleurs, les idées de thèmes naissent de son expérience à la pharmacie. « Lorsqu’un patient m’interroge sur tel ou tel point, je me dis que d’autres patients ont certainement les mêmes questions et attendent les mêmes réponses. » Une contribution ambitieuse et exigeante puisque la réalisation de chaque vidéo est le résultat d’une préparation approfondie : « vulgariser est un exercice difficile. Je ne parle jamais d’un sujet si je ne le maîtrise pas suffisamment. Il m’arrive de contacter des experts pour valider en amont mon propos. » Mettre en avant son diplôme de pharmacienne devant des milliers de followers est une responsabilité qui engage l’image de la profession ; Khanssa en est consciente : « Je suis prudente et pèse chaque mot pour ne pas qu’il y ait de mauvaise interprétation. Toutes les informations sont sourcées. L’objectif est de donner la meilleure image du pharmacien. »
*Cercle de Réflexion de la Pharmacie d'Officine
Trois questions à
La recherche, un autre moyen de stimuler l’évolution professionnelle

Pharmacien maître de conférences en pratique officinale au sein du département Pharmacie à l’université d’Angers, Arthur Piraux est un des rares pharmaciens adjoints à avoir intégré une unité de recherche dédiée aux soins primaires. Enseignant-chercheur et officinal, il conjugue pratique et théorie et se nourrit du terrain pour développer la recherche. En gardant toujours en ligne de mire un double objectif : améliorer la prise en charge des patients et contribuer à l’évolution du métier de pharmacien d'officine.
Le Quotidien du pharmacien.- En quoi consiste l’enseignement en pratique officinale ?
Arthur Piraux.- L'objectif est de mettre les étudiants face à des situations qui sont plus ou moins réelles et proches de la réalité. Pour nous aider, nous avons la chance d'avoir, à l'université d'Angers, un outil formidable de simulation d’officine, avec des véritables comptoirs et des logiciels métiers intégrés. Cette officine expérimentale est équipée d’un système de captation de vidéo qui nous permet de voir et d’entendre à distance ce qu’il se passe pendant la séance. C’est un matériel pédagogique très utile pour analyser les interventions.
Est-ce que l’officine peut devenir un lieu de recherche en pratique officinale ?
C’est une question que nous avons posée à des pharmaciens dans le cadre d’une étude exploratoire menée avec des collègues nantais. L’objectif était d’évaluer la perception de la recherche par les officinaux. Il en ressort une attente forte : les pharmaciens et les étudiants seraient prêts à s’engager dans cette voie. Pour eux, le fait de participer à des études cliniques est un des leviers permettant de promouvoir de nouvelles missions professionnelles. Cependant, il faut raisonner de manière globale et élargir la recherche aux soins primaires, auxquels s’intègre la pratique officinale. Aujourd’hui, les soins primaires sont le parent pauvre de la recherche, celle-ci étant concentrée dans les centres hospitalo-universitaires (CHU). La majorité des besoins de soins correspond pourtant à des soins de premier recours, avec une prise en charge en ville réalisée par le triptyque médecin généraliste, infirmier, pharmacien. Il est donc nécessaire d’amorcer cette recherche. Cela implique certaines adaptations pour faciliter la participation des professionnels de ville, dont les officinaux. Dans ces conditions, l’officine pourrait devenir un lieu de recherche en soins primaires.
Est-ce que cette recherche en soins primaires peut contribuer à l’évolution du métier officinal ?
Oui, parce que la pratique officinale et la recherche en soins primaires visent un objectif commun : améliorer toujours et encore la prise en charge des patients. Quand je suis à l’officine, toute mon attention est portée sur le patient. Quand je fais de la recherche, la finalité c’est d’améliorer le parcours patient ; et quand j’enseigne, c’est pour que le patient soit pris en charge de façon optimale par mes futurs collègues. L’officine ne peut que profiter de ces travaux de recherche sous réserve de disposer des ressources suffisantes, humaines et financières, pour les mener. Heureusement, les lignes bougent. À Angers par exemple, nous avons la chance d’avoir une nouvelle unité de recherche dédiée à la recherche en soins primaires et baptisée POPS, pour préventions, organisations et parcours en soins primaires.
Propos recueillis par David Paitraud
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