La facturation électronique va devenir obligatoire à partir de septembre 2026 pour les entreprises assujetties à la TVA, dont les pharmacies font partie. Celle-ci démarrera dès septembre 2026 pour les grandes entreprises et celles de taille intermédiaire. Les autres — petites et moyennes entreprises, micro-entrepreneurs — suivront en 2027. Cette obligation, introduite par la loi de finances de 2022, vise plusieurs objectifs : simplifier le processus de facturation et de déclaration de la TVA, lutter contre la fraude, mais aussi améliorer la compétitivité.
Récupération automatique des factures
Directement concernés, les pharmaciens vont donc devoir s’adapter et préparer ces changements qui vont modifier leurs relations, notamment avec leurs fournisseurs (laboratoires, grossistes), leurs clients (EHPAD…), et bien sûr, l’administration fiscale. Les officines devront être en mesure d’émettre et de réceptionner des factures électroniques, et de transmettre les données de transaction à l’administration fiscale. « Aujourd’hui, beaucoup de pharmaciens continuent à transmettre leurs factures à leur expert-comptable en charge de la déclaration de TVA, parfois par courrier, de manière très artisanale, dans un XXIe siècle qui est très digital », dépeint Lilia Bulteel, vice-présidente de Cegedim Pharma. Cegedim a déjà développé un premier outil, à la demande des laboratoires pharmaceutiques. Baptisé « SY », il digitalise les factures à destination de leurs clients pharmaciens.
Face aux évolutions réglementaires, les prestataires anticipent et ajoutent de nouvelles briques à leurs solutions. Cegedim développe ainsi la PDP Pharma, sa propre Plateforme de Dématérialisation Partenaire, qui a vocation à être certifiée par l’État, et doit héberger les factures dans un environnement sécurisé. Hébergée en France, elle est d’ores et déjà certifiée par l’Etat, prête à accueillir, de manière centralisée et sécurisée, toutes les factures électroniques émises ou reçues dans ce cadre. Cette plateforme assurera l’envoi des factures en B2B, dans un format standardisé, et transmettra automatiquement les données à la DGFIP (Direction générale des finances publiques). Même si la réforme n’entre officiellement en vigueur qu’à partir de septembre 2026, l’infrastructure est déjà opérationnelle pour les titulaires qui choisiraient Cegedim.
Transformer une contrainte en un atout opérationnel
Afin de faciliter la mise en conformité des pharmaciens, Cegedim va lancer ce mois-ci le Hub Pharma, une application SaaS (Software as a Service) de centralisation intelligente qui va permettre au professionnel de recevoir toutes ses factures sans avoir à faire de manipulation, et de les transmettre automatiquement à son comptable. Au-delà de la conformité, Lilia Bulteel présente le Hub comme un outil décisionnel musclé à l’intelligence artificielle, qui va extraire des informations — tels que les volumes, les références produit — et les mettre en relation avec la gestion quotidienne du titulaire, afin de l’aider à mieux suivre ses objectifs et ses marges réglementées. D’autres éléments devraient venir compléter cet outil, mais Cegedim n’a pas souhaité en dire davantage. Une V2 de l’outil est prévue pour septembre. Le prestataire n’exclut pas non plus une interopérabilité avec les LGO.
La plateforme de Digipharmacie centralise aussi automatiquement les factures fournisseurs sur un seul espace. Chaque facture est traitée, classée et sécurisée en ligne, avec des données extraites (TVA, laboratoire, montants). Plus de 16 000 officines ont adopté cette solution, selon les chiffres de l’entreprise.
Au-delà des obligations réglementaires, la numérisation répond à d’autres objectifs étroitement liés à l’activité des officines
Gain de temps pour le pharmacien… et pour l’expert-comptable
Au-delà des obligations réglementaires, la numérisation de la gestion comptable répond à d’autres objectifs étroitement liés à l’activité des officines. « Il s’agit aussi de faire gagner du temps sur des tâches administratives et comptables pour les entrepreneurs », souligne Victorien Goirand, directeur marketing d’iPaidThat, une entreprise créée en 2017 qui a développé une solution éponyme pour la gestion comptable et financière, et compte plusieurs officines dans sa clientèle.
Ces outils ont l’avantage de tirer partir de données exploitées en temps réel, « redonnant aux entrepreneurs une vue sur leurs finances », contrairement à un usage traditionnel où ce sont les rapports de l’expert-comptable, fournis à intervalles réguliers – idéalement une fois par trimestre – qui servent de référence. « Disposer de tableaux de bord fiables, mis à jour en temps réel – et non avec trois mois de décalage – change la donne. Le pharmacien a une vision claire et immédiate de sa trésorerie. Il peut ainsi se situer par rapport à ses objectifs ou prévisions d’activité, identifier s’il est en dessous ou au-dessus, et prendre les bonnes décisions pour piloter son entreprise », développe Victorien Goirand.
