Pas de revalorisation mais des nouveaux actes et des « superpréparateurs »

Douche froide pour les pharmaciens allemands

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Publié le 02/10/2025
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Après leur avoir promis une augmentation de leur honoraire de délivrance, le gouvernement allemand vient de signifier aux pharmaciens qu’il n’est pas en mesure d’honorer sa promesse pour des raisons financières… et présente plusieurs autres mesures qui les inquiètent plus qu’elles ne les rassurent, dont une nouvelle forme de « pharmacies sans pharmaciens ».

Le traditionnel congrès annuel des pharmaciens, qui devait marquer leurs « retrouvailles » avec le gouvernement après les années très conflictuelles vécues sous le « règne » du ministre social démocrate Karl Lauterbach, a tourné à la douche froide pour les officinaux allemands.

La nouvelle ministre de la santé Nina Warken, membre de la CDU, le parti chrétien-démocrate, majoritaire de la coalition dirigée par Friedrich Merz, y a balayé la revalorisation de la rémunération officinale pourtant promise par son parti depuis plusieurs années, mettant en avant des impératifs économiques. Introduit en 2004 et bloqué à 8,35 euros par boîte plus 3 % de marge depuis 2013, l’honoraire ne couvre plus les frais croissants des officines, ce qui contribue à accélérer la « mort des pharmacies » toujours plus nombreuses à fermer. L’actuelle coalition s’était accordée sur un passage à 9,50 euros dès son arrivée au pouvoir, et beaucoup de pharmaciens n’hésitent pas à parler de trahison, même si les syndicats, prudents, refusent de parler de conflit et, à l’image de Thomas Preis, le président de l’ABDA, (qui réunit les Ordres et les Syndicats), veulent poursuivre le dialogue.

Menace sur le retour des médecins pro-pharmaciens

Nina Warken a présenté ensuite les grandes lignes de la réforme des pharmacies préparée par le gouvernement. Début 2025, le départ de Klaus Lauterbach qui souhaitait ouvrir des filiales de pharmacies sans pharmaciens, mais connectées à une officine principale, avait été accueilli avec un immense soulagement par la profession. Las, l’actuelle ministre estime que, pour lutter contre les déserts pharmaceutiques, il faut permettre aux diplômés, notamment en zone rurale, de se faire remplacer pour des périodes plus ou moins longues par des « super préparateurs » qui auraient le droit, en leur absence, d’effectuer tous les actes normalement assurés par des pharmaciens. Beaucoup d’entre eux sont déjà vent debout contre ce projet, qui menace à leurs yeux les fondements mêmes de leur profession.

En outre, Nina Warken souhaite « élargir les compétences des officines », notamment pour décharger les médecins de certains actes préventifs voire curatifs. Une initiative louable, mais qui suscite déjà la colère des médecins, très jaloux de leurs prérogatives, et qui n’ont pas manqué de réagir très négativement à cette idée, ainsi qu’à la quasi-généralisation de la vaccination officinale. En Allemagne, les deux professions vivent une véritable « paix armée », voire une « guerre froide », depuis des décennies. Si jamais les pharmaciens obtiennent un droit de prescription, même léger, les médecins exigeront, eux, le droit de délivrer des médicaments. De quoi rafraîchir encore un peu l’ambiance déjà plombée par la morosité persistante de l’économie des officines…

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du Pharmacien