Conseil officinal

L’ordonnance du pharmacien

Publié le 30/11/2015
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Compétent, disponible et accessible. Ces qualificatifs expliquent à eux seuls l’importance du pharmacien et de son équipe pour répondre à une demande accrue de soins de premier recours. Cette responsabilité implique une vraie réflexion sur le conseil officinal, sur la démarche à adopter pour répondre à une plainte en toute sécurité.

Le conseil officinal, qu’est-ce que c’est ? Quel est son objectif et sur quoi est-il fondé ? Le CVAO (Comité pour la valorisation de l’acte officinal) a beaucoup planché sur ce sujet. Pour son président, Jean-Michel Mrozovski, « le conseil officinal est un mot-valise qu’il convient de définir pour que tout le monde parle de la même chose ».

Ce conseil officinal intervient en réponse à la demande spontanée d’un client, sans prescription, ou dans le cadre d’une ordonnance médicale, pour accompagner le patient dans son traitement. Quelle que soit la situation, le CVAO a identifié trois règles essentielles : ne pas nuire, favoriser la thérapeutique et favoriser l’autonomie du patient.

Le discernement, une qualité indispensable au comptoir

L’article 38 de la Loi HPST prévoit que le pharmacien contribue aux soins de premier recours, dont l’orientation dans le système de santé. « Le pharmacien a un vrai rôle d’orientation. Ce rôle est compliqué et implique une grande responsabilité. Le risque de perte de chance pour le patient doit constamment être évalué », insiste J-M Mrozovski.

C’est pour cela que le conseil du pharmacien repose avant tout sur la capacité à discerner, à apprécier la situation. Au préalable, le CVAO recommande de distinguer les patients naïfs et les autres. Le symptôme ou le trouble dont se plaint un patient est-il connu ou nouveau ? « Dans le cas d’un premier épisode d’une pathologie même bénigne, il apparaît tout à fait raisonnable d’orienter le patient naïf, qui n’a jamais présenté le ou les symptômes considérés, vers une consultation médicale afin de poser le diagnostic et d’écarter une pathologie sous-jacente potentiellement grave. Il s’agit d’une démarche de sécurisation », commente le président du CVAO.

Primo non nocere

D’abord, ne pas nuire. C’est un des préceptes phares de l’enseignement de pharmacie. Un précepte sur lequel repose le conseil officinal, comme le souligne J-M Mrozovski : « cette règle se traduit en pratique par l’identification des facteurs de risque. Avant toute chose, il est essentiel de recueillir les données qui permettent de faire une orientation rigoureuse, et d’écarter le risque iatrogène ».

L’observation est primordiale et permet, sans poser de questions, une première évaluation du rapport bénéfice/risque. L’exemple des spécialités à base de pseudo-éphédrine est tout à fait à propos. Comme l’a souligné l’ANSM, ce principe actif expose à un risque cardiovasculaire. Son utilisation doit être prudente en cas d’hypertension artérielle ou de risque d’HTA. « Dans ce cas, la seule observation du patient (âge, surpoids, tabagisme) peut permettre d’identifier rapidement des facteurs de risque et d’orienter son conseil ».

Le patient détient les informations dont le pharmacien a besoin

Outre l’observation, le conseil officinal repose sur l’échange entre le pharmacien et son client. Cette conversation ne doit pas se résumer à une série de questions. « Le recueil des informations complémentaires nécessaires à l’orientation et au choix thérapeutique se fait à travers un dialogue entre les deux parties. C’est le patient qui détient les informations, pas le pharmacien. Par conséquent, la démarche recommandée vise à faire naître des interrogations et y répondre avec le patient », préconise le président du CVAO qui ajoute que « le pharmacien doit avant tout se mettre dans la position de s’intéresser à l’autre pour créer une relation de confiance ». Pour cela, le pharmacien peut s’appuyer sur les auto questionnaires : « le test de Fagerström en est un exemple. D’autres auto questionnaires pourraient être mis en œuvre pour conduire la réflexion du patient, et contribuer à l’acceptation et à la compréhension du traitement ».

La thérapeutique au bénéfice du patient

La réponse du pharmacien est thérapeutique, médicamenteuse ou non, et son objectif est le bénéfice du patient. Les règles d’hygiène de vie et les mesures diététiques ont une place prépondérante. « Les conseils pour la bonne utilisation du médicament font partie intégrante de la dispensation », rappelle le président du CVAO. Cela implique de soigner la forme, avec un recours recommandé à l’écrit : « En associant le verbal et l’écrit, on augmente la compréhension du patient ».

Cette démarche a pour objectif de favoriser son autonomie, c’est-à-dire lui permettre d’une part de déterminer les conditions de réussite de son traitement et d’autre part, de déterminer les actions à mettre en œuvre en cas d’échec. Ce que le CVAO résume ainsi : « l’acte de dispensation doit permettre de transformer une volonté thérapeutique en une action positive et pérenne du patient ».

En pratique, le CVAO propose la technique de la question impliquant. « Il s’agit de la question que le patient devrait se poser pour bien utiliser son médicament. Par exemple, dans le cas d’une première prescription de contraception orale, il nous a semblé qu’une question très simple devait être posée : "quand allez-vous prendre votre premier comprimé ?". C’est une évidence mais cette question conduit la patiente à s’interroger sur sa future pratique et à faire le point avec le pharmacien de ce qu’elle a retenu du discours du médecin », explique J-M Mrozovski.

La guidance officinale plutôt que le conseil

Finalement, le terme de "conseil" semble réducteur puisqu’il ne prend en compte qu’une partie de l’acte officinal. Parler de "guidance" serait plus approprié ; ce mot d’origine anglaise concentre en effet l’ensemble des notions, c’est-à-dire les moyens et les objectifs, permettant d’aboutir à une prise en charge positive du patient.

D. P.

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3221