À ce titre, l’application dispose de la fonctionnalité LCR (lettre de change relevé). Elle lie le client à son fournisseur (laboratoire ou grossiste) et impose de régler le montant dû au créancier à une date précise. « Une fonctionnalité appréciée des officines », assure Victorien Goirand. Plus généralement, iPaidThat est essentiellement positionnée sur la partie précomptabilité, en facilitant la récupération des justificatifs. Dès qu’un e-mail contenant une facture est détecté, le système l’identifie automatiquement, l’extrait, puis l’intègre au logiciel. « Ensuite, nous procédons à ce que nous appelons une “pré-imputation” » : l’expert-comptable connecté à la solution (et qui aurait ouvert un accès dédié, N.D.L.R.) peut ainsi accéder au justificatif quasiment en temps réel. Tout cela est automatisé », décrit-il.
L’intérêt pour le pharmacien est donc de gagner du temps, et pour l’expert-comptable, de traiter au fur et à mesure son cas client, et donc de limiter sa surcharge de travail liée à la période fiscale, tout en réduisant au minimum les “trous dans la raquette”, liés notamment à des défauts d’envoi de facture. L’entreprise estime que sa solution récupère entre 70 et 90 % des justificatifs, en fonction des activités. À noter que les justificatifs peuvent, en outre, être associés à des flux bancaires sur le compte professionnel. « Il ne reste plus qu’à valider ou invalider l’association proposée. » Côté ergonomie, iPaidThat n’est pas intégré directement au LGO, et est proposé en SaaS (Software as a Service), nécessitant de passer par une application web.
« Je me suis dit qu’il fallait absolument créer une solution qui pilote efficacement les RFA et les COP
William Laborderie, président d’OfficeIn
Faire respecter les conditions d’achat
D’autres outils sont spécialement conçus pour l’officine et répondent à d’autres enjeux forts du secteur. Nourri de ses expériences passées, William Laborderie, président d’OfficeIn a constaté que « certaines conditions d'achat ne sont pas toujours respectées côté laboratoire » et que « si le pharmacien ne demande pas la COP (conventions d’objectifs partagés), on ne lui verse pas toujours le RFA (remises de fin d’année). » Le rythme est souvent difficile à suivre pour les pharmaciens qui traitent avec des dizaines de partenaires. Or, « la manne financière peut être colossale, surtout pour des grosses officines où les RFA peuvent représenter entre 500 000 et 1 million d’euros de remise ».
De fil en aiguille, l’entrepreneur a développé le logiciel OfficeIn pour adresser cette problématique. « Je me suis dit qu’il fallait absolument créer une solution qui pilote efficacement les RFA et les COP, car jusqu’ici, les pharmaciens procédaient de manière très artisanale. Ils réalisaient ce qu’on appelle un "atterrissage" en fin d’année, c’est-à-dire un bilan pour estimer ce que leur devait chaque laboratoire. » Une méthode à la mano, qui laisse place à l’erreur, et qui, par manque de temps, ne permet pas de développer des stratégies afin de débloquer des RFA et d’en tirer profit.
Concrètement, le logiciel récupère et lit l’ensemble des factures, pas seulement les données comptables classiques. Il analyse chaque ligne pour extraire des informations précises comme le code EAN qui identifie des articles ou des unités logistiques de façon unique, les quantités achetées et le fournisseur. Cela autorise un suivi fin, indispensable pour calculer correctement les RFA et les COP. Le logiciel peut intégrer, en outre, les accords des groupements de manière dynamique, croisés avec la base de données des factures et facilite le suivi sur telle ou telle condition, de façon claire et actualisée.
L’outil est enrichi d’autres briques, dont la réception financière. Dans ce second cas d’usage, les données de factures sont croisées avec les commandes et les données de réception pour détecter des anomalies qui impactent directement le ROI (Retour sur investissement) des officines. « Lorsque vous commandez, par exemple, 10 stylos sur Amazon, vous vous attendez logiquement à en recevoir 10 et à être facturé pour 10. Mais imaginez maintenant que vous n’en recevez que 5… et qu’en plus, vous êtes facturé pour 20. C’est exactement le type de problème que l’on peut rencontrer en pharmacie, où la chaîne logistique est complexe. Comme les volumes de factures sont très importants, il est impossible de tout vérifier manuellement », ce qui peut entraîner des écarts de livraison, des erreurs de facturation et des remises non appliquées.
Gestion automatique depuis le LGO
Les éditeurs de LGO aussi intègrent des briques de traitement des factures. Récemment, Winpharma a annoncé enrichir sa solution d’automatisation back-office (gestion des commandes (grossistes, plateformes, fournisseurs directs), réception, gestion des manquants et substitutions), WinAutopilote avec winFactures pour simplifier, fiabiliser, sécuriser et accélérer le traitement des factures fournisseurs. Actuellement en phase de déploiement pilote, winFactures récupère les factures, analyse les données qui y sont présentes, les compare aux commandes passées, et alerte les équipes en cas d’écart de quantité, prix, remise, et références. « au lieu de devoir contrôler manuellement 100 % des lignes de factures, l’équipe se concentre uniquement sur les 1 à 2 % qui présentent une anomalie réelle », précise un communiqué.
Pharmaco pratique
Médicaments photosensibilisants : un risque fréquent
Rapport Shift Project
Réduire l’empreinte carbone du médicament
Véto pratique
Le chien peut-il avoir le rhume des foins ?
Histoire de la pharmacie
Les grandes collections d’art des laboratoires pharmaceutiques